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Quand la Libye était une véritable réussite économique et sociale
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La Libye était riche

Du jeune bédouin pauvre au dictateur impitoyable des dernières années, Kadhafi a connu une trajectoire extraordinaire. Hélène Bravin brosse son portrait. (Extraits 2/2).

Hélène Bravin

Hélène Bravin

Hélène Bravin est journaliste, spécialiste des questions politiques et économiques liées au Maghreb.

Elle collabore actuellement avec Cahiers de l'Orient et la Revue de Défense Nationale (RDN) sur les questions de la Libye et du Mali. Elle fait également de la veille économique et politique pour des multinationales. Elle intervient aussi très régulièrement dans les médias.

Elle a publié récemment Kadhafi, vie et mort d'un dictateur (Bourin Editeur / Janvier 2012).

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En 1976, on n’hésite pas à parler d’une véritable réussite économique et sociale en Libye. Le pays se développe, soutenu très largement par les revenus pétroliers, ce qui accroît les revenus de la population, même s’ils restent faibles, en comparaison de la rente que constitue l’or noir. Les Libyens jouissent d’une place privilégiée par rapport à leurs frères maghrébins ou africains [1]. Par ailleurs, ils bénéficient toujours de la gratuité de certains services, qui sont alors de bonne qualité.

Kadhafi, depuis son arrivée au pouvoir, a beaucoup investi dans les infrastructures, les subventions de produits de base et l’agriculture. Il tient à l’autosuffisance de son pays. Des projets agricoles très coûteux sont ainsi lancés dans le désert avec des compagnies étrangères, comme la SATEC, une société française. Le prix de la tonne de céréales du désert de Sarir, au sud de Benghazi, est alors quatre fois plus élevé que le cours mondial du marché de Chicago [2] … Mais au diable l’avarice, la Libye est riche ! En plus du pétrole, Kadhafi sait que le sol libyen contient du fer, du cuivre et du phosphate, et il entend bien exploiter ces ressources.

Nombre d’écoles, d’hôpitaux et de routes ont été construits. Les usines ont poussé comme des champignons. La Libye en compte cinquante-six nouvelles, telles que le complexe textile de Janzour, l’usine de verres creux d’Al-Aziziyah, l’usine de ciment de Benghazi ou l’usine de chaussures de Misrata. Une centrale électrique réalisée par le français Alsthom a également été construite à Tripoli [3].

Indéniablement, les Libyens vivent mieux que sous l’ère Idris. Le salaire mensuel moyen se situerait entre 1 500 et 2 000 dollars [4] ! Les ports sont encombrés de navires attendant de décharger, à Tripoli et Benghazi les immeubles sortent de terre [5], les bidonvilles et les logements vétustes ont disparu au profit d’immeubles modernes, des gadgets électroniques en provenance de Hong Kong côtoient des objets d’artisanat indien, des tissus anglais et des fleurs artificielles espagnoles… On trouve désormais de tout en Libye.

Au vu de ces résultats, les journaux occidentaux qui fustigeaient le Colonel et le traitaient de fou le jugent maintenant « réaliste ». « C’est un des traits les moins connus du leader libyen », peut-on lire. On le félicite même de vouloir rompre avec l’archaïsme de la société libyenne pour aller vers plus de modernité.

Face à un tel succès économique, les énormes dépenses (militaires, sécurité, les services de renseignement – les moukhabarats) de prestige ou de soutien aux mouvements révolutionnaires étrangers passent inaperçues. La Libye alimente néanmoins toujours l’Afrique via la Da’wa Islamiya (« l’Appel de l’islam ») du docteur Mohamed Charfi. Un budget colossal est également destiné au Congrès du peuple arabe, sorte de machine à colloques et à propagande, aux mouvements terroristes ou de libération de tous bords, alimentés par le fonds El-Jihad, notamment alimenté par une ponction sur le salaire des fonctionnaires : un impôt obligatoire.

Mais cette réussite ne suffit pas au Colonel. Elle ne correspond pas encore aux objectifs qu’il s’est fixés. L’année suivante, en 1977, Kadhafi donne un coup d’accélérateur. Afin d’opérer un véritable tournant économique, il nationalise toute l’économie. Il veut rendre les Libyens productifs. Dans le même temps, il durcit la répression.

***

[1] Officiellement le PNB en 1977 est de 5 845 dollars. Il se situe donc entre donc celui de la France (7 166 dollars) et celui de l’Italie (3 437 dollars). Mais la réalité est tout autre. Selon un rapport de mission diplomatique confidentiel, il tournerait plutôt autour de 1 300 dollars, pour les plus privilégiés. Il faut compter dans ce PNB les autres dépenses : infrastructures, militaires, investissements étrangers.
[2] Le Monde, 13 septembre 1981
[3] Ambassade de France, 1978
[4] Ambassade de France, note n° 24
[5] En 1977, quatre personnes sur dix vivent dans ces immeubles alors que la population urbaine ne dépassait pas 30 % sept ans auparavant. Jeune Afrique, n° 873, 30 septembre 1977.

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Extraits deKadhafi, Bourin Editeur (19 janvier 2012)

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