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Doit-on définitivement enterrer le clivage gauche/droite ?
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Politique ambidextre

Véritable ossature de la vie politique française depuis deux siècles, le clivage gauche-droite semble s'atténuer depuis la fin du XXe siècle. Notamment parce que chaque camp a fait évoluer ses thématiques propres, sans hésiter à se servir dans le domaine réservé de l'adversaire.

Jean Vavasseur-Desperriers

Jean Vavasseur-Desperriers

Jean Vavasseur-Desperriers est professeur d’histoire contemporaine à l’université  de Lille 3.

Ses travaux de recherches ont porté sur les droites parlementaires et républicaines.
Il est l'auteur de La nation, l’Etat, la démocratie en France au XXème siècle (Armand Colin, 2000) et de Les droites en France (Presses universitaires de France, 2007, coll. Que sais-je ?).
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Depuis deux siècles, la vie politique s’organise autour de l’opposition entre la "droite" et la "gauche". Les grands débats fondamentaux ont opposé successivement, au XIXème et au XXème siècles les adversaires et les partisans de la Révolution, les adversaires et les partisans du suffrage universel et de la démocratie politique, les adversaires et les partisans de la laïcité, les adversaires et les partisans de la régulation sociale en vue d’atténuer les inégalités de conditions dans la société civile. Il apparaît clairement que l’axe structurant les débats politiques s’est déplacé au cours des temps, modifiant les contours du dispositif politique global.

Notre temps se caractériserait par deux phénomènes, d’une  part, l’atténuation de l’intensité de l’opposition entre droite et gauche, d’autre part, un changement dans les thématiques développées par les deux camps, avec une nette tendance à emprunter à l’adversaire un certain nombre de thèmes jugés porteurs.

Sur le premier point, les vingt dernières années du XXème siècle ont illustré la convergence des forces de droite et de gauche dans la mise en œuvre des politiques destinées à adapter la France au nouveau cours économique du monde occidental, fondé sur le néo-libéralisme. Les socialistes, élus en 1981 sur un programme étatiste, interventionniste et fondé sur la demande, instaurent en 1981 une politique fondée sur la relance des profits, au détriment des salaires, variante française d’une politique de l’ "offre", qui privilégie le capital au détriment du travail, avec en toile de fond  les privatisations (lancées par la droite en 1986, mais reprises par la gauche en 1997) et l’ouverture des frontières. Inversement, la crise déclenchée en 2008 entraîne de la part de la droite une critique, au moins verbale de la financiarisation et de la mondialisation du système économique mondial. La continuité de ces politiques entraîne l’apparition de mouvements radicaux situés à droite (le Front national) et à gauche de l’échiquier politique.

Il convient toutefois de relativiser la nouveauté de ce mouvement de "convergence" droite/gauche. Depuis la Révolution française, il existe, parallèlement à la tradition de l’affrontement, une culture du compromis : la République des années 1870 résulte d’une conjonction des centres, monarchistes partisans du parlementarisme et républicains conservateurs ; les lois de laïcité, après une phase de lutte frontale, ont été appliquées modérément ; le compromis social de 1945 a duré jusque dans les années 1980. Cette culture du compromis a eu par ailleurs comme conséquence l’apparition d’une droite dure ou d’une gauche dure, au nom de la pureté de la doctrine. Mais, dans le fond, la situation actuelle n’a rien de structurellement nouveau, même si, bien sûr, les configurations sociales et culturelles se sont profondément métamorphosées.       

Sur le deuxième point, il est exact qu’un certain brouillage entre la droite et la gauche contribue à obscurcir le débat politique, ou à le rendre moins intelligible. Certains thèmes réputés "de gauche" se trouvant récupérés par la droite de Nicolas Sarkozy : éloge , au début du quinquennat de la " valeur travail", c’est-à-dire, semble-t-il, du pouvoir d’achat des salariés (tout en maintenant, il est vrai, la primauté du profit) ; mesures (symboliques, suivant ses opposants) en faveur de l’intégration des  Français " issus de l’immigration" ; plus récemment, critiques de la financiarisation et des excès de la mondialisation, avec une mise en valeur du rôle de l’Etat dans la vie économique. Réciproquement, la gauche reprend (à sa manière, mais pas fondamentalement si différente) les thèmes de la sécurité et de l’immigration, longtemps propres à la droite, comme elle avait antérieurement repris celui de la "rigueur" économique . Dans ce phénomène, on a pu voir une illustration de la "triangulation", propre aux démocraties modernes : en vue de satisfaire une "demande" des citoyens, les responsables de l’"offre" politique n’hésitent pas à puiser chez leurs adversaires les thèmes qui leur semblent porteurs. Cette technique avait été mise en œuvre, avec succès, au mois au début, en Angleterre, par le New Labour de Tony Blair.         

Il faut, cependant, se référer au long terme. Les droites françaises sont plurielles ; plusieurs traditions les inspirent, qui peuvent resurgir, suivant les données de la conjoncture. Il y a depuis longtemps une droite "sociale", héritière des traditions sociales chrétiennes ; il y a une droite dirigiste, dérivée d’une longue tradition qui va du colbertisme à la technocratie, en passant par les expériences bonapartistes ; en matière d’immigration, les droites sont loin d’avoir été unanimes : celle proche des milieux d’affaires a toujours été réservée à propos de la limitation des mouvements migratoires ; en politique extérieure, il y a une droite atlantiste, de longue date, réservée à l’égard du gaullisme (lui-même en partie récupéré par Mitterrand.

Si l’on ne peut nier la part de manœuvre dans la "triangulation", celle ci ne peut se déployer qu’en s’appuyant sur des traditions culturelles de longue durée.

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