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Nuit Debout : la vidéo qui accuse !
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Ce lampadaire qu'on abat…

Ce qu'elle montre va au fond des choses. Au fond des tripes de ceux qui occupent la place de la République.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Parmi les nombreux reproches adressés aux acteurs et figurants de la Nuit Debout, il y en a un, partagé équitablement par la droite et par la gauche, qui revient régulièrement. On leur fait un procès en boboïtude. Où est le peuple, leur demande-t-on ? Où sont les représentants du prolétariat souffrant et opprimé ?

Des interrogations existentielles qui taraudent en profondeur l'âme malheureuse du Nuitdeboutien. Sans le peuple, sans les pauvres, pour lesquels bat son cœur, il devient presque illégitime. Un usurpateur qui serait là-bas pour le plaisir de s'écouter parler devant quelques centaines de personnes. Alors que s'il était chez lui, seul devant son ordinateur, il en serait réduit à se livrer à un plaisir solitaire appelé masturbation. Conscience malheureuse, mauvaise conscience… C'est ce qui a poussé les manifestants de la Nuit Debout de Marseille à se rendre dans les quartiers nord de la ville. La cage aux fauves… Pour Le Monde, ça s'est traduit par un bide colossal. Pour Libération, un peu plus à gauche, simplement un bide.

Ceux de Paris n'ont pas eu à se donner cette peine. Le peuple est venu à eux. Oui, les masses populaires étaient au rendez-vous ! Oui, elles ont fait preuve de vigueur et de vivacité ! Oui, la Nuit Debout a montré la preuve que la mixité sociale et ethnique était réalisable ! Et la scène de la vidéo illustre à merveille ces futurs horizons chaleureux et prometteurs.

Des "jeunes" - le peuple donc - font cercle autour d'un lampadaire. Une grosse corde y est attachée et une dizaine d'entre eux tirent dessus comme des malades. Et, victoire de l'esprit sur la matière, le lampadaire s'écroule. Le peuple triomphe. Crie sa joie. Et un de ses représentants les plus fougueux se précipite sur le lampadaire terrassé pour lui donner des coups de pompe comme s'il s'agissait d'un quelconque contrôleur de train. Le coup de boule étant, lui, réservé aux sales flics quand ils sont debout.

Regardez bien cette vidéo, elle donne à voir et à réfléchir. Pas uniquement à cause des capuches. Aussi à cause de ce qu'elle ne montre pas. Où sont les manifestants doux et pacifiques qui prétendent se démarquer de la racaille ? Une posture hypocrite puisque la racaille, c'est le peuple, leur peuple. Où sont les policiers pourtant toujours nombreux place de la République ? Ils avaient pourtant largement le temps d'intervenir. Mais risquer une émeute pour un lampadaire ? Il aurait pourtant fallu le faire : ceux qui abattent ce lampadaire ne traiteront pas mieux un homme si l'occasion de lui donner des coups de pompe se présente…

Le tableau ne serait pas complet si l'on n'évoquait pas Dieu qui du haut de son Olympe contemple les prémices de la révolution naissante. Dieu, c'est Alain Badiou. Ce philosophe a depuis longtemps théorisé la scène du lampadaire, pour faire triompher "l'hypothèse communiste". Il appelle à la mobilisation de "quatre ensemble sociaux". "Il y a les étudiants. Il y a la jeunesse populaire. Il y a ce qu'on peut appeler la grande masse des travailleurs ordinaires. Le quatrième, c'est ce que j'appelle les prolétaires nouveaux venus, les sans-papiers, les gens qui viennent de l'étranger".

Certes, les abrutis violents qui ont triomphé du lampadaire ne connaissent pas Badiou, ne le lisent pas, et ne le liront jamais. Mais ça n'a aucune importance. L'essentiel est que les Nuitdeboutiens aient vaguement entendu le message de Dieu relayé par son prophète Frédéric Lordon. Un peu effrayés mais fascinés par la spontanéité du peuple en capuche, ils contemplent leurs alliés dans un silence admiratif et respectueux. Ils avaient déjà de la choucroute dans la tête. Badiou la remplit un peu plus avec du couscous. Mais peut-être que Dieu n'est pas si content que cela de la chute des lampadaires. En effet, et a priori, il les réserve pour pendre les bourgeois.

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