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63% des Français jugent qu’Emmanuel Macron est compétent mais seulement 40% qu’il est proche de leurs préoccupations et 53% adhèrent à l’idée qu’Alain Juppé le nomme Premier ministre s’il était élu
©Reuters

Info Atlantico

D'après un sondage exclusif IFOP pour Atlantico, une majorité de Français trouve à Emmanuel Macron un certain nombre de qualités, parmi lesquelles sa compétence, sa sympathie, ou la proximité dont il peut faire preuve à l'égard des préoccupations du quotidien et de tout un chacun.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quel est le principal enseignement de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Le premier enseignement lié à l'image personnelle d'Emmanuel Macron, particulièrement médiatisé ces dernières semaines et ces derniers jours, c'est que son image globalement positive auprès des médias français se retrouve, en partie, dans l'opinion publique, puisqu'un certain nombre d'attributs sont associés au ministre de l'Economie.

Pour quasiment deux tiers des Français, il est qualifié de compétent, une notion importante pour le poste qu'il occupe puisqu'il est en charge de l'économie, de la croissance et donc de la lutte contre le chômage (à savoir les priorités des Français). Dans le même temps, il est également qualifié de sympathique, ce qui n'est pas forcément donné à tout le monde. Toujours dans les aspects positifs, Emmanuel Macron apparaît, et c'est important, comme étant différent des autres personnalités politiques (56%). Comme d'autres, notamment Bruno Le Maire, il veut incarner une forme de renouveau politique, d'où la création de sa formation politique qui s'inscrit elle aussi en rupture par rapport aux codes classiques. Compétence, sympathie, différenciation vis-à-vis des autres : autant d'éléments qui peuvent servir de point d'appui pour une stratégie de communication qu'il a par ailleurs déjà amorcée.

Pour ce qui est des autres items, 42% des Français pensent qu'il est capable de sortir le pays de la crise, un chiffre non négligeable. Cela démontre qu'il y a une certaine attente le concernant. Il aurait été étonnant qu'il soit à plus de 50%, étant donné que la France est inscrite maintenant depuis longtemps dans un contexte de chômage de masse. Il y a un très fort scepticisme des Français vis-à-vis du personnel politique, donc il serait étonnant qu'une personnalité politique, aussi sympathique et talentueuse soit-elle, puisse recueillir l'assentiment d'une majorité de Français sur cette question.

Si nous avons évoqué précédemment le capital sympathie dont dispose Emmanuel Macron, il est à noter que cet item n'englobe pas forcément la disposition de proximité avec les préoccupations des Français. Il n'y a que 40% des Français qui estiment qu'il est proche de leurs préoccupations. Pourtant, Emmanuel Macron avait eu à cœur de présenter un certain nombre de réformes qu'il a menées comme impactant la vie quotidienne des Français (libéralisation du trafic en autocar, travail le dimanche, etc.).

Dernier point et non des moindres : la capacité à rassembler les Français, dimension très intéressante car elle est au cœur-même de son engagement (rassembler au-delà du clivage classique gauche-droite). Moins d'un Français sur deux estime qu'il est en capacité de le faire, ce qui n'est pas vraiment un plébiscite. Le point intéressant ici concerne la répartition des réponses en fonction des proximités politiques. Plus vous vous approchez du centre de l'échiquier politique, plus il est populaire et plus on le crédite de la capacité à rassembler les Français : ce sont les électeurs du Front de Gauche et du Front national qui pèsent négativement sur ce score, dessinant une belle courbe en U. On peut penser qu'ils parlent pour eux même, puisque le positionnement d'Emmanuel Macron n'est pas prêt de remporter leur suffrage ou de susciter un intérêt chez eux. En revanche, parmi les électeurs de l'UDI, 64% estiment qu'il est capable de rassembler : c'est clairement à eux qu'il s'adresse et ces électeurs l'ont compris comme tel. Chez les Républicains comme chez les socialistes, cette qualité du ministre de l'Economie est également perçue de façon majoritaire. Sur l'ensemble de l'échiquier ce n'est pas le cas, cela ne vaut que pour les compartiments politiques où ce rassemblement pourrait se produire. Cette aspiration au rassemblement rencontre même une attente forte, notamment chez les centristes. En cela, il est le bon homme au bon moment.

On retrouve cette fameuse courbe en U sur chaque item. 90% des électeurs de l'UDI l'estiment compétent contre 37% au FN et 53% au Front de Gauche. Idem pour sa sympathie, sa dimension de démarquage vis-à-vis des autres politiques… Somme toute, Emmanuel Macron est le porte-drapeau de tout ce que le paysage électoral comporte de centriste. C'est le candidat de l'électorat modéré. Quand Juppé avait utilisé la formule "il va falloir couper les deux bouts de l'omelette", laquelle sous-entendait de laisser de côté les contestataires d'extrême gauche comme d'extrême droite, elle correspondait précisément à ce schéma de courbe en U. Emmanuel Macron est soutenu par les éléments les plus modérés et plus on s'éloigne de ce centre de la vie politique, plus les jugements deviennent négatifs. Il est donc bel et bien dans cette démarche de rassemblement, laquelle donne du sens à la question d'une potentielle alliance avec Alain Juppé. Il est souvent dit, d'ailleurs, d'Emmanuel Macron qu'il est plus populaire à droite qu'à gauche. Pour autant, si on s'intéresse aux Républicains seuls (et non au complexe LR-UDI), force est de constater que les scores sont assez proches de ceux du Parti Socialiste. Par ailleurs, c'est au PS qu'il est jugé le plus compétent, bien que cela résulte très certainement d'un réflexe partisan. Clairement, la popularité du ministre de l'Economie n'est pas ce que l'on pourrait appeler une popularité à contre-emploi, puisqu'il n'est pas soutenu que par l'opposition. Il est d'abord soutenu par les centristes, puis dans des proportions élevées et quasiment identiques, par les socialistes et les Républicains. C'est le candidat de la synthèse.

La presse met souvent en avant ses qualités, en termes de compétence, de sympathie et la façon dont il renouvellerait le paysage politique. Les chiffres que nous avons permettent de constater qu'il s'agit effectivement des qualités qui sortent le mieux. Il y a aujourd'hui une certaine convergence entre l'opinion et le traitement médiatique – lequel a potentiellement influencée la première – relatif à Emmanuel Macron aujourd'hui.

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Plus d'un Français sur deux estime qu'il pourrait faire un bon Premier ministre si Alain Juppé était élu président de la République. N'est-ce pas le signe qu'Emmanuel Macron est davantage associé au maintien du système politique en place depuis des décennies qu'à son renouvellement dans l'esprit des électeurs ?  

Procédons par étapes : une majorité relativement courte (53% des Français) est favorable à ce scénario. Le pays est aujourd'hui coupé en deux par ce scénario encore assez neuf, inédit. Cette cohabitation serait choisie et assumée. L'indication qu'apporte ce chiffre est parlante. Rappelons également que tant ce chiffre que ce scénario ne sont pas sortis de l'imagination débordante de la rédaction d'Atlantico ou des sondeurs de l'Ifop : il s'appuie sur un certain nombre de déclarations. Alain Juppé avait annoncé que s'il était élu face à Marine Le Pen, il intégrerait à sa majorité présidentielle l'ensemble de ceux qui l'auraient aidé à la vaincre (à l'inverse de Jacques Chirac en 2002). On peut légitimement penser qu'un certain nombre de socialistes modérés et libéraux, à l'image d'Emmanuel Macron, pourraient être intégrés dans ce dispositif. Emmanuel Macron a aussi déclaré que son mouvement ne serait ni de droite ni de gauche : cela traduit son envie de travailler avec des gens de droite, sous-entendu de façon ambiguë. Or, un Français sur deux est intéressé par cette possibilité. Cela étant, Emmanuel Macron a aussi fait savoir sa fidélité à François Hollande : le scénario sur lequel il se dirige n'est pas celui d'une alliance avec Alain Juppé, bien qu'il joue sur une forte ambiguïté. Cette hypothèse fait simplement sens pour une moitié des Français.

Il est intéressant de noter qu'encore une fois, ce score maximal se retrouve chez les électeurs de l'UDI (favorables à 75%). Remarquons aussi qu'il y a autant de sympathisants PS que de sympathisants LR (2/3 à chaque fois) favorables à ce ticket très original. Un tiers de chaque électorat y voit une "collusion avec l'ennemi". Du reste, ils sont majoritaires dans chaque camp à penser que cela peut être intéressant. Les soubresauts de plus en plus rapprochés, que subit le système politique en raison de la montée du FN et du clivage au sein de la gauche, laissent planer l'hypothèse d'une recomposition politique. Des acteurs comme Alain Juppé ou Emmanuel Macron pourraient être les chevilles ouvrières de ce mouvement, ses principaux artisans. Cela témoigne effectivement du fait qu'il est davantage associé au maintien d'un système politique déjà en place. Si l'on souhaite être critique vis-à-vis de son positionnement, citons le Guépard : "il faut que tout change pour que rien ne change". C'est notamment l'avis de Marion Maréchal-Le Pen qui estime d'Emmanuel Macron qu'il s'agit d'un Alain Juppé rajeunit de 30 ans. Les Français dressent eux-mêmes des parallèles, dans la mesure où ils les verraient très bien travailler l'un avec l'autre. Cette recomposition politique se fait à la fois sous pression du FN, des divisions à gauche, mais également des réformes perçues comme inévitables et nécessaires. De nombreux électeurs modérés jugent qu'il faudra, in fine, travailler avec des opposants modérés – et qui leur ressemblent – pour parvenir à être suffisamment nombreux et réaliser ce qui doit être fait de manière ordonnée, ni radicale et ni violente. Tout le monde sent qu'il faudra bouger et ici se dessinent donc deux alternatives. Soit on renverse la table (vote de rupture) ; soit on part sur quelque chose de plus consensuel, de plus modéré. L'assurance que ces changements – qui permettront au système de perdurer – seront menés.

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