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Et si la gauche n’existait plus en 2017 ? Voilà à quoi pourrait ressembler un quinquennat où gauche de protestation et gauche de gouvernement se seraient mutuellement détruites
©walesonline.co.uk

Cannibalisation

Selon une récente enquête TNS-Sofres, François Hollande serait talonné par Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle. Une configuration qui effacerait la gauche du jeu politique pendant un temps.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Selon un récent sondage, François Hollande et Jean-Luc Mélenchon feraient respectivement 13% et 12% au premier tour, bien loin de la qualification pour le deuxième tour. Sans accord entre ces deux gauches, quelles sont leur chance de peser électoralement, que ce soit à la présidentielle ou aux législatives, qui se tiendront au mois de juin 2017 ? La gauche pourrait-elle être menacée de disparition ?

Christophe Bouillaud : Dans l'état actuel des informations dont nous disposons par les sondages, le cas le plus probable consiste effectivement en l'élimination de la gauche au premier tour si plusieurs candidats se présentent, et ce quels qu'ils soient.

Les chances pour que ces deux gauches se réunissent sont minimes. Parmi les nombreux fossés qui les séparent, la personnalité de François Hollande est très contestée, et pas seulement auprès des électeurs de la gauche de la gauche. En réalité, François Hollande a réussi à énerver à peu près tout le Parti socialiste en dehors de ses proches et de ceux de Manuel Valls. Le deuxième fossé entre ces deux gauches est celui de la méthode : entre méthode réformiste ou révolutionnaire, c'est la question sur l'usage du pouvoir qui se pose. Mais une autre question est en train d'émerger : si Yanis Varoufakis s'inscrit dans les idéaux d'une gauche radicale européiste, Jean-Luc Mélenchon est en train de contester un parti pris historique de sa position politique : il semble ne plus croire dans l'Europe.

Finalement le seul cas de figure qui pourrait laisser un candidat de gauche accéder au deuxième tour est celui où la droite elle-même serait représentée par plusieurs candidats. Si les résultats de la primaire de la droite étaient contestés par exemple, le jeu serait alors complètement ouvert.

Dans le cas où la droite l'emporterait face au FN au premier tour, peut-on imaginer une situation comparable à celle des régions NPDCP et PACA mais au niveau national, régions dans lesquelles la gauche est absente depuis le mois de décembre dernier ? A quoi ressemblerait un quinquennat sans la gauche ?

Au cours des législatives, il est évident que le camp qui a perdu la présidentielle est très désavantagé. Mais s'agissant d'élections locales, la gauche saura sans doute se réunir pour faire barrage à l'extrême droite ou à la droite. Les candidats de gauche pourront notamment compter sur des localités où la sociologie leur sera toujours favorable, tout comme sur les barons de la gauche très ancrés localement. Le camp des perdants socialistes résistera probablement en Bretagne, dans le Sud-ouest, ainsi que dans les grandes métropoles, et s'il sera affaibli, il ne disparaîtra pas complètement de l'Assemblée nationale.

Si on fait le pari que la droite LR gagne l'élection de 2017, et dans la foulée les législatives, elle appliquera son programme, très probablement libéral et austéritaire. Ainsi, dans un premier temps ce sera le choc et la fureur des candidats de la droite. On peut imaginer une loi programme importante portant sur la réforme du modèle social français dans une tonalité très libérale dès l'été 2017, et la gauche ne pourra probablement pas y faire obstacle. Cette première phase, réalisée dans l'après-victoire, ne manquera pas dans un second temps de remobiliser très fortement la gauche et ses réseaux traditionnels comme les syndicats, pour susciter un entrain nouveau. Ces mesures provoqueront sans doute des mobilisations très importantes et représenteront donc un bénéfice pour la gauche contestataire. 

Comment le Front national pourrait-il d'ailleurs tirer partie de sa position d'opposant principal au gouvernement ? En quoi cela pourrait-il influencer le travail parlementaire, les discours et les arguments dans les médias, voire l'opinion publique ?

Je pense que le Front national aura beaucoup de difficultés car il sera alors pris entre deux tendances qui coexistent pour le moment . La première est celle qui séduit les "petits patrons", qui plébiscitent des projets de réforme sur le droit du travail, sont fortement opposés aux syndicats, et souhaitent une refonte du modèle social par exemple. Une partie de l'électorat FN sera donc d'accord, au fond, avec ce que mettra en place la droite. La deuxième tendance du Front national, celle qui s'articule autour de Florian Philippot, elle, sera très opposée à ces propositions. La synthèse sera particulièrement difficile à tenir entre les deux. 

Dans le cas par exemple où le gouvernement déciderait de dérembourser un certain nombre de médicaments pour alléger les comptes de la Sécurité sociale, évidemment, toute une partie de la France populaire ne sera pas d'accord.

Sur l'élaboration des lois, je pense qu'il y aura toujours une très forte représentation de la gauche au Sénat qui s'organisera alors peut-être en pôle de résistance. Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale sera lui aussi, selon toutes probabilités, en mesure de porter les lois gouvernementales devant le Conseil constitutionnel. 

Il y aura donc une concurrence entre la gauche et le FN pour jouer le rôle d'opposant principal au gouvernement de droite, mais la gauche a quand même plus d'expérience en la matière, et sera donc plus efficace que le FN.

Quant à l'influence sur l'opinion, l'expérience montre qu'elle réagit en fonction de la sensibilité du gouvernement. Si celui-ci met en place des mesures de droite, l'opinion aura tendance à être de gauche. C'est pour cela que l'on peut imaginer une remontée de la gauche. Si la droite abolit l'ISF, on ne manquera pas de voir des articles sur les montants en millions d'euros économisés par certaines personnalités. Par ailleurs, immédiatement les médias les plus à gauche auront plus de succès : Libération aura plus de lecteurs, Atlantico ou Causeur probablement moins. 

Comment le gouvernement de droite pourrait-il réagir ? Selon vous, la droite actuelle est-elle suffisamment armée pour affronter efficacement la rhétorique frontiste ?

Je pense que la rhétorique frontiste sera beaucoup moins importante le jour où la droite sera au pouvoir, déjà parce que le FN aura été battu, et nettement au second tour. Aux législatives il y aura des députés FN, mais ils ne formeront pas une majorité. Le FN accusera le coup, et mettra un certain temps pour s'en remettre. La droite n'aura qu'à installer sa politique, et espérer qu'elle donne des résultats. 

D'autant que le candidat de la droite qui l'emportera, que ce soit Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé, prendra quoi qu'il arrive des mesures susceptibles de séduire l'électorat frontiste. La droite n'hésitera pas à aller au plus loin de ce qu'elle peut se permettre tout en respectant la Convention européenne des droits de l'homme, et cette dernière permet d'aller assez loin...

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