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Caisse des dépôts : 200 ans, ça suffit
©Flickr / zigazou76

28 avril 1816

Le 12 janvier dernier, le président de la République a concédé un certain nombre de cadeaux à la Caisse des dépôts qui, s'ajoutant aux rentes dont disposent déjà la CDC, illustrent une conception anachronique de l’économie et de la société.

 GenerationLibre

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GenerationLibre est un think-tank d’orientation libérale avec comme objectif de concevoir et de promouvoir des politiques publiques reposant sur la responsabilité individuelle et les mécanismes de marché. S’appuyant sur une tradition intellectuelle bien établie, d’Alexis de Tocqueville à Jean-François Revel, GenerationLibre a vocation à aborder l’ensemble des sujets d’intérêt général, qu’ils soient économiques, sociaux ou institutionnels.

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Cette note fait suite aux deux publications précédentes de GenerationLibre consacrées à la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations et à sa gestion monopolistique de l'épargne. A l'occasion du bicentenaire de la Caisse, fondée le 28 avril 1816, nous suggérons de revoir de fond en comble les missions et le fonctionnement de cette institution. 

UNE CONCEPTION ANACHRONIQUE DE L’ÉCONOMIE

Le président de la République, le 12 janvier, a promis une diminution du prélèvement de l’Etat sur le résultat de la CDC, un cadeau de 3 milliards d’euros. Il a également confié à la "vieille dame de la rue de Lille" le monopole de la rénovation des bâtiments publics et l’administration du compte personnel d’activité ; les procédures de mise en concurrence sont sans doute suspendues après deux cent ans d’existence. Le 25 août dernier, le président de la République avait déjà annoncé que l’Agence Française de Développement (AFD) allait rejoindre le groupe CDC.

Ces cadeaux, qui s’ajoutent aux rentes dont disposent déjà la CDC, illustrent une conception anachronique de l’économie et de la société dont les hommes politiques français se font les défenseurs. L’Etat va diminuer son prélèvement sur la CDC pour lui permettre de distribuer des prêts à taux zéro aux collectivités locales, hôpitaux, universités, etc. Un distributeur unique, une clientèle captive, une subvention automatique, l’Etat organise une révolution verte centralisée, financée par l’argent public.

L’échec est assuré. Le développement durable passe par un changement des comportements individuels. En centralisant cette responsabilité, le président de la République en exonère le reste de la société. En confiant le financement de travaux publics à la CDC - dont ses filiales d’ingénierie, de maîtrise d’ouvrage, de services aux collectivités locales, etc. se réjouissent déjà - l’Etat empêche toute compétition. Alors que la révolution verte est partout décentralisée, promue par des start-ups innovantes, des appels à projets, et des incitations aux ménages et entreprises, l’Etat crée un nouveau guichet public.

UNE GESTION DES FONDS PUBLICS NUISIBLE AU CONTRIBUABLE

Il est vrai que la CDC inspire au contraire la confiance. A 200 ans, elle n’est sans doute plus très créative mais au moins est-elle préservée de la cupidité contemporaine, de la course aux profits qui caractérise la finance moderne. Sa devise : "foi publique", et le président de la République d’ajouter, le 12 janvier, que la réussite de la Caisse est "la transformation d’une épargne en investissement, du temps court en temps long".

L’investissement phare de la CDC au cours des dix dernières années est sans doute Dexia, entreprise qu’elle a créée en 1996. Fin 2007, avant le sauvetage public de Dexia, la CDC détenait 12% du capital et trois des administrateurs de la société belge. Selon la Cour des Comptes, "les coûts cumulés liés à Dexia pour les entités publiques françaises sont estimés à 6.618 milliards d'euros". Cette opération réussie de transformation d’or en plomb ne doit pas rassurer les Français qui sont contraints règlementairement de confier leur épargne à la CDC.

Dexia est loin d’être le seul exemple du manque de rigueur de la CDC dans la gestion des fonds publics. La Cour des Comptes a récemment dénoncé un plan d’attributions gratuites d’actions au sein du groupe CDC qui "s’est traduit pour les personnels intéressés par un effet d’aubaine difficilement justifiable". "Les sommes versés à titre individuel, en 2013, à onze dirigeants et cadres de CDC Entreprises au titre de leurs rémunérations, des dividendes, et du rachat des actions gratuites, ont atteint des montants compris entre 452 000 et 705 000 euros". Loin de mériter la confiance placée en elle, la CDC s’adonne avec l’argent public aux pratiques les plus prédatrices et contemporaines de la finance privée.

UNE CONCURRENCE DÉLOYALE, AVEC LES MOYENS DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

L’administration du compte personnel d’activité fait dans ce contexte figure de simple anachronisme. A l’heure où des millions d’entre nous confient à des entreprises privées nos informations les plus personnelles, il semble qu’une expertise existe dans ce domaine hors du champ de la CDC. Un tel chantier aurait mérité un appel à projet, une réflexion sur les objectifs de ce compte, et évidemment un peu de concurrence et de créativité.

Las, la CDC va organiser un gigantesque chantier informatique, et sans doute le confier à sa filiale CDC Informatique en manque d’activité. Sans cahier des charges de la part de l’Etat, la conception sera longue et dispendieuse. Des centaines de consultants se substitueront à la réflexion qu’aurait dû mener l’Etat et les partenaires sociaux. La mise en œuvre sera ruineuse, la CDC Informatique y veillera.

Comme le président de la République l’a souligné dans son discours le 12 janvier, la CDC est depuis deux cent ans au cœur des enjeux de notre société : "le transport au XIXème siècle, la reconstruction du pays après la Seconde Guerre mondiale, le plan dans les années 60, le développement territorial dans les années 80".

L’enjeu aujourd’hui, c’est la concurrence. Supprimons à la CDC les rentes dont elle bénéficie, à commencer par le monopole sur les dépôts des professions réglementées[1].

[1] Voir les travaux précédents de GenerationLibre sur i) les dysfonctionnements de la Section générale de la CDC (disponible ici) et ii) sur la gestion monopolistique de l’épargne par l’intermédiaire du livret A (disponible ici).

Cet article a été publié initialement sur le site Génération Libre

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