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Le contrat du siècle (34 milliards d’euros pour les douze sous-marins australiens) offre une formidable leçon d’économie à l’Etat français
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Atlantico Business

Quelle leçon. Si la France a réussi à vaincre sur le marché australien les concurrents mondiaux, c’est parce que pour une fois, l'Etat français ne s’en est pas mêlé…

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout le monde se félicite du contrat signé par la DCNS, filiale de Thales, avec l'Australie pour la livraison de toute une flotte de 12 sous-marins. Il est vrai que ce contrat est exceptionnel. Aussi puissant, et peut-être même plus, que les contrats qu’on commence à signer sur le rafale. Sur ce coup-là, l'industrie française a doublé toutes les autres industries du monde. Plus de 22 fournisseurs étaient en piste. 

Quand on en tire les leçons, on en sort un mode d’emploi aussi efficace qu'étonnant pour l’économie française. 

1ère leçon : l’Etat n’a rien fait, et ça a marché. Pour que ça fonctionne, l'Etat ne doit donc rien faire. Cette entreprise est possédée à 60% par l'Etat mais ce dernier n'est pas intervenu dans la stratégie. A noter au passage que la DCNS est une filiale de Thales, la société que dirigeait Jean-Bernard Lévy, et qui a été convaincu de venir mettre de l'ordre à EDF. Le management composé essentiellement d’ingénieurs a modifié progressivement la stratégie produit et marché, à partir des années 1990. L'Etat a laissé faire. Pas d'interventions intempestives comme chez Renault ou EDF. Pas de parachutage d’amis pour diriger telle ou telle direction. L'Etat n’a rien fait. Ou plutôt si, l’Etat a fait son job comme n'importe quel actionnaire. Et son job était de faire confiance. 

2ème leçon : le management a opté pour une stratégie mondiale. Le marché de l’armement est un marché mondial, comme le marché de la construction navale commerciale (où la France excelle aussi), comme le marché aéronautique (avec Airbus), comme le marché du luxe (avec LVMH), comme le marché du nucléaire (où il faudrait laisser EDF vendre ses équipements en Grande-Bretagne), comme le marché automobile (où les deux constructeurs français se retrouvent pour conquérir la Chine et affronter les Allemands). Les produits qui marchent sont des produits à haute valeur ajoutée. Dès que la France descend en gamme, elle se retrouve en concurrence avec les Anglos-Saxons, et l’Europe du sud. La stratégie Thales est un magnifique cas d’école. 

3ème leçon : le contrat ne se limite pas seulement à la fourniture d'un équipement sophistiqué, mais il inclut la fourniture d'un service de fonctionnement, d’entretien et de formation des personnels sur 20 ans. L'industriel Thales a compris très vite que le produit est une chose, le service qui va avec en est une autre. C’est la raison pour laquelle l’ancienne fabrique d'armements DCN avait ajouté un S à la fin de son nom de marque. S comme services. Beaucoup d'industriels commencent à s’inscrire dans cette logique.

4ème leçon : le contrat est partagé entre plusieurs industriels français et étrangers. Il y aura beaucoup de transfert de technologie et de fabrication en Australie. Modèle normal et logique. Tout comme il y avait beaucoup de transfert dans l'aéronautique ou l’automobile vers la Chine. Mais l'essentiel, c’est que la France a la maitrise d’œuvre, la recherche, la conception.A priori, la France gardera 1/3 de ce contrat. Là encore, les industriels qui ont réussi à percer sur les marchés étrangers ont aussi vendu du transfert de fabrication et de technologie. Les constructeurs automobiles le font, Airbus le fait. Mais il faut se souvenir des réactions imbéciles de certains responsables politiques ou syndicaux quand ils reprochaient à Louis Schweitzer chez Renault ou à Louis Gallois à EADS à l'époque, d'initier ce type de délocalisation industrielle haut de gamme. L’essentiel dans ce genre de fonction, c’est de garder la maitrise de la technologie. Or, la contribution française garde le leadership, la partie la plus sophistiquée. C’est sa vocation comme dans le luxe où la France doit garder la recherche, la conception, le design, le style et l'histoire. Raconter une histoire c’est ce dont nous avons besoin. Et dans le même temps, éviter de nous raconter des histoires.  

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