Gérard Filoche : "Avec la loi El Khomri, François Hollande va à contre-courant de ce pourquoi la gauche et les socialistes se battent depuis 100 ans" <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Gérard Filoche : "Avec la loi El Khomri, François Hollande va à contre-courant de ce pourquoi la gauche et les socialistes se battent depuis 100 ans"
©capture LCI

Contre révolution cynique

Ce 1er mai est célébrée la fête des travailleurs. A cette occasion, Gérard Filoche, militant politique et membre de la CGT, évoque son combat contre la loi Travail. Il aborde également la nécessité vitale que représente l'organisation d'une primaire pour la gauche.

Gérard Filoche

Gérard Filoche

Gérard Filoche est un militant politique et syndical.

Il est membre du Bureau national du Parti socialiste depuis novembre 2012

Voir la bio »

Atlantico : Ce dimanche, de nombreux responsables politiques célèbrent la fête des travailleurs. Il y a 80 ans, en mai 1936, le Front populaire remportait les élections législatives, et apportait de grandes avancées aux salariés tels que les congés payés ou la semaine à 40 heures... Depuis, cet épisode est resté hautement symbolique pour la gauche. Aujourd'hui, à quoi la fête du 1er mai correspond-elle pour vous, quel sens lui donnez-vous ? 

Gérard Filoche : Je lui donne précisément ce sens : être dans la continuité historique des luttes de ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre, qui produisent toutes les richesses et n’en reçoivent pas la part qu’ils méritent. Hélas le travail est une dure exploitation, cause de grandes souffrances, mais il n’enrichit pas. Ce qui enrichit c’est l’exploitation du travail des autres : ainsi les deux Carlos, Carlos Tavares et Carlos Ghosn, se paient 5,2 et 7,4 millions d’euros, ce profit extraordinaire est extorqué a ceux qui sont sur les chaines, et dont les cadences ont été augmentées terriblement. 1% de l’oligarchie se goinfre du travail de 99 % d’entre nous. 87 hommes sur la planète possèdent plus que 50 % de l’humanité. En France 2 milliardaires Arnault et Bettencourt possèdent plus que 20 millions de français. La France n’est pas en "crise" elle est recordman de distribution de dividendes en 2015. On ne leur dit pas "merci patron" : s’il n’y a pas des syndicats, des droits, des luttes, des grèves, de manifestations, d’occupations d’entreprises, pour mieux repartir ces richesses, ce monde déjà barbare explosera. Vive le 1er mai symbole de ce long combat vital. 

Vendredi 29 avril, l'Insee a dévoilé les chiffres de la croissance au premier trimestre (+0.5%). François Hollande a également pu se réjouir cette semaine des chiffres du chômage, avec une diminution de 1,7% des demandeurs d'emploi de la catégorie A au mois de mars. Que vous inspirent ces résultats, largement considérés comme bons ?

Il y a 1,3 million de chômeurs de plus depuis juin 2012. Au total notre société est frappée par 6,125 millions de chômeurs toutes catégories confondues outre-mer inclus. C’est un désastre du système. 9 millions de nos concitoyens vivent avec moins de 900 euros. Le salaire médian est de 1670 euros. Entre 15 et 18 % des contrats de travail sont précaires et rien n’est fait pour les réduire, au contraire la loi scélérate El Khomri va en aggraver le nombre. Casser le code du travail, le seul code qui protège l’emploi, l’hygiène, la sécurité, la santé, limite la durée du travail légale et maxima, majore les heures supplémentaires, assure la dignité des femmes et hommes au travail, c’est à coup sur, mécaniquement, augmenter le chômage et baisser les salaires.  

Vous militez pour un passage à la semaine de 32 heures. Le marché du travail est-il vraiment comparable à un gâteau qui peut se partager, dans un monde concurrentiel et globalisé ?

Partout, en tout temps, dans toute société, le travail est partagé, forcement partagé. La question est de savoir s’il est partagé sauvagement comme chez nous en ce moment avec 6 millions de chômeurs et 6 millions de salariés à 50 h par semaine. Ou bien s’il est partagé de façon civilisée, dans l’intérêt général, en ré imposant les 35 h et en allant vers 32 h et 30 h, une durée maxima de 40 h hebdomadaire, avec un bon code du travail, pour que toutes et tous profitent des progrès technologiques et de richesses produites. Notre pays est en plein boom démographique depuis l’an 2000 avec 850 000 naissances par an : à partir de 2018, il arrivera chaque année 400 000 demandeurs d’emploi de plus, et on aura 10 millions de chômeurs si on ne partage pas les emplois. Tous les emplois sont partageables, tous : les cimetières sont remplis de gens qui prétendaient que leur emploi ne l’était pas ! Et une société qui s’épargne 6 millions de chômeurs marche forcement mieux et est plus dynamique, productive, concurrentielle, qu’une société qui soufre d’un cancer de 6 millions de chômeurs.

Si la tendance se confirmait, et si la courbe du nombre de chômeurs finissait par s'inverser, seriez-vous prêt à revoir votre position à l'égard de François Hollande, particulièrement sévère jusqu'à présent ?

Le bilan du quinquennat Hollande pouvait encore, je l’ai espéré jusqu’au bout, s’améliorer d’inflexions sociales en cette dernière année. Mais avec la casse du droit du travail, c’est une contre révolution cynique, brutale, cruelle qui va être infligée à tous les salariés. Ils vont travailler plus, gagner moins, être licenciés plus facilement, précarisés et blessés dans leurs chairs et dans leur dignité. Hollande veut "adapter le droit du travail aux besoins des entreprises" alors que depuis cent ans nous nous battions, nous socialistes, nous la gauche, nous les syndicats, pour adapter les entreprises au respect des droits des salariés. Adapter les entreprises aux humains ou adapter les humains aux entreprises, il n’y a pas de compromis entre ces deux lignes. La loi El Khomri se heurte a une puissante majorité du pays et de toute la gauche, elle doit être retirée, et Hollande devrait aussi renoncer, il sera battuà cause de tous ses choix politiques droitiers.

L'organisation d'une élection primaire semble piétiner... Voyez-vous une autre personnalité que lui pour faire la synthèse entre les deux franges du Parti socialiste, et espérer l'emporter en 2017 contre la droite et le Front national ? 

Au contraire, l’organisation d’une primaire pour la gauche est une nécessite vitale, et un besoin qui va devenir irrésistible sous peine de désastre en 2017. Sachant que Hollande sera perdu et perdant, la gauche qui est toujours majoritaire dans le pays (mais elle s‘abstient) n’a qu’un choix vainqueur possible, se doter d’un candidat unique sur une plateforme commune. Si elle a plusieurs candidats, leurs score n’aura aucune importance, car ils s’élimineront les uns les autres, et le seul choix au 2eme tour sera comme en 2002, entre FN et LR. Par contre à partir d’une plateforme de gouvernement commune, avec des primaires les 4 et 11 décembre prochain, ouvertes a toute la gauche, un choix sera possible en faveur d’un candidat "à la Bernie Sanders" qui réconciliera et entrainera la gauche a une victoire, qui, cette fois, sera suivie de changements sociaux profonds. 

Que retenez-vous des multiples conférences que vous donnez pour expliquer la nécessité d'un retrait de la loi el Khomri ?

J’ai donné une centaine de conférences depuis deux mois, partout dans le pays, et je continue jusqu’à la victoire, jusqu’au retrait de la loi El Khomri, car nous allons forcement gagner : le mouvement est installé en profondeur, et ne s’arrêtera plus, je le sens, et à la place du gouvernement je le retirerais le plus vite possible, car sinon ca va mal finir ! Il y a un immense besoin de savoir, une hargne à lutter, et aussi une immense haine croissante contre ceux qui n’ont jamais travaillé, jamais vécu avec de petits salaires, dans la précarité, ces élites arrogantes qui crèvent de fric, et qui osent casser aussi lâchement, aussi férocement, aussi inutilement, un siècle de nos protections et de défense intime de nos vies au travail. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !