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Les quatre erreurs reconnues par Manuel Valls dans Society
©Reuters

Mea culpa en trompe-l'oeil

Alors que Manuel Valls s'est longuement épanché dans les colonnes du dernier numéro du magazine Society, l'exercice de style du Premier ministre en dit plus que ce que l'on pourrait croire.

Google et Yahoo, internet

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président d'Aimer Paris et candidat à l'élection municipale de 2020. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, et de Nous-Fossoyeurs : le vrai bilan d'un fatal quinquennat, chez Plon.

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Non, ce n’est pas le titre du énième Woody Allen bientôt sur les écrans, mais la dernière intrusion du Premier ministre dans la presse branchée, dans Society, ce "quinzomadaire" qui se gobergeait de la stratégie de François Hollande pour contrer le Front national trois jours avant les massacres islamistes de novembre dernier. On a les priorités et les ennemis qu’on peut...

"Medium is message" écrivait Marshall McLuhan, anticipant l’emphase médiatique contemporaine. En choisissant Society pour sa simili auto-critique, Valls abat déjà ses cartes et montre quel public il vise : celui des bobos qui feront l’opinion de gauche dans les années qui viennent, une fois refermée la parenthèse Hollande.

Quelle est en effet la technique, la ficelle utilisée par Valls ? Il s’agit sous couvert d’un mea culpa de se démarquer des erreurs commises depuis quatre ans pour faire comprendre, qu’au fond, arrivé à Matignon il y a deux ans, il n’est pas le décideur ultime et que, si d’aventure il le devenait, les choses se passeraient différemment. Bref, un exercice de sincérité politique trop beau pour être honnête qui consiste, en faisant semblant d’assumer ses responsabilités, à refiler la patate chaude à un Président diminué.

Valls sait qu’Hollande fera tout pour se représenter et il se méfie de Macron qui pourrait tenter lui aussi l’aventure. Comme il y aura d’autres candidatures de gauche, Valls pense que l’affaire est perdue pour lui comme pour les autres en 2017 et il joue clairement le coup d’après.

Que reproche-t-il donc à la gauche et à son propre Gouvernement dans cet exercice d’autocritique contrefait ? Essentiellement d’avoir sous-estimé le raidissement identitaire qui parcourt la société française, chez les musulmans comme chez ceux qui supportent de moins en moins bien leur affirmation communautaire. Le chemin de Valls est alors tracé : la droite va sans doute revenir au pouvoir mais elle échouera sur ce sujet ; le peuple se tournera alors vers celui qui, à gauche, sera capable d’affronter le péril islamiste tout en donnant l’impression qu’il respecte encore vaguement la doxa germanopratine du vivre-ensemble.

Histoire d’inquiéter immédiatement ces bien-pensants, il leur signifie au passage que le Front national est d’ores et déjà aux portes du pouvoir. Une masse apeurée, c’est toujours bon à prendre pour un homme fort ou qui prétend le devenir.

Valls ajoute un court passage sur la méthode de gouvernement, regrettant par exemple le tempo de la loi El Khomri. L’exercice est curieux si l’on veut bien prendre au sérieux le sujet traité par cette réforme, à savoir la rigidité absurde du droit du travail français, contreproductive et créatrice de chômage.

Quel qu’ait pu être le moment d’engager ce texte, les frondeurs et gauchistes l’auraient en effet toujours combattu. Réduire ces difficultés à une question de présentation, c’est faire semblant de ne pas comprendre la crispation idéologique de larges fractions de l’électorat de gauche. L’Etat-providence qui les protège et qu’ils adulent est désormais frappé d’obsolescence. Ils refusent de l’admettre et il faudra un jour les affronter, ce que Valls pas plus qu’Hollande n’oseront faire.

En définitive, si Valls a en partie échoué, c’est dit-il parce qu’il a sous-estimé la dureté des temps et les crispations des Français. Bref, c’est un peu sa faute et beaucoup celle des autres, de tous les autres, qui ne font rien qu’à être méchant avec lui. Na !

Une fois de plus, Valls a montré qu’il place la communication au coeur de sa conception du pouvoir, de sa réussite comme de ses échecs. Mais ceux qui menacent la France se moquent de plus en plus des questions de communication. C’est en cela que réside son erreur bien plus que dans des griefs artificiels.

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