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Les surprenantes et récurrentes violations par l’Etat du droit de la concurrence
©Reuters

Sans gêne

A plusieurs reprises, l'Etat s'est démarqué par sa capacité à passer outre le droit de la concurrence, privilégiant certaines entreprises sans passer par le traditionnel appel d'offres. Dernier exemple en date : la protection sociale complémentaire.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les fonctionnaires connaissent très mal le droit de la concurrence, ce n’est pas une nouveauté. De là à soutenir nommément telle ou telle entreprise sans le moindre appel d’offres, on peut quand même se poser quelques questions. C’est pourtant ce "vote fléché" ou, disons, cette très forte recommandation, que des fonctionnaires de l’Etat ont eu la surprise de découvrir dans leur boîte mail cette semaine.

Le message était le suivant:

L’information concerne le sujet délicat de la protection sociale complémentaire, souvent réduit à la question des "mutuelles".

Rappelons que le secteur privé a fait l’objet d’une mesure spécifique par la loi du 14 juin 2013, généralisant la complémentaire santé d’entreprise à tous les salariés. À cette époque, la question s’était posée de savoir si chaque entreprise devait disposer de la liberté de choisir son assureur, complémentaire ou non. Le Conseil constitutionnel avait tranché la question par sa décision du 13 juin. Il avait alors considéré que les "désignations", c’est-à-dire le choix d’un assureur au niveau de la branche professionnelle, constituait une violation de la liberté d’entreprendre.

Dans le secteur public, la situation est différente. Le gouvernement n’a pas imposé de généralisation comme dans le secteur privé, conscient du coût que cela représenterait pour les employeurs publics (une fois de plus, la question de la compétitivité des entreprises a été passée sous silence). En revanche, la vieille habitude de "faire affaire" avec une mutuelle du service public est devenue un véritable problème. Sous le coup du droit de la concurrence et des principes communautaires, ces liens automatiques sont battus en brèche.

Mais les vieilles habitudes ont la vie dure, on l’a compris, en dehors de toute procédure, et en violation totale des principes fondamentaux d’impartialité de l’Etat, l’autorité administrative en région mène campagne auprès des agents en faveur de la MFP. Celle-ci fait partie de la galaxie des mutuelles de la fonction publique qui bénéficient d’avantages de fait contraires au droit de la concurrence. Celles-ci agissent pourant sur un marché extrêmement concurrentiel.

La ministre Girardin et le droit de la concurrence

On notera au passage que la MFP se revendique du soutien de la ministre de la Fonction publique elle-même. Cette précision ne manquera pas de faire sourire les connaisseurs du secteur.

Sur le fond, la MFP n’envoie pas forcément un excellent signal sur sa situation interne en agissant de façon aussi peu concurrentielle. Au lieu de chercher de nouveaux clients, elle préfère manifestement consacrer des moyens dans du lobbying auprès de la hiérarchie administrative dont on peut se demander quel sera le retour sur investissement…

Il est en tout cas encore loin le moment où les services de l’Etat intégreront les principes du droit applicable à l’économie, et où ils s’abstrairont de considérations "morales" pour favoriser des acteurs avec lesquels les conflits d’intérêt sont de moins en moins justifiables au regard de l’intérêt général.

Cet article a été initialement publié sur le blog d'Eric Verhaeghe

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