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Procès de l’ex-numéro 2 de la PJ lyonnaise : pourquoi Michel Neyret est-il passé de l’autre côté du miroir ?
©REUTERS/Cyril Villemain/20 Minutes

Procès hors norme

A partir de ce lundi 2 mai, pour une durée de trois semaines, Michel Neyret, qui a déjà été détenu huit mois, est jugé pour corruption, trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs. A ses côtés, son épouse, trois anciens collègues, trois membres du milieu et un avocat. L’affaire avait éclaté en septembre 2011 et provoqué un véritable séisme au sein de la police. Pourquoi ce grand flic, respecté par ses pairs, à la réussite professionnelle incontestable, a-t-il dégringolé, fasciné qu’il était sans doute par les voyous ? Autopsie d’une descente aux enfers

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Le procès du commissaire divisionnaire Michel Neyret débute ce lundi 2 mai- jusqu’au 24 mai- devant le Tribunal correctionnel de Paris. Il est jugé notamment pour corruption, trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs. 

  • Aux côtés du commissaire se trouveront son épouse, trois policiers, trois membres du milieu lyonnais devenus amis de Neyret et un avocat du barreau de Lyon

  • Pendant de nombreux mois, l’ancien numéro 2 de la PJ lyonnaise a bénéficié de voyages, de cadeaux – comme cette montre Chopard à 28 000 euros- de relations au parcours très controversé

  • Cette affaire démarre en octobre 2010, à la suite d’une saisie de 110 kilos de cannabis dans un appartement de Neuilly-sur-Seine, propriété d’une princesse saoudienne

Il sera bien là, Mickey, ce 2 mai au Tribunal correctionnel de Paris. Mais pas pour faire quelques facéties. Seulement pour répondre des faits qui lui sont reprochés : corruption, trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs, violation de secret professionnel etc… Non, non, Mickey n’est pas le héros de Walt Disney, mais le surnom de celui qui fut un super flic à la fin des années 1990 : Michel Neyret, ex-numéro deux de la PJ lyonnaise. Sympathique en diable, cheveux longs, mal rasé, jean, légion d’honneur en évidence sur une veste foncée, Neyret, tel que nous l’avons connu au milieu des années 2000 lorsqu’il nous faisait visiter Lyon dans sa poussiéreuse Clio a été très vite la figure charismatique de la police. Il traquait tout ce que Lyon comportait de voyous et autres trafiquants de drogue. Et son tableau de chasse était impressionnant… Jusqu’à ce 29 septembre 2011, lorsqu’il est arrêté chez lui à Vienne (Isère), en compagnie de son épouse. D’autres le seront également, policiers en poste à Grenoble, membres présumés du milieu lyonnais, et plus tard, un avocat, un peu trop proche de Neyret. Ce qui vaut à cette petite bande de se retrouver devant le Tribunal correctionnel de Paris pour une durée de 3 semaines. Ce sera un procès hors norme. Une fois encore, la police, déjà secouée par plusieurs affaires – les dérives de la BAC de Marseille, le limogeage du patron de la PJ Bernard Petit-, sera montrée du doigt pour les multiples cadeaux indûment reçus et acceptés, ses méthodes, notamment ses dérapages lors de la gestion de ses indics. Problème éternel… 

Mais à partir de ce lundi 2 mai, plusieurs questions hanteront l’auditoire du Tribunal- et bien sûr les magistrats- : comment un policier de haut rang comme Michel Neyret, unanimement apprécié de ses pairs, qui a commencé sa carrière à la Brigade criminelle de Versailles, chasseur de voyous exceptionnel, a-t-il pu passer de l’autre côté du miroir, ce qu’il niera sans doute ? Comment a-t-il pu accepter cadeaux, voitures, montres et invitations dans des hôtels de luxe de la part de gens de milieux ? Comment, insensiblement, s’est-il laissé bercer par les sirènes de voyous qui se sont servis de lui ? Car aujourd’hui, à 60 ans, Neyret a tout perdu. Son honneur. Son appartenance à la grande Maison. Et sans doute l’estime de ses anciens collègues. Encore que plusieurs d’entre eux comme Olivier Marchal, désormais réalisateur de films, ne l’ont jamais lâché.

Nous sommes en octobre 2010. L’Office des stups réalise dans un appartement de Neuilly-sur-Seine, propriété d’une princesse saoudienne, une superbe saisie : 110 kilos de cocaïne. Les trafiquants sont arrêtés, sauf un, qui parvient à prendre la … poudre d’escampette. Il est vite identifié. Quand les policiers de l’IGS font, grâce aux écoutes téléphoniques, une drôle de découverte : ce trafiquant en cavale est en relation étroite avec un haut policier. Les limiers de la police des polices, intrigués, cherchent à connaître son identité. Très vite, ils obtiennent la réponse : il s’agit de Michel Neyret, le numéro deux de la PJ lyonnaise. Un flic que tous les commissaires de police de France connaissent. Son bagout, sa réussite -dès 1995, il démantèlera un réseau islamiste de la banlieue lyonnaise suivie de l’arrestation de trois gros caïds du Var en 2003- en font une figure charismatique. Grâce à cette arrestation, Mickey sera fait chevalier de la Légion d’honneur. Voici donc désormais, le chasseur qui se fait chasser. Pendant des mois, au cours des années 2010-2011, Mickey se fait suivre, via les interceptions téléphoniques, par ses collègues de l’IGS. Peu à peu, notre héros se transforme en paria. On sait tout de lui. Le commissaire n’est plus bon enfant. Il semble avoir franchi la ligne jaune.

C’est ainsi qu’on apprend que Neyret s’est lié d’amitié avec Stéphane Alzraa, que le commissaire a rencontré lors de son passage à Nice au début des années 2000. Alzraa prête souvent à Neyret Rolls Royce et autres voitures de luxe. Quant à son cousin, Gilles Benichou, qui se dit courtier en assurances, il fait lui aussi partie des amis du commissaire. Un ami prévenant, à en croire le dossier d’instruction, puisqu’il invitera Neyret, en avril 2011, cinq jours à Marrakech aux Jardins de la Katoubia. Et le tout à l’avenant : en mai 2011, le gentil Stéphane met à la disposition de son ami Michel une Mercédès Mc Laren d’une valeur de 420 000 euros. Début août, c’est Michel et son épouse Nicole qui sont invités chez la belle famille de Stéphane. Du 20 au 22 septembre, nouveau séjour au Maroc, cette fois à Essaouira, l’ancienne Mogador. Là, c’est Benichou qui régale. Mais les enquêteurs qui suivent la trace du policier au téléphone ne sont pas au bout de leurs surprises. C’est ainsi qu’il rend un drôle de service à un certain Michel Zaragoza. Ce dernier, au printemps 2011, a vu ses véhicules endommagés. Normalement l’assurance doit s’en occuper. Eh bien non, l’assureur, ce sera Michel Neyret. Comment ? En faisant cadeau à Zaragoza de 10 kilos de cannabis. Bref, on est de plus en plus loin de l’adage "les petits cadeaux entretiennent l’amitié". C’est ainsi que les enquêteurs apprennent que, de temps en temps, Neyret se voit gratifier de 1 000 euros par son ami Gilles Benichou. Jusqu’à ce que Nicole l’avertisse : " Arrête de donner de l’argent à Michel, il dépense trop au casino, en boissons et femmes…" Au fil du temps, Neyret n’est plus Neyret. Il n’est plus commissaire de police. Les limiers de l’IGS apprendront même que ce dernier envisage d’ouvrir un compte bancaire en Indonésie. Plus le temps passe, plus les enquêteurs n’en croient pas leurs oreilles. Il y a de quoi. C’est ainsi qu’ils apprennent que l’ami Stéphane Alzraa demande à Neyret d’intervenir auprès d’un avocat général de Lyon pour arranger une affaire de fraude fiscale. Une autre fois, c’est Gilles Benichou qui sollicite Neyret pour qu’il se renseigne auprès de la PJ de Versailles sur un individu soupçonné d’escroquerie. L’engrenage se poursuit. Qui semble attester que désormais Neyret est devenu l’obligé de ses copains. Ces derniers en demandent de plus en plus. Témoin, cette nouvelle sollicitation de Benichou : il souhaite que son copain Michel Neyret se renseigne auprès de la Police de l’Air et des Frontières (PAF) pour connaitre les détails de l’interpellation d’un certain Simon impliqué dans un vol de bijoux…

En ce mois de septembre 2011, l’IGS a eu une idée bien précise de l’activité parallèle de Michel Neyret. Une activité évidemment illicite qui peut prendre la qualification de trafic d’influence, de corruption et même d’association de malfaiteurs. Pour l’heure, le plus grand secret entoure cette affaire qui va déboucher à coup sûr sur un tsunami éclaboussant la police dans son ensemble. Le patron de la police lyonnaise Christian Lothion, le supérieur hiérarchique de Neyret et le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard en ont bien conscience… Mais il faut que l’abcès, fut-il terrible, soit percé. C’est ce qui se passe le 29 septembre 2011, lorsque Neyret est cueilli, dès potron-minet, à l’hôtel de La Gabetière, un manoir du XVIème siècle, qui se trouve à quelques encablures de Vienne, dans l’Isère. C’est là que le couple Neyret habite. Fin de partie pour le commissaire. Qui après 96 heures de garde à vue, le 3 octobre, se voit mis en examen par les juges Patrick Gachon et Hervé Robert. Christian Lothion aura cette phrase : "Neyret n’est plus mon ami". Tout au long des audiences viendront sans doute défiler d’autres collègues du commissaire qui diront : " Neyret reste notre ami, même s’il  a été imprudent". Imprudence, ce devrait être la ligne de défense de l’intéressé. Convaincra-t-il ?  

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