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Air France : l’Etat ne trouve pas de pilote pour succéder à Alexandre de Juniac et ne comprend même pas pourquoi
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Atlantico Business

Air-France a perdu son pilote et la plupart de ceux que l’Etat a contacté pour prendre la présidence refusent.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L’Etat a finalement sélectionné trois candidats possibles à la succession d’Alexandre Juniac : Fréderic Gagey qui travaille déjà à Air France. Jean-Marc Janaillac,  président de Trans-Dev et ami de François Hollande du temps de l'ENA. Et Jean-François Cirelli, l'ancien PDG de Gaz de France. Mais aucun ne déclenche l’enthousiasme ou d’adhésion forte. 

L'affaire est assez cocasse et elle commence à faire rire dans les cabinets ministériels. Aux Transports comme à l'Economie, à Matignon comme à l'Elysée, on s’affaire pour trouver un successeur à Alexandre de Juniac, et on ne trouve personne d’évident, ou de totalement légitime. 

L'Etat, l’actionnaire principal du groupe Air-France KLM, ne réussit pas à trouver l'homme adéquat. Surtout que tous ceux que l'Etat a contactés refusent poliment. 

Dans n'importe quelle grande entreprise, on s’interrogerait sur la gouvernance, sur le pourquoi du comment. L’Etat, comme d’habitude, nie le problème et continue de faire des listes. 

Il fut un temps, pas si ancien, où la présidence de la compagnie Air France était l'une des présidences françaises les plus prestigieuses et les plus convoitées. 

Les anciens de Polytechnique se battaient pour avoir le job. Mais ça c'était avant. On s’arrachait les postes d’administrateurs et la position de cadres dirigeants. 

Ce temps-là est révolu. En fait, l'Etat ne trouve pas de candidats pour les mêmes raisons que celles qui ont poussé Alexandre de Juniac à démissionner. 

Le poste est devenu ingrat, la société est ingouvernable à cause de ses féodalités sociales qui sont protégées par l'administration et de ses problèmes de structure qui nécessiteraient un actionnaire courageux. Or, l’actionnaire c’est l'Etat : il est désargenté, pointilleux et conservateur maladif dès qu'une réforme risque d’écorner un privilège social que l'Etat a d’ailleurs distribué au cours des 50 dernières années.

En plus, cerise sur le gâteau : sur le marché des PDG de grande entreprise, celui d’Air France est particulièrement mal coté. Alors qu'à taille égale, un président opérationnel toucherait en moyenne plus de 500 000 euros par an, celui d’Air France gagne trois fois moins. Moins que beaucoup des commandants de bord de ses avions. 

L’Etat a été pris de court par le départ d’Alexandre de Juniac. A Matignon, on pensait avoir plusieurs mois pour préparer la succession. 

Son calendrier est rempli de rendez vous importants où la présence du président est requise. Air France doit finaliser une alliance avec une compagnie asiatique qui avait été préparée par le précèdent président. La compagnie doit également terminer des négociations sociales très difficiles à gérer avec les pilotes sur l’organisation et les salaires. Ajoutons qu'à l'assemblée générale de début mai, il serait bien qu’on puisse dire qu’il y a un pilote dans l'avion. 

Enfin, le président doit mettre le groupe en ordre de marche face à la concurrence internationale. 

La chute du prix du pétrole a donné beaucoup d’oxygène aux compagnies aériennes. Air France en a profité. La question est de savoir comment sera utilisée la marge. Pas question pour les dirigeants qui travaillaient avec Juniac de lâcher sur les salaires et d'abandonner la réorganisation du travail. 

Air France reste une des compagnies au monde où les conditions de travail sont les plus généreuses, en horaires et en rémunérations. Le précèdent président avait ouvert un chantier de reformes pour mettre Air France au niveau de la concurrence. La révolution du low-cost a eu du mal à aborder les rives de la compagnie.

La baisse des prix du carburant a fait croire à certains personnels que la compagnie n’avait aucune urgence à se reformer en profondeur. Au contraire, elle devrait en profiter car le prix du pétrole lui en donne les moyens. 

Dans ce contexte-là, l’Etat n'a pas encore trouvé l’oiseau rare qui pourrait prendre les commandes de ce groupe. Les candidats existent bien sûr mais ceux qui sont bons ne sont pas nombreux. Ils doivent être à la fois experts en aérien, compétents en management, familiers avec les syndicats et surtout capables de négocier avec l'Etat. 

L'Etat ne se rend pas compte aujourd'hui que son omniprésence aux frontières de l'entreprise, son ambition de tout gérer, tout contrôler de façon à éviter les problèmes avec les syndicats de salariés, de résidents de Roissy, ou les groupes de clients et de voyageurs nuisent à Air France. 

L'Etat étant propriétaire d'Air-France, il considère encore aujourd'hui que la compagnie est un petit bout de la France. 

Cette préoccupation étatique n’est pas compatible avec la nécessité de trouver les gains de productivité pour gagner la bataille du ciel. 

En fait, quand on interroge les candidats sollicités pour prendre le job qui ont refusé, ils mettent tous en avant (sous couvert d’anonymat) trois éléments : 

  • Air France est une entreprise trop compliquée dont les féodalités intérieures sont imprenables 

  • L'Etat ne fait pas son métier qui est de permettre la réforme mais protège des privilèges internes 

  • Enfin, le salaire n’est pas à la hauteur des responsabilités. 

Dans ces conditions, les personnels de cabinets ministériels quittent le pouvoir pour être recrutés par les grandes banques d’affaires. 

Selon les bruits et rumeurs, il resterait trois candidats sérieux sollicités par le gouvernement. 

D’abord, Fréderic Gagey, l’actuel PDG d’Air France qui connaît bien le groupe et qui travaillait aux cotés d’Alexandre de Juniac. En interne, on considère que c’est celui qui serait le mieux accueilli a la tête du groupe Air France-KLM. Fréderic Gagey a toute les chances. Son seul handicap, c’est d’être déjà à l'intérieur de la machine. Un aspect, bizarrement, que l'Etat n aime guère. Pas seulement à Air France, mais dans toute les entreprise ou l'Etat a des participations, il ne recrute pas en interne. 

Ensuite, Jean-Marc Janaillac le président de Trans-dev : il connaît les entreprises bien sûr, il connaît aussi le pouvoir et l'administration et il connaît bien François Hollande. Il était à l'ENA dans la même promotion que lui. La célébrissime Promotion Voltaire. Au début du quinquennat, c’était un avantage … Le fait que l'on approche de la fin de l'appartenance à la promotion Voltaire peut être un handicap. 

Enfin, Jean-François Cirelli : lui aussi connait l’ENA, les cabinets ministériels. Il était conseiller économique de Jacques Chirac avant de diriger Gaz de France et de rater la succession de Gérard Mestrallet comme patron d'Engie, le nouveau nom du groupe forme par Suez et Gaz de France. Il replongerait bien dans un grand groupe un peu compliqué comme ceux qu’il a fréquentés.

En fait, il sait nager parmi les crocodiles et gérer les dinosaures. A Air-France-KLM, il y a encore aujourd'hui autant de crocodiles que de dinosaures. 

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