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Nicolas Bay : "Le Front national représente un vrai choix de société alternatif, et non plus uniquement l'expression d'une colère"
©Reuters

Entretien politique

Alors que Marine Le Pen est attendue au tournant ce 1er mai pour définir la méthode de sa "France apaisée", Nicolas Bay, secrétaire général du FN, dresse les contours de son programme en égratignant au passage Alain Juppé, qui incarnerait "un certain fantasme très germanopratin que l’on pourrait presque qualifier d’extrême centre, une forme de mollesse réformiste se prétendant intelligente et consensuelle".

Nicolas Bay

Nicolas Bay

Nicolas Bay est député européen et secrétaire général du Front national. 

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Atlantico : Le nouveau slogan du Front national, la "France apaisée", est-elle vraiment une bonne stratégie ? Quel est le risque de ne plus jouer le rôle de paratonnerre de la vie politique française ? 

Nicolas Bay : La France apaisée, c’est un objectif, un horizon face au chaos actuel d’une France fracturée, déchirée, meurtrie. C’est l’affirmation sereine, mais forte, d’une volonté de redressement national pour notre pays, un redressement basé sur la souveraineté, l’identité, la sécurité, la prospérité. Le Front national représente aujourd’hui une véritable alternative, un choix de société et non plus uniquement l’expression d’une colère.  

Par ailleurs, sur quelle méthode, et quel programme Marine Le Pen compte-t-elle s'appuyer pour parvenir à cet objectif de "France apaisée" ?

La méthode de gouvernance sur laquelle Marine Le Pen entend s’appuyer est finalement assez simple : c’est la démocratie ! Mais une démocratie profondément rénovée, retournant à sa source, le peuple. En effet, de manière assez légitime et compréhensible, un grand nombre de nos compatriotes se sentent aujourd’hui dépossédés de leur destin. Prisonniers à la fois de modes de scrutin iniques, violant la démocratie représentative, et des directives imposées par les commissaires non-élus de Bruxelles, de nombreux Français considèrent qu’ils sont finalement exclus des choix. À rebours de ces logiques, nous entendons au contraire renouer le lien entre le peuple et les institutions, et lui rendre le dernier mot. C’est pourquoi nous défendons tout à la fois l’instauration du scrutin proportionnel et l’utilisation accrue du referendum, au niveau local comme national, en mettant aussi en place un vrai referendum d’initiative populaire.

Si l'on devait en suivre la logique, n'y a-t-il pas un risque pour le Front national de se retrouver sur le même créneau politique que les Républicains par exemple ? Comment se pose cette question actuellement au Front national ?

Le "créneau politique" des Républicains s’est pleinement déployé de 2007 à 2012, lors des cinq calamiteuses années du quinquennat Sarkozy. Quel en est donc le bilan ? L'affaiblissement de notre sécurité à travers la suppression de 12 500 postes de gendarmes et policiers, de 2 500 postes dans les douanes et de 54 000 postes dans l'armée ; l’immigration massive avec un million d'immigrés supplémentaires en 5 ans, 100 000 naturalisations et 150 000 régularisations de clandestins ; l'endettement et la fiscalité abusive avec une dette publique creusée de 612 milliards en juste 5 ans, un déficit de la Sécurité sociale creusé de 8,7 milliards et la création de 40 nouveaux impôts et taxes ; le chômage et la précarité enfin, avec un million de chômeurs supplémentaires, 337 000 nouveaux pauvres parmi lesquels 60 000 retraités et la disparition de 350 000 emplois industriels.

S’il y a bien une chose dont je peux vous assurer c’est que non, nous ne nous situons pas sur le même "créneau" politique que ceux qui portent la responsabilité de ce bilan désastreux. Leurs mots et leurs postures dans l’opposition importent peu, c’est à l’aune seule de leurs résultats qu’ils doivent être jugés. S’il se trouve encore parmi eux quelques patriotes sincères, ceux-ci devraient agir en conséquence et se tourner vers le rassemblement populaire s’opérant autour de Marine Le Pen. Car la réalité est que LR et ses satellites ont définitivement abandonné l’idée de nation, si bien qu’il y a aujourd’hui entre eux et nous une véritable différence de nature et non plus – comme cela pouvait en partie être le cas entre une frange du RPR et le FN dans les années 1980 – de degré. 

Dans une interview accordée à Boulevard Voltaire, Jean-Marie Le Pen a récemment déclaré que Marine Le Pen n'était pas assurée d'accéder au second tour de la présidentielle de 2017 si elle ne faisait pas l'unité derrière elle. Fin mai aura lieu à Béziers un rassemblement de la droite dite "hors les murs", à l'initiative de Robert Ménard. Cette droite, qui ne se reconnaît ni dans Les Républicains ni dans le Front national, peut-elle poser problème à Marine Le Pen en 2017, même sans candidat déclaré pour l'instant ?

Tout d’abord, les rencontres organisées à Béziers par Robert Ménard ne sont pas un rassemblement contre le FN, mais à côté du FN, dans l’esprit de liberté et de débat qui a toujours animé l’action de Robert Ménard. Je rappelle qu’il est un partenaire du Front national. À vrai dire, je trouve pour ma part sain et vivifiant que le débat intellectuel soit foisonnant autour de notre mouvement. C'est aussi un des éléments qui permettra que le rassemblement des patriotes sincères continue de s'opérer autour du Front, et permettra la victoire de Marine Le Pen.

Selon un récent sondage Elabe, Alain Juppé pourrait arriver largement en tête du premier tour de la présidentielle, devant Marine Le Pen. Quelle lecture faites-vous de ce résultat ?

Nous sommes bien loin de l’élection à proprement parler. Candidat largement porté par les médias, Alain Juppé aura déjà fort à faire pour emporter la primaire de son propre camp. Il représente un certain fantasme très germanopratin que l’on pourrait presque qualifier d’extrême centre, une forme de mollesse réformiste se prétendant intelligente et consensuelle. En réalité, une candidature d’Alain Juppé aurait comme mérite d’opérer un partage des eaux clair : il est l’incarnation parfaite de la soumission à la globalisation.

Le Front national ne défilera pas ce 1er mai pour des "raisons de sécurité", considéré comme une rupture avec le Front national de Jean-Marie Le Pen. Qu'est-ce qui a vocation à définir la nouvelle "ritualité" du Front national de Marine Le Pen, pour reprendre l'expression du politologue Sylvain Crépon ?

Il me semble important de rappeler que cette année encore, le Front national rendra hommage à Jeanne d’Arc et placera son action de redressement national sous son patronage. Pour autant, vous n'ignorez pas que le Front national a été désigné publiquement comme une cible par l’État Islamique, dans une de ses revues francophones. Une photo de la manifestation traditionnelle du 1er mai était justement agrémentée d'un commentaire ne laissant pas de place au doute : "des cibles de premier choix". Après des échanges avec le ministère, c'est donc une décision difficile qu'il nous a fallu prendre en modifiant la formule de notre hommage à Jeanne. Mais il était pour nous primordial d'assurer la sécurité de nos militants et sympathisants. C'est donc une délégation de responsables du parti qui se rendra aux pieds de la Pucelle, et un grand banquet ponctué d'interventions suivra. Poursuivant ainsi la "ritualité" chère au politologue.

Ne craignez-vous pas de donner l'impression de céder aux intimidations ? 

Il s’agit simplement d’une décision responsable. Je ne crois pas que l’on puisse soupçonner une seule seconde le Front, seul mouvement à s’attaquer clairement aux islamistes, sans "si" et sans "mais", de céder. 

Fin février, Marine Le Pen critiquait sur Facebook la loi Travail, et son impact sur la dérégulation du marché du travail. Cette position est-elle gagnante pour un parti qui séduit les artisans et les "petits patrons" ?

Voici à peine dix jours, les trois principales organisations représentatives des artisans, commerçants, professions libérales lancent une grande campagne de protestation contre la loi El Khomri, qu'ils accusent de vouloir les faire taire en donnant la parole aux seuls grands groupes. Ils ont même dénoncé un projet "fait pour le MEDEF" ! La réalité est que cette loi ne résout en rien les problèmes des TPE et PME. Fragiliser les salariés n’est pas forcément favoriser l’entreprise, il faut sortir de ce type de raisonnement. Pour notre part, nous considérons que l’État protecteur et  la liberté d'entreprendre ne sont pas antinomiques, bien au contraire, et notre projet défend tout autant le protectionnisme intelligent qu'une politique fiscale tournée vers la défense des petites et moyennes entreprises qui constituent l'essentiel du tissu économique de la France.

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