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Pourquoi Nicolas Sarkozy a brusquement décidé de changer les règles de vote de la primaire de la droite et du centre
©France 2

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Mardi soir, en Bureau politique, l'ex-chef de l'Etat a fait voter un changement de règle qui a irrité tous ses concurrents. Décidant que les Français de l'étranger voteraient non par voie électronique mais par bulletin secret, il a créé un nouveau psychodrame. Mais il se dit ouvert à une réflexion collective.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Trop c'est trop. Cette fois, Nicolas Sarkozy serait allé trop loin? C'est ce que clament, en cœur, ses opposants à la primaire. Des opposants pourtant rarement unanimes et rarement frondeurs. Mais cette fois, ils qualifient ce changement des règles de la primaire, voulu par Nicolas Sarkozy, "d'acte inacceptable", chez Bruno Le Maire, "de coup de force" pour Alain Juppé.

Frédéric Lefebvre, lui, en est tombé de sa chaise lorsqu'il a découvert l'information jeudi soir via Twitter. Alors que le Bureau politique des Républicains ne réunissait ce jour-là que quelques cadres, Nicolas Sarkozy a décidé de mettre aux voix deux modifications des règles de la primaire. L'ancien chef de l'Etat a souhaité revenir sur le principe, pourtant acquis, selon lequel les Français de l'étranger voteraient par Internet. Il a demandé ensuite aux membres du BP d'augmenter le plafond des dépenses autorisées par candidats. Et peu importe si la décision est attaquable puisque le quorum n'est pas atteint faute de participants.

Devant son ordinateur, Frédéric Lefebvre n'en croit pas ses yeux. Rien n'avait été signalé à l'ordre du jour, pourtant la modification n'est pas anecdotique. "95% des gens qui ont l'intention de voter n'iront pas si on leur impose de se déplacer", affirme son entourage qui rappelle qu'une circonscription comme celle de Frédéric Lefebvre compte deux pays, les Etats-Unis et le Canada. La deuxième circonscription, pas moins de 33 pays d'Amérique latine. La 9ème, 16 pays d'Afrique. "Le vote à l'urne peut marcher dans les villes mais ailleurs, impossible", souligne un proche du député.

L'affaire a d'ailleurs été mûrement réfléchie. Une semaine plus tôt, Brice Hortefeux a reçu l'ordre de réserver sa journée pour préparer le BP et a annulé tous ses rendez-vous. "Les autres candidats auraient dû assister à la réunion car ils savaient qu'il y avait un flou sur le vote des Français de l'étranger", souligne-on dans l'entourage de l'ancien chef de l'Etat. En effet, le guide électoral de la primaire se contredit. Si à l'article 8 le vote électronique est bien acté, un peu plus haut il est expressément écrit : "Pour les Français établis hors de France, le scrutin est organisé par voie électronique…  (en attente du vote d’approbation du Bureau Politique de "Les Républicains")". Le diable est dans les détails. Mais la discussion était dès lors légitime. L'ancien Président a donc expliqué qu'il ne souhaitait pas faire de différence entre les Français de métropole et ceux de l'étranger, qu'il ne souhaitait pas qu'il y ait rupture d'égalité. Benoist Apparu, proche d'Alain Juppé, s'est opposé à ce point de vue. Nicolas Sarkozy a donc procédé au vote, qu'il a emporté.

Une victoire certes mais à la Pyrrhus, car les autres concurrents se sentent trahis. Furieux de n'avoir pas été prévenus et de n'avoir pas pu défendre leur point de vue. Et ils n'entendent pas laisser passer ce qu'ils considèrent comme une nouvelle sortie de route. D'autant que ce n'est pas la première. "Nicolas Sarkozy a déjà modifié les conditions de parrainage en imposant que seuls les députés de droite puissent parrainer un candidat alors que ça n'est pas ce qui avait été prévu par le comité d'organisation de la primaire. Puis il a imposé l'idée que les partis qui souhaitent présenter un candidat soient agréés par le BP. Bref, Nicolas Sarkozy change les règles dès qu'elles ne lui conviennent pas", souligne-t-on dans l'entourage d'un candidat.

D’où l'idée de certains petits candidats de réclamer, eux aussi, leurs propres changements de règles. Certains imaginent se rallier à Geoffroy Didier qui propose que les candidats qui ont de nombreux parrainages n'en gardent que le nombre nécessaire à être sélectionné afin que les petits candidats puissent se partager les autres.

Les poids lourds qui avaient, jusqu'ici, gardé le silence "tant que les décisions étaient fondées", sont, eux aussi, montés au créneau. "Nicolas Sarkozy est allé trop loin", souffle l'entourage de l'un d'entre eux qui a écrit à Anne Levade, la présidente de la Haute Autorité. Le courrier tient en deux points : "défendre l'idée que les Français de l'étranger ont, eux aussi, le droit de participer" et exiger "qu'Anne Levade prenne ses responsabilités". "C'est à la Haute Autorité d'être garante de la bonne organisation de la primaire, c'est pour ça qu'elle bénéficie d'un financement propre, de locaux et qu'elle s'est constituée en micro-parti", souligne-t-on.

Pas question, pour les concurrents de Nicolas Sarkozy, de s'accrocher au simple fait que le BP n'était pas légitime à voter car les participants n'étaient pas assez nombreux. "On ne va pas entrer dans quelque chose de juridique, l'idée est de faire pression pour que Nicolas Sarkozy revienne sur sa décision, simplement", explique l'un d'eux.

Dans l'après-midi, la Haute Autorité prenait le relais, publiant un communiqué afin de rappeler que l'idée d'un vote papier est une nouveauté dans les discussions bien que cette disposition soit prévue par la Charte. Et tout en rappelant qu'elle est soumise au respect de la Charte, la Haute Autorité rappelle les difficultés posées par un vote par bulletin papier, notamment dans des Etats qui interdisent les scrutins à caractère politique. Dans le même temps, Nicolas Sarkozy amorçait une légère marche arrière. "Il est soucieux que tout se passe bien, il n'a aucun intérêt à ce qu'il y ait un psychodrame. Il est donc ouvert à l'idée de réfléchir ensemble, mais il ne faut pas oublier qu'il y a eu un vote", tempérait son entourage qui soulignait le désintérêt des autres candidats tous absents mardi soir.

Mais pourquoi avoir pris le risque de se mettre à dos ses concurrents, les députés des Français de l'étranger et les Français de l'étranger eux-mêmes ? Le gain électoral n'est pourtant pas majeur. Nicolas Sarkozy souhaitait-il occulter l'autre modification du jour, l'augmentation du plafond des dépenses réservées à chacun des candidats ? Dans l'entourage de Bruno Le Maire, on ne croit pas à cette hypothèse. "Un million 5 ça n'est pas énorme, c'est même tout à fait raisonnable, on n'avait pas l'intention de s'y opposer".

Beaucoup pensent que si les Français de l'étranger ne pèsent que quelques centaines de milliers de voix, n'étant pas majoritairement favorables à l'ancien Président, celui-ci a quand-même voulu en limiter le poids. Pour certains candidats à la primaire, Nicolas Sarkozy, distancé dans les sondages, a été pris de panique. "C'est la fin de règne", voulait-on croire dans un état-major. En effet, selon un sondage TNS Sofres pour le Figaro Magazine, la cote de confiance de Nicolas Sarkozy est au plus bas. En un mois, il a perdu 10 points chez les sympathisants de son parti (48 %) et se retrouve derrière François Fillon (54 %). Mais l'ancien chef de l'Etat a entamé la reconquête. Ironie de l'histoire, ou pas, il était hier soir au Chili reçu par les Français de l'Etrangers. Aujourd'hui, il sera en Argentine, invité par les mêmes. Une preuve qu'ils ne lui en veulent pas trop?

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