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Christian Troadec, des Bonnets rouges à la candidature à la présidentielle : ce que lui promettent ses résultats aux Régionales
©Reuters

Et un nouveau dans la course !

L'ancien porte-parole des Bonnets rouges, Christian Troadec, a annoncé ce vendredi sa candidature à l'élection présidentielle. Voilà maintenant plusieurs années que cette personnalité s'est inscrite dans le paysage politique breton, enregistrant des scores significatifs aux dernières élections régionales et européennes.

Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach pour la Fondapol

Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach pour la Fondapol

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

Sylvain Manternach travaille au département Opinion de l'Ifop.

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La Bretagne, elle, n’était pas concernée par la réforme territoriale alors même que les régionalistes bretons réclament de longue date le rattachement de la Loire-Atlantique à leur région. Le vote régionaliste, qui s’appuie sur des élus à l’implantation locale forte, n’en est pas moins puissant après avoir su se greffer sur le mouvement social des Bonnets rouges de l’automne 2013. Alors même que ces élections régionales 2015 ont confirmé la tripolarisation de l’espace politique et que le Parti socialiste, la droite unie et le Front national arrivent en tête dans l’immense majorité des communes, dans l’Ouest de la France, le Centre Bretagne se distingue en portant en tête au 1er tour la liste "Oui la Bretagne" emmenée par Christian Troadec.

Cette particularité n’est toutefois pas une surprise. Déjà, lors des européennes de 2014, la liste "Nous te ferons Europe", menée par le même Christian Troadec faisait de ce territoire une exception française. Il s’agissait du prolongement électoral du mouvement social des Bonnets rouges, constitué autour de l’opposition frontale au gouvernement sur l’instauration de l’écotaxe de l’automne 2013 en Bretagne et opportunément pris en main par Christian Troadec, leader régionaliste incontournable du Centre Bretagne et porte-parole du Mouvement Bretagne et Progrès (MBP). Comme le rappellent Barbara Loyer et Bertrand Guyader , la charte d’adhésion au Mouvement Bretagne et Progrès indique qu’il s’agit d’un "mouvement politique qui rassemble des femmes et des hommes qui ont pour ambition d’aboutir à l’émancipation politique, économique, culturelle et sociale de la Bretagne". Lors des états généraux des Bonnets rouges, le 8 mars 2014, des doléances aussi éloignées de la crise de l’écotaxe que l’officialisation de la langue bretonne, le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne ou encore la création d’un parlement breton sur le modèle de l’Écosse ou de la Catalogne furent présentées par les comités locaux. Pour la fermeture de ces états généraux, c’est André Lavanant, qui dirigea le chant de l’hymne breton. Cet ancien président de Diwan (réseau d’écoles en langue bretonne) est le secrétaire général de l’association Mouvement Bretagne et Progrès dont Christian Troadec est le porte-parole. Mais ce dernier cumule les casquettes.

Maire de Carhaix-Plouguer depuis 2001, après avoir cofondé le festival des Vieilles Charrues dans la commune en 1992, il a été élu conseiller régional en 2004 sur une liste écolo-régionaliste menée par Les Verts et l’Union démocratique bretonne (UDB). En 2008, il prend la tête de la mobilisation pour le maintien de la maternité de Carhaix et sera élu conseiller général du canton de Carhaix-Plouguer en 2011, en même temps que Christian Derrien, autre leader du MBP, dans le canton voisin de Gourin, dans le Morbihan. Mais Christian Troadec a surtout mené dès 2010 une liste de gauche alternative et régionaliste "Nous te ferons Bretagne". L’intitulé de cette liste renvoie à des vers d’une chanson de Xavier Grall, écrivain nationaliste breton, et "Nous te ferons Europe" en sera la déclinaison à l’échelle européenne pour les élections de 2014. Aussi le bilan du 1er tour des élections régionales du vote "Oui la Bretagne" peut-il se lire à l’aune de ces deux précédents européens et régionaux. En pourcentage des suffrages exprimés sur l’ensemble de la Bretagne, le gain de 2,9 points enregistré entre les régionales de 2010 et les européennes de 2014 (soit quelques mois après le mouvement d’opposition à l’écotaxe) est quasiment intégralement conservé en décembre 2015, puisqu’avec une perte marginale de 0,5 point ; c’est donc encore un gain de 2,4 points qu’enregistre le Mouvement Bretagne et Progrès entre les régionales de 2010 et celles de 2015.

Cette progression par rapport aux précédentes élections régionales a permis à la liste "Oui la Bretagne", également soutenue par l’UDB, de finir à une quatrième place régionale, juste devant Europe Écologie-Les Verts (avec 6,7% des suffrages exprimés pour chacune des listes, mais avec une avance de 211 voix pour les régionalistes bretons). Sur la période 2010-2014-2015, la progression en voix est même continue, puisque la liste Troadec passent de 47 109 voix en 2010 à 75 888 voix en 2014, soit une évolution de + 61,1%, puis à 80 932 voix en 2015, la légère baisse du score en pourcentage des suffrages exprimés (de 0,5 point) est donc provoquée par la plus forte mobilisation électorale en Bretagne lors de ces élections de fin d’année 2015. C’est dans le département du Finistère, où se trouve la commune de Carhaix Plouguer, que la progression est la plus importante, ce qui permet à la liste Troadec de dépasser les 10% des suffrages exprimés dans ce département lors des européennes de 2014 (11,5% des suffrages exprimés, contre 6,8% en 2010) et des régionales 2015 (10,6% des suffrages exprimés). Viennent ensuite les départements des Côtes-d’Armor et du Morbihan, dans cet ordre inchangé de 2010 à 2015. Et non seulement l’ordre est le même, mais la très forte "logique de fief" identifiée lors des élections européennes de 2014 n’a été en fait que la reproduction accentuée du vote de 2010. Comme le montre le graphique 4, le vote Troadec atteint ainsi son maximum à Carhaix-Plouguer (44,8% des suffrages exprimés en 2015 dans cette commune dont il est maire) et à proximité immédiate de la commune, pour décroître progressivement à mesure de l’éloignement de cet épicentre politique : 37,4% à moins de 5 kilomètres puis 29,7% dans un rayon de 5 à 15 kilomètres, ce score ne tombant sous la barre symbolique des 10% qu’une fois atteint les 40 kilomètres, comme en 2014, pour finir à moins de 5% au-delà de 80 kilomètres de distance. Ce phénomène très marqué est identique depuis 2010 et le vote Troadec est antérieur au "vote Bonnets rouges" et l’a profondément structuré. Néanmoins, l’observation attentive des données de ce graphique montre aussi que le vote Troadec a su profiter du mouvement des Bonnets rouges pour élargir son audience puisque, s’il réalise un score quasi identique à celui de 2010 à proximité immédiate de Carhaix-Plouguer (37,4% en 2015, contre 36,2% en 2010, après une pointe à 40,4% en 2014 dans la zone des 5 kilomètres), la progression est nettement plus forte lorsque l’on s’éloigne de Carhaix-Plouguer : + 5,8 points entre 5 et 15 kilomètres, + 4,6 points entre 15 et 25 kilomètres…

Si l’on met en regard la carte du vote Troadec en 2015 et celle des destructions de portiques écotaxe (actions ayant symbolisé ce mouvement des Bonnets rouges), on constate que ce vote s’est parfaitement inscrit dans ce territoire qui a constitué l’épicentre du mouvement des Bonnets rouges, qui n’a pas pris avec la même ampleur partout en Bretagne. Occuper cet espace de contestation, qui correspond au Centre Bretagne, a permis à Christian Troadec de sortir de son aire d’influence personnelle. La présence d’élus locaux – des maires principalement – sur la liste "Oui la Bretagne" a aussi participé localement à la propagation de ce vote à distance de Carhaix-Plouguer. La carte du vote "Oui la Bretagne" est sans appel quant à la mise en évidence de l’impact électoral de tous ces ralliements de notables locaux : quels que soient le département breton et la distance à Carhaix-Plouguer, la présence d’un maire sur la liste a entraîné une nette mobilisation en faveur de la liste régionaliste. À Langoëlan et Locmélar, grâce aux renforts des maires Yann Jondot et Pierre-Yves Le Moal, les scores de la liste "Oui la Bretagne" se sont établis à 40,7% et 40,5%, soit 28,6 et 28,4 points de plus que l’ensemble des communes situées à la même distance de Carhaix-Plouguer (entre 25 et 40 kilomètres). Un peu plus loin de Carhaix-Plouguer, dans la strate des villes situées entre 40 et 60 kilomètres, les maires de Plonévez-Porzay (Paul Divanac’h) et de Ploumagoar (Bernard Hamon) ont entraîné avec eux de nombreux électeurs, permettant à la liste d’atteindre 30,5 et 23% dans leurs communes, pour un gain respectif de 22,1 et 14,6 points par rapport aux scores moyens à cette distance de Carhaix-Plouguer. Même à plus de 80 kilomètres de Carhaix-Plouguer, au-delà de la limite historique du parler breton, les maires d’Évran, Langouet ou Lassy ont porté le vote Troadec dans leurs communes : alors qu’à cette distance ce vote n’est plus en moyenne que de 4%, il atteint 22,5% à Évran, 15,1% à Langouet et 9,2% à Lassy. 

De leur côté, Christian Troadec et Christian Derrien, deux des principaux leaders du Mouvement Bretagne et Progrès et des Bonnets rouges, ont su capitaliser sur l’élan de la mobilisation de 2013-2014 afin de se faire élire ou réélire conseillers départementaux lors des élections départementales de 2015. Et si la non-qualification pour le 2e tour des régionales 2015 et l’absence d’accord de fusion avec les listes socialistes n’ont pas permis aux régionalistes du MBP et de l’UDB de se faire élire au conseil régional, l’emprise du Mouvement Bretagne et Progrès sur ce territoire se trouve confirmée et renforcée.

Ce passage est extrait du rapport de la Fondapol "Régionales 2015 (2) : Les partis contestés, mais pas concurrencés", rédigé par Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach. 

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