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1976 : la première rencontre entre Juppé et Sarkozy est organisée par un certain Jacques Chirac
©Reuters

Bonnes feuilles

La relation entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé est faite de déchirements et de retrouvailles : unis pour la défense de Chirac contre le tandem Pasqua-Séguin, ennemis pour la présidentielle de 1995 lors de l'affrontement Chirac-Balladur, à couteaux tirés après la dissolution ratée de 1997, réunis à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Extrait de "Ennemis de trente ans" d'Anita Hausser et Olivier Biscaye, aux éditions du Moment 1/2

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Olivier Biscaye

Olivier Biscaye

Ancien directeur des rédactions du Groupe Nice-matin et Var-matin de 2009 à 2014, Olivier Biscaye, 38 ans, a occupé des fonctions de rédacteur en chef en presse quotidienne et hebdomadaire de 2003 à 2008. Journaliste politique, il a collaboré, animé et coanimé des émissions d'entretiens à la radio et à la télévision. Il a écrit la première biographie consacrée à Bruno Le Maire (Bruno Le Maire, l'insoumis, Editions du Moment, 2015).

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1976. L’année des premiers échanges entre Nicolas et Alain. Ils se croisent, sans réellement faire connaissance. Ils ont dix ans de différence, gravitent dans des cercles éloignés : étudiant-militant actif pour l’un, membre de cabinet ministériel-collaborateur de chef de parti et jeune père de famille (son fils Laurent est né en 1967, sa fille Marion en 1973) pour l’autre.

Leur vraie première rencontre remonte au printemps 1976, à l’occasion de la Convention des jeunes de l’UDR, porte Maillot. C’est Chirac qui les réunit. Le secrétaire général y prononce un discours rédigé par sa plume Alain Juppé, sur les conseils du délégué des jeunes, Nicolas Sarkozy. "Chirac m’a conseillé de rencontrer l’organisateur, raconte Juppé aux journalistes Isabelle Dath et Philippe Harrouard. Un certain Nicolas Sarkozy, militant actif du mouvement, une espèce que je ne connaissais pas". Juppé n’en dit pas davantage. Sarkozy s’en souvient-il ? Dans aucun de ses livres, il n’en est fait mention aussi précisément. Nicolas Sarkozy n'évoque que sa rencontre avec Brice Hortefeux ce jour-là.

De 1976 date pourtant cette "relation" à trois qui durera près de vingt ans entre Chirac, Sarkozy et Juppé. Le président du RPR a identifié avec ces deux-là un binôme complémentaire, alliant la fougue, l’intelligence, l’efficacité, l’ambition et une réelle envie d’en découdre. Quant à Sarkozy et Juppé, ils se sont trouvés un leader, un chef charismatique, qui n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, et pour lequel l’un et l’autre décident de se donner pleinement.

Sans le moindre esprit de concurrence.

À ce moment-là de l’histoire, la question ne se pose pas. L’un comme l’autre le savent bien, ils ne partagent pas le même espace. À Sarkozy le terrain et les réunions militantes, à Juppé le bureau et les réunions stratégiques. Les combats électoraux qui se préparent vont redistribuer ces cartes et renforcer leur rôle.

Le délégué jeunes RPR de Neuilly frétille d’impatience à l’idée d’entrer un jour au conseil municipal. Il entend profiter des élections de 1977 pour intégrer l’équipe d’Achille Peretti. Le maire ne lui a-t‑il pas promis qu’il figurerait sur sa liste ? Oui, mais ça, c’était il y a deux ans, après sa prestation aux assises de l’UDR à Nice.

Par sécurité, depuis, Nicolas a "bétonné" sa candidature.

Avec Brice Hortefeux, son ami et son complice, rencontré un an plus tôt, il entreprend de bluffer Achille. Quelques semaines avant le scrutin, tous deux rameutent leurs copains de fac en leur faisant miroiter la venue d’une personnalité nationale à la permanence de Neuilly. Les jeunes s’imaginent qu’ils vont voir Jacques Chirac, la vedette du moment. Ils s’entassent dans les locaux et, chauffés par le délégué aux jeunes, font un triomphe à l’invité… qui n’est autre que Peretti. Déception chez les uns et enthousiasme chez le maire impressionné. La route du conseil s’ouvre donc pour Nicolas, qui décroche la trente-septième position sur la liste, entièrement élue.

Peu importe si sa présence tient davantage à la volonté de Pasqua qu’à celle de Peretti, comme le laisse entendre Jacques Toubon, seul le résultat compte. La méthode de Nicolas Sarkozy s’impose déjà : ne rien lâcher et se rendre indispensable ! Sa marque de fabrique : apporter la solution à tous les problèmes susceptibles de surgir ici ou là. "Nicolas a un côté réparateur de chez Darty, aussi disponible qu’efficace", admet Jean-Pierre Denis, ancien directeur adjoint de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris.

Pour preuve, en 1979, promu adjoint, il hérite du portefeuille des Affaires scolaires.

À quelques encablures, Alain Juppé fait campagne pour Jacques Chirac dans la course à la mairie de Paris. Confronté aux réalités du combat électoral, l’énarque normalien s’en sort plutôt bien. Il multiplie les notes sur les attentes des électeurs et rédige les discours assassins du candidat RPR, bien décidé à ne pas laisser Michel d’Ornano, soutenu par l’Élysée et Valéry Giscard d’Estaing, lui ravir la mairie. Le résultat est sans appel. Chirac prend ses quartiers à l’Hôtel de ville, Alain Juppé dans ses cartons, propulsé directeur adjoint des finances de la ville.

Il reste un homme de l’ombre, au service de son mentor qui poursuit son ascension.

Prochaine étape, les législatives de 1978. Juppé veut se présenter.

À trente-deux ans, il estime son tour venu, encouragé par le maire de Paris. Son point de chute est tout trouvé : les Landes.

Son pays, ses racines, sa circonscription. Un candidat gaulliste et militant de la première heure se trouve déjà dans les starting-blocks ? Pas de problème, Chirac arrange cela, le convainc de prêter main forte à son poulain et de lui apprendre les ficelles du métier. Sur le terrain, Chirac se démène pour Alain et fait le show quand nécessaire. Mais face au député socialiste sortant, Juppé essuie une première défaite. La mayonnaise n’a pas pris, tout simplement. Coincé dans son costume, peu chaleureux, raide, distant… Techno dans toute sa splendeur. "Il donne l’impression de passer le concours de l’Ena", grince alors Jean-François Probst, collaborateur de Jacques Chirac. Il faut savoir parler aux gens, les écouter, les embrasser, prendre du temps avec eux, ne cesse pourtant de lui répéter Chirac, navré de cet échec. Les critiques sont acerbes, mais tellement justes. Juppé n’en fait qu’à sa tête. Il l’avouera dans La Tentation de Venise : "La bataille fut rude. J’échouai à 2% près. J’hésitai à poursuivre une carrière politique pour laquelle je n’étais peut-être pas doué". À l’Assemblée nationale, de jeunes trentenaires aux dents longues font déjà leur entrée : Alain Madelin, Charles Millon, Michel Barnier, François Léotard, Philippe Séguin…

N’écoutant que son courage, l’année suivante, Juppé se lance dans la bataille des cantonales. Il croit en sa bonne étoile.

À Mont-de-Marsan, sa candidature semble naturelle. Sauf que là encore, même chez lui, le décalage est patent. "Les électeurs attendaient qu’il réponde à leurs soucis quotidiens, et Alain n’en était pas capable, il se lançait dans des discours trop théoriques", décrypte Bernard Pons, alors secrétaire général du RPR, venu le soutenir. L’échec est plus cuisant encore. Juppé encaisse le coup. Déprimé, il envisage même de quitter la sphère politique et de rejoindre un établissement financier. C’est indirectement VGE qui le remet sur les rails en lui refusant l’entrée au Crédit national, pour cause de "chiraquisme" prononcé.

Tant pis si les Landais ne veulent pas de lui.

Retour à Paris où il se partage entre l’Hôtel de ville et le RPR rue de Lillle.

Extrait de "Ennemis de trente ans" d'Anita Hausser et Olivier Biscaye, publié aux éditions du Moment, avril 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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