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Une loi pour rendre obligatoire la visite à ses parents : le scénario chinois qui laisse imaginer où l’individualisme et la baisse de la natalité peuvent mener
©Reuters

Le rêve des belles-mères

La Chine porte les séquelles de pratiques démographiques hasardeuses : l'enfant unique et la perte du sentiment familial ont détruit la structure confucéenne de la famille et son modèle de type patriarcal, laissant les plus vieux toujours plus isolés. De quoi nous donner une idée de ce vers quoi il ne faut pas tendre ...

Serge Guérin

Serge Guérin

Serge Guérin est professeur au Groupe INSEEC, où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La nouvelle société des seniors (Michalon 2011), La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! (Michalon, 2013) et Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors (Michalon, 2015). Il vient de publier La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Levy, 2017).

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Atlantico : En Chine, pays dont la famille joue traditionnellement un rôle très important, les jeunes contestent l'instauration d'une loi qui oblige à la visite régulière des parents. De quoi cette loi est-elle le résultat? Comment peut-on interpréter cette contestation de la jeunesse chinoise ?

Serge Guérin : Sans être un spécialiste de la Chine, je pose l’hypothèse qu’un pays basculant très vite dans la société de consommation et dans une économie de marché non régulée par la société civile voit ses repères traditionnels remis en cause, dont les relations au sein de la famille. A cela s’ajoute des mouvements de population très forts qui ont éloigné et fragmenté les familles. Surtout, la politique de l’enfant unique a eu deux effets délétères sur le long terme: une culture de l’enfant roi développée par les familles qui reportent leur investissement sur un enfant unique ; et le fait que la préférence pour un garçon se soit exacerbée et a conduit à un « manque » de filles qui sont traditionnellement plus engagées à soutenir leurs parents.

Face à ces transformations,  l’Etat a fini par s’émouvoir et agir. Dans une société de l’ordre et de la norme, le pouvoir chinois passe par la loi.

L'individualisme caractérise aujourd'hui la plupart des sociétés occidentales, dont la société française. Les liens entre les enfants et les parents sont-ils affaiblis aujourd'hui en France ? Avons-nous besoin d'une telle législation ? 

Je crois qu’il faut toujours instaurer de la nuance concernant la notion d’individualisme. On confond trop individualisme  et égoïsme ou individualisme et manque de solidarité. C’est bien plus complexe. L’individualisme n’interdit pas la solidarité, mais elle est plus concréte et centrée sur la proximité. Les jeunes ne sont pas sans attention à l’intérêt général, comme vient de le montrer l’Observatoire de l'intérêt général Viavoice-Klesia, mais cela implique une notion de réciprocité. 

Loin de s’affaiblir, les liens entre les enfants et les parents, ou les grands-parents, n’ont sans doute jamais été aussi forts. La crise a renforcé le besoin de cette proximité solidaire. Mais ces liens au sein de la famille sont plus choisis et personnalisés aujourd’hui qu’hier. On peut en donner de nombreux exemples. Ainsi, les grands-parents consacrent en moyenne 23 millions d’heures par semaine à leurs petits-enfants pour s’en occuper en l’absence de leurs parents. Selon une étude TNS Sofres / Carac publié en avril 2016, au sein des famille l’aide financière est une réalité : 78%  des Français la pratique ou l’ont pratiqué. Autre chose, de plus de parents doivent accueillir un enfant adulte en difficulté d’emploi ou de couple. On parle des boomerang kids.

Traditionnellement, la solidarité familiale est pratiquée des parents vers les enfants. Qu'en est-il de l'état de la solidarité dans l'autre sens ? 

Il y a une formidable réciprocité aujourd’hui entre les générations. Sans doute jamais aussi forte que jamais. Pour reprendre l’étude TNS Sofres / Carac, je remarque que 75% des 18-24 ans ont déjà aidé et que les plus de 65 ans sont 84% a avoir déjà été dans cette situation. Je prends un autre exemple, essentiel, les aidants (plus de 8 millions de personnes) d’un proche. Et bien, il y a des parents qui acompagnent leur enfant handicapés, comme il y a des enfants qui soutiennent leur parent touché par une maladie neurologique ou encore le compagnon qui aide sa compagne atteinte d’une maladie chronique. 

Les familles nombreuses françaises sauveront-elles nos aïeuls de l'égoïsme?

Les familles nombreuses s’inscrivent dans des logiques culturelles fortes d’influence religieuse. Je ne vois pas en quoi elles sont un ferment contre l’egoïsme. 

Plus largement, je crois qu’une société est en train de s’inventer à côté du monde des institutions et de l’économie de marché. Elle n’est pas la mise en pratique d’un programme ou d’une idéologie. Elle se fait par nécessité. Les gens sont obligés de consommer autrement, en recyclant, en troquant, en étant plus sobre, en auto-produisant…. Nous entrons dans un monde qui sera caractérisé par l’abondance de temps avant celle de biens. Les retraités en sont un symbole : ils ont plus de temps et le plus souvent moins de moyens économiques.

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