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Pluie de dollars sur Sanders : mais qu'est-ce qui fait encore courir Bernie alors que la bataille est déjà quasi perdue ?
©Pixabay

Elections américaines

Malgré ses derniers succès électoraux face à Hillary Clinton, les chances pour Bernie Sanders de remporter l'investiture démocrate sont quasi-nulle. Pourtant, les bailleurs de fonds continuent à investir massivement dans sa campagne, sentant que l'action politique de Bernie Sanders va bien au-delà de la présidentielle de 2017.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Bernie Sanders a récolté la bagatelle de 44 millions de dollars au mois de mars ! Deux millions de plus qu’en février. Et un record pour le candidat démocrate. En avril, la campagne vise les 45 millions de dollars,  voire les 50 !

D’où une question évidente : comment un candidat qui n’a plus aucune chance d’emporter la nomination de son parti – ce qui est le cas de Bernie Sanders, sauf incident ou accident majeur - peut-il ainsi convaincre les bailleurs de fonds ? Parier est une chose. Mais parier à mi-course sur le cheval qui a six longueurs de retard et une plus petite foulée que le cheval de tête en est une autre… Soit ces bailleurs de fonds savent quelque chose que nous, communs des mortels ignorons. Soit ils ont autre chose en tête que la nomination…

Et c’est bien la seule question qui vaille côté démocrate. Qu’est-ce qui fait courir Bernie ? Que veut-il donc accomplir en poursuivant sa campagne ? Certes, le vieil original est sympathique. Avec ses grosses lunettes, son crâne dégarni et sa couronne de cheveux blancs, il ressemble à un professeur sorti des albums de Tintin, mais il en faut un peu plus pour poursuivre une campagne présidentielle dont on sait qu’elle n’aboutira pas à la nomination.

Il ne manque  plus que six cent délégués à Hillary Clinton pour justement emporter cette nomination. Alors qu’il en faut mille trois cents à Bernie Sanders. Les trois plus grosses batailles à venir concernent New-York, la Californie et la Pennsylvanie, trois Etats riches en délégués où Hillary est en tête des sondages avec entre cinq et quinze points d’avance. Si elle les remporte, la nomination lui sera acquise.

Néanmoins, Bernie continue de batailler et d’affirmer qu’une victoire finale est  possible. Pourquoi ? Réponse, parce qu’il est engagé dans bien plus qu’une campagne présidentielle. Bernie Sanders se voit à la tête d’une croisade. Une croisade pour changer l’Amérique. C’est le but de toute sa vie et de tout son engagement politique. Depuis un demi-siècle. D’ailleurs il le répète dans tous ses meetings : " une révolution politique ne se limite à glisser un bulletin dans l’urne. Une révolution politique est un combat de tous les jours pour changer le pays, et notre façon d’agir. " Ses supporters l’ont aussi compris et continuent de le soutenir financièrement.

Bernie Sanders conçoit la campagne présidentielle comme un phénoménal tremplin pour " sa " révolution politique. Il veut lancer un mouvement et il sait que les circonstances actuelles lui offrent une occasion inespérée et qui ne se reproduira pas.

A 75 ans bientôt, Sanders sait que cette campagne présidentielle est probablement la seule qu’il mènera. En 2020, il sera alors trop âgé pour être un candidat crédible. 2016 est donc sa seule chance de se faire entendre. Et comme sa popularité représente un formidable mégaphone, il entend l’exploiter au maximum.

Au cours des dernières semaines, son discours s’est d’ailleurs radicalisé. Il ne parle plus seulement du salaire minimum, qu’il entend doubler et porter à 15 dollars, ni de l’assurance sante qu’il veut généraliser et rendre gratuite, ni des universités qu’il veut aussi ouvrir à tous sans frais :  il a pris pour cible les banques, affirmant qu’il veut " briser " celles qui sont trop puissantes, comme Goldman Sachs ou JP Morgan. Wall Street et la Finance ont toujours été sa cible favorite et ses boucs émissaires préférés pour les maux de l’Amérique. Mais il n’était jamais allé aussi loin dans ses attaques. Il  affirme désormais que s’il est élu, il démantèlera ces établissements bancaires, comme à une autre époque d’autres grands trusts – de la Standard Oil à ATT - ont été démantelés par le pouvoir politique.

Bref, Sanders essaye de convaincre son auditoire qu’un autre monde est possible et il leur indique comment procéder pour qu’ils poursuivent la tâche sans lui ou après lui. Plus encore que le nombre de délégués qu’il remporte à chaque primaire – et il vient de remporter les six dernières (Idaho, Utah, Hawaïi, Alaska, Washington et le Wisconsin, mardi 5 avril) – ce sont les chiffres de la participation qui l’intéressent. Sanders mène une campagne de mobilisation. " Il faut que des millions de gens s’engagent et prennent part au processus politique, " ne cesse-t-il de souligner.

Pour Sanders, cette seule mobilisation populaire justifie qu’il se maintienne dans la course. Son succès est inespéré. Il dispose d’un capital unique – au sens propre et figuré – et il n’a pas l’intention de le gaspiller. Il lui suffit de regarder derrière lui pour contempler l’immense chemin parcouru.

Depuis sa toute première campagne en 1961 – c’était pour les droits civiques des Noirs – Bernie Sanders n’a jamais cessé de courir. Mais pendant vingt ans, il n’a collectionné que les défaites, certaines cinglantes. En 1974 pour sa première campagne sénatoriale, il avait obtenu 4% des suffrages. Parvenu jusqu’au Sénat, il dut composer avec le fait de n’être écouté de personne. En 1990, il prononça un discours fleuve contre la guerre du Golfe qui se préparait, devant un hémicycle entièrement vide ! Son discours a été ressorti des archives pour les besoins de sa campagne présidentielle. Sanders s’exprime avec sa fouge habituelle devant des bancs totalement déserts.

Aujourd’hui, c’est par dizaines de milliers que les Américains, surtout des jeunes, viennent l’écouter. Sanders goûte à la fois son plaisir et sa chance. Non seulement son message est entendu, mais il sait qu’il y a dans cet auditoire des dizaines d’hommes et de femmes qui répandront ce message après lui. La campagne présidentielle est une occasion unique pour lui de se faire entendre et de laisser un héritage.

Par ses discours et ses prise de positions, il est par ailleurs en mesure de faire déjà changer les choses. Attaquant Hillary Clinton sur sa gauche, il a réussi à la faire évoluer vers ses propres positions. Car l’ex-Première dame a bien compris que le succès de Sanders était en grande partie dû à la frustration d’une partie de l’électorat. Au sentiment que le système –dont elle est la personnification – ne fonctionnait plus pour eux. Du coup, elle aussi a radicalisé son discours, notamment sur le commerce international et les accords de libre-échange qu’elle rejette désormais après les avoirs soutenus pendant vingt ans. 

Le magazine de gauche américain Mother Jones – qui a pris fait et cause pour Sanders – rapporte que dans les années 1970, du temps où personne ne l’écoutait, Sanders se réveillait chaque matin en se disant : " je ne suis pas fou ! ". Comme pour se convaincre que son combat était le bon. Non seulement, il sait désormais qu’il n’était pas, mais il est de plus en plus convaincu qu’il a peut-être toujours eu raison. 

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