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Gaby Cohn-Bendit : 
"Il n'y aurait jamais dû avoir 
de candidature Eva Joly"
©Reuters

Mise au vert

Daniel Cohn-Bendit a déclaré ce vendredi que s'il pouvait voter en France, ce serait pour François Hollande et non pour la candidate écologiste. Son frère revient sur cette position et explique pourquoi les verts se trompent de stratégie.

Gabriel Cohn-Bendit

Gabriel Cohn-Bendit

Militant de l'éducation alternative.

Fondateur du Lycée expérimental de Saint-Nazaire.

Fondateur du Groupement des Retraités et Educateurs sans Frontières (GREF) et du Réseau Education Pour Tous en Afrique (REPTA).

Ancien militant du Parti Communiste Français et du Parti Social Unifié.

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Atlantico : Daniel Cohn-Bendit a indiqué ce vendredi que s’il pouvait voter à l'élection présidentielle, il voterait sûrement François Hollande. Comment expliquer cette position ?

Gabriel Cohn-Bendit : Parce qu’elle est juste ! Le scrutin présidentiel est très particulier : pour qu’un candidat soit élu, il doit être dans les deux premiers. Donc quelques soient les préférences, si chacun y va à sa manière, on risque un nouveau 21 avril. On connait aujourd’hui les trois candidats vraisemblablement en tête en avril : Nicolas Sarkozy, François Hollande et Marine Le Pen. Si on ne veut pas se retrouver avec Marine Le Pen au second tour, il faut voter dès le premier tour pour un des deux autres candidats susceptibles de l’emporter.

Le « vote utile » est donc indispensable, selon vous, même chez les écologistes ?

De toute façon quand on vote, on veut voter utile. Le vote inutile est quand même une notion assez bizarre. Dans une élection à la proportionnelle, on vote évidemment pour la liste qui nous est la plus proche idéologiquement. Cela n’entraîne pas de dommages collatéraux. Au scrutin présidentiel, deux personnes passent. En 2007, je défendais déjà cette position, puisque j’avais fait campagne pour Ségolène Royal.

Mais cette position mise en avant par Daniel Cohn-Bendit n’est-elle pas une forme de désaveu pour Eva Joly (et pour Europe-Ecologie), qui sanctionnerait son début de campagne plus que mitigé ?

Déjà on ne parle plus d’Europe-Ecologie, mais des Verts. J’avais créé une association « Les amis d’Europe-Ecologie », nous allons changer ce nom en « Les amis de feu Europe-Ecologie ».

Les électeurs, comme moi, qui ont voté Noël Mamère en 2002, se sont retrouvés avec Jacques Chirac. Là, ils ont déjà tranché : ils ne veulent pas se retrouver dans cette situation. Dès lors, comme nous ne sommes pas à égalité avec le PS… Et quel qu’aurait pu être le candidat, Nicolas Hulot ou Daniel Cohn-Bendit, il n’aurait pu faire plus. Ça n’a rien à voir avec Eva Joly, malgré tout ce qu’on peut dire sur ses compétences. C’est secondaire par rapport au fait que les électeurs écologistes ne veulent pas se retrouver  dans un nouveau 21 avril.

En Allemagne, le leader des écologistes allemands, Joschka Fischer, serait élu s’il y avait une élection présidentielle, devant les socialistes. Ce n’est pas possible en France.

Pour revenir sur Eva Joly, elle se fait surtout remarquer, dans ses sorties médiatiques, par des propositions portant sur l’identité française (suppression du défilé militaire du 14 juillet, instauration de jours fériés pour le Kippour et l’Aïd-el-Kebir…), plutôt que sur l’écologie, le domaine où on l’attend. Un calcul de sa part ?

Sur le défilé militaire je serais plutôt d’accord avec elle. Comme dirait Georges Brassens, « la musique qui marche au pas, cela ne nous regarde pas ».

Je ne sais pas si c’est une stratégie de sa part. Lorsqu’elle parle d’écologie ça ne provoque pas vraiment de réaction car tout le monde se dit « on sait ce qu’elle va dire là-dessus, on connait les théories écologistes ».

Je pense que l’aberration est venue de François Hollande, lors de l’accord PS-EELV, lorsqu’il a signé un accord et enlevé une phrase parce qu’elle ne plaisait pas à Areva. Ce n’était pas malin : c’était évident que les Verts ne la laisseraient pas passer (elle portait sur l’EPR). Négocier un accord de gouvernement sur les législatives alors qu’on est en campagne présidentielle pose un vrai problème. En l’occurrence les écologistes ne peuvent plus faire campagne et défendre leurs propositions, ou elles seront en contradiction avec cet accord.

Pour ma part je pense que les Verts ne devaient pas faire de campagne présidentielle, mais signer un accord de gouvernement. Nicolas Hulot l’avait merveilleusement compris en 2007, puisque tous les candidats ont signé son pacte, ou presque. Et il n’était pas candidat.

D’après vous, la campagne des Verts a donc été plombée avant même d’avoir commencé, du fait de ce tiraillement. Quel regard portez-vous alors sur la campagne d’Eva Joly et des Verts actuellement ?

Je ne suis pas au parti EELV. Mais je pense qu’Eva Joly ne pouvait pas être performante. En revanche je ne lui taperai pas dessus sur sa proposition de jours fériés pour le Yom Kippour et l’Aïd-el-Kebir. La classe politique, dans son ensemble, réagit avec hypocrisie là-dessus. Toutes les fêtes de notre république sont chrétiennes. Qu’il y ait un jour ou deux dédiés aux fêtes d’autres religions n’est pas contraire à la laïcité. Ces propositions méritent de lancer un vrai débat sur la laïcité…

Comment alors analyser l’avenir de la campagne écologiste, puisque selon vous elle n’a pas lieu d’être ?

Je suis minoritaire au sein des Verts sur cette idée. Mais ils n’ont pas compris qu’ils sont en train de ne pas exister précisément à cause de cette campagne. Ils pensent l’inverse mais ils se trompent. Le vrai combat est parlementaire : c’est la forme de démocratie que je trouve la plus adéquate. En tout cas ce n’est pas en étant candidat qu’on apparaîtra plus visiblement au scrutin présidentiel.

En l’occurrence les Verts sont déjà en campagne. A partir de là, pensez-vous que c’est Eva Joly la plus à même de porter la voix écologiste ?

Les Verts, quels qu’ils soient, n’ont jamais été très glorieux aux présidentielles. Le meilleur score était Noël Mamère, avec un score avoisinant les 5 %... En revanche les élections européennes, régionales…, sont bien plus utiles pour l’écologie politique.

Il est évident qu’Eva Joly a été poussée par ses conseillers à faire campagne face au Front national, dans les classes ouvrières.  Mais ce n’est pas l’écologie qui peut capter des voix ouvrières ! Il n’y a pas de candidat vert possible.

Au demeurant certaines propositions d’Eva Joly ne me déplaisent pas. Je suis un anti-identitaire total. L’identité nationale n’existe pas. Né de parents allemands, élevé en France, ayant un passeport burkinabé, je n’ai pas une identité. Le combat contre l’identité sera un jour au centre de la présidentielle. Une lutte contre l’identité en général, qu’elle soit masculine, féminine, religieuse, homosexuelle, hétérosexuelle… « Nous sommes faits de multiples identités, quiconque en met une avant amène le début de la violence » disait le prix Nobel d’économie Amartya Sen. Je ne peux donc que soutenir Eva Joly sur ce point.

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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