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Et encore un round de renégociation de la dette grecque sans que rien ne laisse présager une quelconque amélioration
©Reuters

Enfumage européen

Les négociations, interrompues le week-end, reprennent ce lundi 18 avril. Si les différentes parties semblent confiantes, on peut s'interroger sur l'efficacité de cet énième réajustement. Le FMI semble inquiet, et la Grèce est écartelée entre deux positions impossibles à tenir.

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak est économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), spécialiste de questions de politique budgétaire, sociales et des systèmes de retraite.

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Atlantico : Huit ans après le début de la crise grecque et les nombreux rebondissements que l'on connaît, où en est la dette grecque ? Comment évolue-t-elle ? 

Henri SterdyniakLa dette grecque représentait toujours 179 % du PIB fin 2015 (soit 314 milliards d’euros). Elle était de 103% du PIB fin 2007, de 172 % fin 2011, de 160 % fin 2012 (la Grèce ayant bénéficié d’un allègement de sa dette de l’ordre de 30 % du PIB). La dette devrait représenter 185% du PIB fin 2016. La Grèce n’a pas encore réussi à stabiliser sa dette, encore moins à la réduire.

L’évolution du ratio dette/PIB dépend essentiellement de deux éléments. La Grèce a été obligée d’entreprendre une rigoureuse politique d’austérité qui, au prix d’une chute du PIB de l’ordre de 25%,  lui a permis de obtenir un  solde public primaire (c’est-à-dire hors charges d’intérêt) légèrement excédentaire en 2014 (0,4% du PIB) ; celui-ci a été légèrement déficitaire en 2015 (-0,5% du PIB).  Le taux d’intérêt que paie la Grèce sur sa dette est actuellement très faible (2,2%), mais le taux de croissance du PIB est encore plus bas (en 2015, le PIB en volume a diminué de 0,3 %, le déflateur du PIB a baissé de 0,6%, donc le PIB en valeur a diminué de 1% ; en 2016, sa baisse devrait être de 1% également, soit -0,7% en volume, -0,3% en déflateur). Aussi, actuellement, la dette augmente par effet « boule de neige » de 6% du PIB par an. Réduire le poids de la dette supposerait donc de maintenir un  excédent primaire important tout en faire passer la croissance au-dessus du taux d’intérêt, ce qui est contradictoire.

Ses créanciers européens veulent imposer à la Grèce d’atteindre en 2018 un excédent primaire de 3,5 % du PIB. Ceci demanderait de nouvelles mesures restrictives de l’ordre de 4 points du PIB, qui pèseraient sur l’activité, ce qui réduirait les rentrées fiscales, de sorte que le ratio de dette/PIB augmenterait à court terme. C’est l’expérience que connaît la Grèce depuis 2010. Certes, on peut toujours prétendre qu’après ce nouveau cycle d’austérité, la croissance rebondirait, mais ce n’est guère assuré.

En sens inverse, réduire le poids de la dette en augmentant l’activité nécessite que les créanciers de la Grèce acceptent clairement que celle-ci ne fassent pas plus d’effort budgétaire, que le gouvernement prenne des mesures pour soulager la misère sociale qui s’étend dans le pays et surtout qu’un programme de renouveau productif soit mis en place, financé par une aide de ses partenaires européens. Il faudrait aussi que soit écarté tout risque de sortie de la Grèce de la zone euro,  donc que l’Europe s’engage à financer la dette grecque tant que nécessaire. Le manque de confiance entre la Grèce et la plupart des pays européens comme l’incapacité de l’Europe à s’engager dans des politiques courageuses rendent ce scénario  inenvisageable. 

De plus, la crise des migrants  pèse lourdement sur la Grèce, en aggravant ses problèmes sociaux (il est difficile d’accueillir des migrants dans un pays à fort chômage et en crise sociale) , ses difficultés financières (l’aide de l’Europe étant insuffisante), et aussi en risquant de compromettre  sa saison touristique. 

Le ministre des Finances grecques, Euclide Tsakalotos, ainsi que le ministre de l'économie Allemande Wolfgang Schaüble ont indiqué que la Grèce et ses créanciers étaient sur le point d'avoir trouvé un accord. A quoi devrait ressembler cet accord ? S'agit-il d'une véritable sortie de crise, ou d'une étape supplémentaire ?

Aucun accord permettant une véritable sortie de crise n’est en vue. L’Allemagne veut imposer de nouveaux efforts à la Grèce et refuse toute réduction de la dette, qu’elle devrait enregistrer comme une perte pour le contribuable allemand. Elle pourrait cependant accepter une restructuration limitée à un report des échéances de remboursement.

 La Grèce voudrait avoir un objectif d’excédent primaire plus bas ; elle refuse de réduire encore le niveau des retraites et voudrait plutôt augmenter les cotisations sociales et les impôts ; elle voudrait pouvoir prétendre réaliser l’objectif de solde primaire par la lutte contre la fraude et l’évasion  fiscale ;  elle voudrait pouvoir prendre des mesures sociales d’urgence ; elle souhaiterait surtout bénéficier d’un fort allègement de sa dette. 

Compte tenu de l’intransigeance allemande, il est probable que la Grèce devra engager de nouvelles baisses des dépenses sociales et devra prendre des engagements peu réalisables en matière d’objectif d’excédent primaire. Elle n’obtiendra que des reports de remboursement. 

Mais la Grèce et l’Europe présenteront un scénario relativement optimiste mais peu crédible où la croissance reprendra rapidement permettant de réduire le poids de la dette, ceci malgré les politiques d’austérité. Ainsi, la dette apparaîtra soutenable et les pays préteurs n’auront pas à enregistrer explicitement leurs  pertes.  

Le FMI s'est montré particulièrement prudent cependant ? Qu'est-ce qui explique cette retenue ?

Le FMI a trois raisons de refuser ce compromis. D’après son idéologie libérale, un programme d’ajustement ne doit pas être basé sur des hausses d’impôts mais sur des baisses de dépenses publiques et sociales et sur des réformes structurelles que, selon lui, le gouvernement grec ne fera pas. Par ailleurs, il se refuse à participer à un programme reposant sur un scénario peu crédible ; il exige que le plan aboutisse de manière crédible à une situation de finances publiques soutenable. Il ne veut pas se décrédibiliser encore plus en donnant son aval à un programme qu’il juge irréaliste. Il demande donc à la Grèce de revoir son programme  (davantage de baisse des dépenses, pas de hausse d’impôts sur les entreprises) ; il refuse de tenir compte des gains qu’il juge peu assuré de la lutte contre l’évasion fiscale ; il accepte que la Grèce ne se voit pas imposer des exigences trop fortes en matière de solde primaire (1,5% du PIB et pas 3,5%), mais demande en contrepartie  à l’Europe d’accepter un allègement de la dette grecque. Nous sommes donc dans une situation compliquée : l’Allemagne s’appuie sur l’intransigeance du FMI pour imposer des nouvelles concessions à la Grèce, tout en refusant de tenir compte de sa demande de réduire la dette grecque. Elle ne veut pas que le FMI se retire de l’opération car cela pourrait être interprété comme un signe de laxisme. Les Grecs se retrouvent coincés entre des exigences impossibles à satisfaire.

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