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Éliminer l’Etat islamique en Libye ? Beaucoup plus compliqué en pratique qu’il n’y paraît...
©Reuters

Nid de guêpes

Une intervention militaire qui consisterait en bombardements aériens de l'EI en Libye n'est pas sans risques. Mais mettre des troupes au sol pourrait tourner à la catastrophe dans un pays sans gouvernement fiable.

Le chaos s'est installé durablement en Libye et l'idée d'une nouvelle intervention armée fait son chemin afin de stabiliser le pays. Mais avec trois gouvernements concurrents, dont certains se portent une haine féroce, encore plus forte que celle contre l'Etat islamique, les choses peuvent devenir très délicates.

En début de semaine, Joe Dunford, le chef d'État-Major des armées des États-Unis, a déclaré que le Pentagone avait discuté avec l'une des factions en lice pour le contrôle du pays afin de déterminer les besoins opérationnels. Cependant, éradiquer l'EI à partir des sables libyens ou de leur fief de Syrte sera plus compliqué que de les combattre en Irak ou en Syrie, explique le site Defense One.

6 500 combattants de l'EI seraient en Syrie

Aujourd'hui, les responsables américains de la défense estiment que l'EI en Libye serait fort de 6 500 combattants. Ils sont dirigés par l'émir Abdul Qadr al-Najdi, nommé en mars 2016 par les dirigeants syriens de l'EI après que les frappes aériennes américaines aient tué le chef précédent. Abdul Qadr al-Najdi se trouve au sommet d'une structure, calquée sur le modèle syrien, avec des portefeuilles distincts, comme les finances, les infrastructures, etc. Les groupes terroristes en Algérie, en Egypte, en Afrique et ailleurs, après avoir prêté allégeance à l'EI en Syrie, obtiennent une aide pour professionnaliser leurs médias, en production et en diffusion. Ainsi, Boko Haram au Nigeria a vu la visibilité de ses supports multimédias progresser d'environ un million de vues, a déclaré un responsable américain.

Il faut trouver un accord politique

Pour la plupart des pays favorables à une intervention militaire internationale, un accord politique en Libye semble un préalable indispensable. Il permettrait la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, qui ferait ensuite une demande d’aide internationale pour lutter contre le terrorisme. En attendant, le gouvernement reconnu, installé à Al-Bayda, dans l’Est du pays,  sollicite déjà, en plus des raids aériens, la levée rapide et sans retarder de l’embargo sur les armes, imposé par l’ONU depuis 2011, analyse Jeune Afrique. De plus, les forces loyales à ces autorités, qui se présentent comme l’Armée nationale libyenne (ANL), affirment être en mesure de renseigner les forces internationales sur les positions de l'EI, un facteur déterminant pour éviter des victimes civiles. Mais le soutien des autorités non-reconnues internationalement, appuyées par Fajr Libya, une coalition de milices dont certaines sont islamistes, semble très incertain, surtout si l’accord politique parrainé par l’ONU échoue. Si la menace terroriste est jugée trop importante, la communauté internationale pourrait cependant décider à terme de se passer du soutien des autorités de Tripoli.

Les combattants étrangers ne sont pas les bienvenus

La bonne nouvelle, juge Defense One, c'est que l'EI connaît des problèmes de popularité en Libye et est maintenant considéré comme une force d'occupation étrangère. "Au début, il y avait surtout des Libyens", raconte un responsable de la Défense, mais les combattants étrangers des régions plus méridionales de l'Afrique sont maintenant dans le pays et y restent, au lieu de transiter vers la Turquie, l'Irak ou la Syrie. Et les nouveaux arrivants importunent les Libyens, selon un fonctionnaire, qui a décrit les préjugés ethniques contre les Africains sub-sahariens comme un fait ordinaire de la vie en Libye.

Les Etats-Unis devront jouer un rôle de formation-conseil

Patrick Skinner, ancien officier et directeur de projets spéciaux à la CIA, pense qu'il y fort à parier que les Etats-Unis vont "au moins jouer un rôle de formation-conseil une fois qu'un partenaire stable sera mis en place. Cela n'a pas bien fonctionné en Afghanistan et en Irak mais nous allons essayer à nouveau en Libye", dit-il. Et d'ajouter que les Etats-Unis pourraient se retrouver à aider plus d'un des gouvernements concurrents. Mais tout soutien, en formation ou en équipements, qui sera fourni à l'une des parties sera vu par l'autre côté comme du favoritisme, dit-il.

On est encore loin d'engager des forces terrestres occidentales

Chris Chivvis, directeur associé en politique de sécurité et de défense internationale à la RAND, un think tank, estime "qu'une reconquête à grande échelle de Syrte, la ville natale de Kadhafi, doit-être l'objectif à atteindre, mais cela va exiger des forces terrestres. Mon point de vue est que ces forces n'existent pas en Libye, ce ne sont qu'une combinaison des diverses milices qui occupent le le terrain. Donc cela signifie que la situation politique va devoir s'améliorer ou qu'éventuellement il faudra mettre des forces terrestres occidentales sur le terrain pour reprendre et stabiliser Syrte. Mais on en est loin. Parce que si on s'y aventure en ce moment, avant qu'il y ait un gouvernement légitime en Libye, il n'y aura aucun moyen d'en sortir de manière efficace. C'est une stratégie qui pourrait devenir nécessaire à moyen terme", explique ce spécialiste.

Un risque de guerre civile

Cependant, souligne Le Point, une intervention occidentale peut déboucher sur une guerre civile. Dans ce pays si fractionné, une intervention occidentale sera rapidement considérée comme une ingérence étrangère. Elle peut accroître la violence et déboucher sur une guerre civile. Les Européens se souviennent que l'intervention de 2011 contre Kadhafi a mené à la déstabilisation de la Libye et la fragilisation du Sahel. De plus, les bombardements au Moyen-Orient ont conduit au renforcement de l'EI en Libye. Ceux de Libye, déboucheront sur la dissémination des djihadistes à l'intérieur du pays, au Maghreb, au Sahel et jusqu'en Afrique de l'Ouest. C'est le piège tendu par al-Baghdadi.

Dans ce nœud inextricable qu'est la Libye, toutes les solutions envisageables à ce jour semblent être encore et toujours de mauvaises solutions...

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