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François Fillon sur tous les fronts : combien de temps lui reste-t-il encore pour échapper au trou noir des sondages ?
©Reuters

Compte à rebours

Ce jeudi 21 avril, François Fillon a dévoilé la liste de 72 parlementaires lui ayant déjà offert leur soutien. En jouant une carte aussi importante, il accentue l'accélération de sa campagne, mais continue à se heurter au mur électoral, en dépit d'un diagnostic majoritairement partagé à droite, tant par ses soutiens que les sympathisants.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Ce jeudi 21 avril, François Fillon a dévoilé la liste de 72 parlementaires lui ayant déjà offert leur soutien. Parmi eux, on trouve notamment Bruno Retailleau, Thierry Mariani ou Jérôme Chartier. Le diagnostic établi par François Fillon semble également être soutenu par tout un pan de l'électorat de droite, sans pour autant recueillir les intentions de vote suffisantes pour prendre l'avantage dans la course aux primaires. Comment expliquer ce paradoxe ?

Bruno Jeudy : François Fillon est clairement dans une phase de relance et redynamisation de sa campagne. Il y a trois semaines, il avait déjà tenté de remobiliser ses soutiens et il vient de publier la liste des 72 parlementaires qui l'ont fait et le soutiennent. Il est clair que l'ancien Premier ministre essaye d'enrayer le déclin qu'il connait dans les sondages. A la faveur des dernières enquêtes, il semble avoir plutôt réussi.

Il est vrai qu'il y a un paradoxe François Fillon : son livre a été succès. Son programme est salué par l'immense majorité des parlementaires mais également par une majorité des adhérents de droite – qui se retrouvent notamment dans les thématiques économiques de ce programme de rupture. Pour autant, il ne parvient pas à traduire cet état de fait dans les enquêtes d'opinion ou dans les sondages relatifs aux candidats de la primaire ; quand bien même les derniers chiffres lui sont plus favorables. C'est d'autant plus vrai sur les enquêtes qui se penchent sur les intentions de votes à l'élection présidentielle de 2017. A en croire leurs données, François Fillon ferait aussi bien que Nicolas Sarkozy, ce qui n'est évidemment pas négligeable pour l'ancien locataire de Matignon.

Il y a, à mon sens, plusieurs pistes pour expliquer ce paradoxe. On peut légitimement penser à l'accident "industriel" politique que François Fillon a essuyé en 2012. La campagne ratée pour la conquête de la présidence de l'UMP, même s'il a perdu dans les conditions que l'on sait, n'est pas sans laisser de traces. L'élection avait beau être marquée par la fraude électorale, il n'en reste pas moins que François Fillon a mené une mauvaise campagne et n'est pas apparu comme un candidat combatif. Il n'est pas non plus apparu comme un bon chef dans le cadre de cette campagne interne. En outre, en plus de son manque de combativité que certains parlementaires et adhérents lui reprochent, François Fillon reste perçu (à tort ou à raison) comme un bon numéro 2. Pas comme un numéro 1, ou moins. Il souffre clairement d'un problème d'incarnation de la fonction de chef. S'il est possible de reprocher beaucoup de choses à Nicolas Sarkozy, il reste un chef. C'est également le cas d'Alain Juppé. François Fillon, que cela soit juste ou non, essuie les doutes de l'électorat à ce niveau. Les critiques (velléitaire, nonchalant) et les questions (est-ce qu'il a envie ?) reviennent souvent. Il a beau les balayer d'un revers de la main et expliquer combien sa détermination est totale (ce qui est vrai, je crois), c'est désormais quelque chose d'ancré. Dernier point qu'il me parait important de souligner : il a fait l'erreur, en 2010, de ne pas quitter Matignon. De facto, il porte donc le bilan du quinquennat, comme pour Nicolas Sarkozy. Cela reste une difficulté supplémentaire à cet égard. Incontestablement, être resté auprès de Nicolas Sarkozy présente aujourd'hui un obstacle de plus pour François Fillon : dès lors qu'il a critiqué l'ancien Président, il a perdu de nombreux soutiens à droite et a connu une chute dans les sondages. Il en est d'ailleurs conscient, puisqu'il explique lui-même qu'il a réfléchi à l'exercice du pouvoir et que lui, le modéré, estime être allé au bout des solutions médianes. Ce serait pour ces raisons qu'il défend un programme de "vraie rupture" avec les programmes appliqués par la droite depuis une trentaine d'années. Il est vrai que les solutions qu'il défend sont libérales et radicales sur un certain nombre de sujets. Il explique s'être trompé et avoir changé d'analyse désormais.

Quelle est aujourd'hui la fenêtre de tir qu'il reste à François Fillon ? Alors qu'il entame une redynamisation de sa campagne en cherchant désormais à se donner un maximum de visibilité, de combien de temps dispose-t-il encore avant qu'il ne soit trop tard pour espérer redresser la barre ? 

Il est clair que, pour François Fillon, il y a urgence. Concrètement, si la configuration de la primaire reste inchangée, l'ancien Premier ministre risque fortement de connaître des difficultés pour empêcher le tête-à-tête entre Alain Juppé – favori de la primaire – et Nicolas Sarkozy – ancien Président, patron des Républicains –. Davantage que Bruno Le Maire, François Fillon semble relégué au second plan. S'il ne parvient pas à rattraper le duo de tête rapidement, il lui sera très difficile de le faire ensuite. Sous réserve que ce scénario prévale, il doit incontestablement, d'ici la fin de l'été, recoller au peloton de tête. Sans quoi, ses soutiens pourraient partir, au fur et à mesure.

Il y a un deuxième scénario, nettement moins écrit. Nous ne savons pas, à ce jour, le nom de l'ensemble des participants à la primaire. Nicolas Sarkozy ne sera peut-être pas candidat, bien que ce scénario ne soit pas le plus probable. Si cela se produisait, cela rebattrait évidemment les cartes à droite et cela rendrait à François Fillon comme à Bruno Le Maire (qui sont tous deux sur une dynamique ascendante) une chance réelle. Les compteurs seraient remis à 0. D'autres candidats peuvent également chambouler l'équation (comme Laurent Wauquiez, par exemple). Même 200 jours avant la primaire, nous devons rester prudents : cette compétition interne demeure finalement très ouverte.

Quelle est l'efficacité de la stratégie qu'il met en place aujourd'hui ? Fondamentalement, que faudrait-il pour "sauver" la candidature François Fillon ?

Il a d'ores et déjà cerné la première difficulté : sa communication. François Fillon a décidé de devenir autrement plus régulier en matière de présence médiatique : il s'agit de passer d'apparitions éclipses à une présence permanente. Ses proches lui reprochent souvent de ne pas être assez présent sur les médias, de ne pas se montrer assez ; critique qu'il a manifestement saisi.

Cela tient également à des petites touches ; mais François Fillon cherche à travailler son image. Il cherche à paraître moins coincé, plus décontracté. A cet effet, il a ôté la cravate lors de son dernier meeting et tente de bouger son image, sans aller jusqu'à dire qu'il cherche à se "lemairiser". Pour autant, il refuse catégoriquement de se rendre aux émissions moins sérieuses, dites d'entertainement. Il me semble qu'il devra bousculer ses habitudes afin de devenir audible : quoiqu'on en dise, François Fillon fait face à des difficultés à faire passer ses messages au-delà du cercle habituel de ses adhérents. Avoir 72 parlementaires est une bonne chose, mais ce n'est pas non plus aussi spectaculaire que ça devrait l'être.

Que risque vraiment François Fillon, s'il ne parvient pas à rattraper le duo de tête à la primaire ? Faut-il attendre de lui qu'il s'en tienne à son idée d'arrêter la politique ou est-il probable qu'il restera présent dans le jeu politique ? De quelle manière ? 

J'observe qu'il ne le dit plus. Il n'a pas réitéré cette déclaration dans le cadre de ses dernières interventions. Il a manifestement décidé de ne plus s'exprimer sur ce sujet et s'il est difficile de dire ce que cela cache, c'est un constat intéressant à formuler. Je doute qu'il arrête la politique toutefois : nous n'avons pas du tout idée des circonstances politiques de 2017, personne ne sait comment se terminera la primaire… N'oublions pas que ce sont les premières primaires de la droite et qu'aucun scénario n'est encore gravé dans le marbre. Tout ceci incite à la prudence sur les promesses. Le jeu reste très ouvert.

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