Marine Le Pen : comme l'UMP ou le PS, "François Bayrou a soutenu toutes les politiques qui nous ont menés à la crise"<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen : "Je ne crois plus au clivage gauche/droite. C’est un truc de ringard ! C’est dépassé."
Marine Le Pen : "Je ne crois plus au clivage gauche/droite. C’est un truc de ringard ! C’est dépassé."
©Reuters

MODUMPS

La candidate du FN, qui a présenté le chiffrage de son programme ce jeudi, a bien vu le danger François Bayrou surgir dans les sondages. Interview sur son programme économique, ses difficultés à obtenir les 500 signatures et sa vision de la crise.

Marine Le Pen

Marine Le Pen

Marine Le Pen est la présidente du Front national. Elle a été candidate de son parti à l'élection présidentielle 2012.

 

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Atlantico : Vous avez présenté ce jeudi le chiffrage de votre programme pour la présidentielle. Vous aviez déjà exposé au printemps dernier votre programme économique. Pourquoi le refaire aujourd’hui ?

 Marine Le Pen : Il ne s’agit pas d’un programme économique. C’est un plan de désendettement de la France. J’avais promis un chiffrage, je l’ai présenté ce jeudi matin, avec les mesures et le chiffrage qu’on accorde à chacune de ces mesures. C’est une question de transparence.

Au Front national, nous avons un candidat, un projet, un chiffrage. En face de nous, nous avons, côté UMP, pas de candidat, pas de projet, pas de chiffrage, et côté PS, un candidat certes, mais sans projet, ni chiffrage.

Quels sont les experts qui ont travaillé avec vous sur ce projet ?

On travaille avec des hauts fonctionnaires, des professeurs d’université comme Jean-Richard Sulzer, professeur de gestion à Paris-Dauphine ou le professeur Gilles Le Breton de l’Université du Havre. Le pôle économique du FN est constitué depuis deux ans maintenant par une série de personnalités qui ont une expertise très juste puisque nous avons été les seuls responsables politiques à prévoir dès juin 2008, dans une conférence de presse, la crise de 2008 et surtout à prévoir l'effondrement de la zone euro au moment où chacun nous expliquait que la crise était derrière nous.

NDLR : pour voir comment Jean-Marie Le Pen annonçait la crise de 2008 le 24 juin 2008, lire cette vidéo.


Jean-Marie Le Pen - Conférence sur l'Europe (24/06/2008)

Certains des experts qui travaillent à vos côtés restent anonymes. Pourquoi ?

Tout simplement parce que nous ne sommes pas aujourd’hui en France dans un pays démocratique. Si demain un haut fonctionnaire de Bercy expliquait qu’il travaille avec moi pendant ses week-ends et ses heures perdues, je pense qu’il serait immédiatement mis au placard, avec la serpillère !

C’est donc difficile pour vous de les recruter…

Ah non, on en a ! Mais ils ne travaillent pas de manière publique. Ce n’est pas très grave, l’important reste le résultat de leur travail.  

Par ailleurs, nous nous sommes intéressés aux travaux d’un certain nombre d’économistes qui recoupaient nos analyses comme Messieurs Alain Cotta, Jean-Jacques Rosa, Gérard Lafait ou Jacques Sapir.

Quand vous citez des économistes de gauche comme Jacques Sapir…

Mais je ne crois plus au clivage gauche/droite. C’est un truc de ringard ! C’est dépassé. C’est éculé. Ca n’a plus de sens. Aujourd’hui, nous ne sommes plus confrontés à un choix de gauche ou de droite : les deux disent la même chose. La vraie question consiste à trancher entre le modèle économique ultra-libéral, libre-échangiste et fédéraliste qui est défendu par le Modem comme par l’UMP ou le PS et un choix national de protectionnisme et de patriotisme économique qui est le choix que le Front national défend avec un retour à la souveraineté monétaire. Sur ce choix là, il est vrai qu’un certain nombre de personnalités de gauche, conscients des dérives du modèle ultra-libéral, se retrouve sur les propositions qui sont les miennes.

Le FN défendait le libéralisme au milieu des années 1980. Jean-Marie Le Pen se posait en « Reagan français » et défendait les mêmes idées que l’ancien président américain. Expliquez nous comment le FN a évolué de ce libéralisme très critique vis-à-vis de l’Etat providence à vos propositions économiques actuelles où vous insistez largement sur le rôle que doit jouer la puissance publique ?

Le contexte a changé. L’ultra-libéralisme, c’est-à-dire la disparition des frontières, a complètement changé la donne. Nous sommes partisans de défendre la liberté économique dans un État qui dispose de frontières qu’il régule et qui est en même temps arbitre et stratège. Nous ne sommes pas pour une économie communiste ou dirigée. Mais l’ouverture rapide, totale et sans régulation des frontières représente un changement majeur.

Jean-Marie Le Pen, interviewé en 1980

Vous ne considérez pas que « l’ ultra-libéralisme » que vous dénoncez aujourd'hui trouve sa source dans les idées de Ronald Reagan que défendait à l’époque Jean-Marie Le Pen ?

« A l’époque », c’était à l’époque ! Je vous signale tout de même que l’ultra-libéralisme a commencé à être mis en œuvre non pas par la droite, mais par la gauche qui a initié les premières privatisations. La confusion entre les banques de dépôt et les banques d’affaires, le Traité de Maastricht qui transmettait la souveraineté monétaire de la France, c’est la Gauche.

Vous voyez d’ailleurs bien que la gauche et la droite défendent la même idéologie depuis maintenant trente ans.

Et quand Jean-Marie Le Pen affirme aujourd'hui que le FN devrait revenir à ses fondamentaux (sécurité, immigration) plutôt que de mettre l’accent sur les questions économiques et sociales comme vous le faites, que lui répondez-vous ?

Je n’ai rien à lui répondre. D’une part, car je n’oublie pas les fondamentaux. D’autre part, car Jean-Marie Le Pen m’a toujours rendu grâce d’avoir dès 2002, travaillé et mis en avant ces thématiques économiques et sociales. Il faut replacer cela dans le contexte de la spirale économique dans laquelle nous ont enfermé l’UMP et le PS.

C’est l’un des thèmes que j’aborde dans mon livre « Pour que vive la France » qui devrait sortir lors de la première quinzaine de février.

Aujourd’hui, pour le FN, la priorité c’est l’économie, pas la sécurité ?

Bien sûr ! Si vous n’avez pas de souveraineté, comment voulez-vous faire appliquer la sécurité ?

Vous parlez de souveraineté monétaire ?

Oui, si on ne dispose pas de souveraineté monétaire, comment empêche-t-on l’immigration qui pèse à la baisse sur les salaires ? Comment sort-on de l’endettement ? Effectivement, la souveraineté monétaire est le nœud gordien de toute politique publique aujourd’hui.

D’un point de vue politique, comment faites-vous pour arbitrer entre les classes populaires qui vous suivent largement lorsque vous exprimez votre volonté de sortir de l’euro et les personnes âgées que cela ne séduit guère ? Il s’agit là de deux parties de la population susceptibles de voter pour vous et dont vous auriez besoin.

Je n’arbitre pas. Je ne me détermine pas en fonction de ce qui plaît et de ce qui ne plaît pas en fonction de tel ou tel électorat. Je ne suis pas de l’UMP ou du PS moi.

Vous faites tout de même de la politique, ce n’est pas anormal de s’intéresser aux aspirations différentes des Français…

Moi, j’arrive à convaincre. Je pense que si une partie importante des Français a aujourd’hui compris que l’euro était un handicap majeur, c’est justement parce que nous nous sommes battus pour le leur expliquer au moment où personne ne voulait rentrer dans ce débat, où face à mes arguments je n’avais que des incantations ou des insultes.

Si vous évoquez un peu moins la sortie de l’euro ces derniers temps, c’est justement pour ne pas vous couper d’une partie de votre électorat ?

Pas du tout. J’en parle à chacun de mes meetings et de mes interventions. L’euro va mourir. Il est donc irresponsable de ne pas préparer la sortie de l’euro. La Banque centrale suisse la prépare, la Grande-Bretagne aussi, des marques comme Adidas également. 

Vous avez des éléments précis à ce sujet ?

Oui, un article du Monde extrêmement précis. La France ne prépare pas ce scénario. On va subir ce cataclysme économique et financier. Pendant ce temps là, on discute du sexe des anges, on se traite de « sale mec », de « pauvre con »… Gouverner c’est prévoir. Et ne pas prévoir lorsqu’on est à la tête d’un État, c’est être criminel.

Ce jeudi, vous avez chiffré le coût de la sortie de l’euro à 200 milliards d’euros sur cinq ans. Une telle mesure ne risque-t-elle pas de plonger la France dans une situation économique très compliquée avec les niveaux d'endettement qui sont déjà les nôtres ?

Je prône une sortie de l’euro organisée, concertée et préparée. L’UMP et le PS nous expliquent qu’ils arrivent à 0% de déficit en 2016 pour l’un, 2017 pour l’autre. Cela correspond à 120 milliards d’économie par an, soit le saccage social absolu. J’ai chiffré la sortie de l’euro. J’aimerais aussi que les autres partis chiffrent leur maintien dans la zone euro. On peut le chiffrer : c’est la part correspondant à la France dans les fonds d'aide européen MESF et MEF.

Vous avez également proposé jeudi de taxer les importations à hauteur de 3%. La législation européenne ne le permet pas aujourd’hui…

La législation européenne ne le permet pas aujourd’hui mais il existe un article européen qui considère que lorsqu’il y a atteinte aux intérêts vitaux d’un pays, on peut sortir d’une contrainte européenne. Je sortirai de cette contrainte européenne. Je ne laisserai pas mourir mon pays sous prétexte que des fous et des incompétents ont créé des traités qui ont fait de nous le continent qui a vu le chômage exploser le plus vite, la croissance la plus molle du monde depuis dix ans, l’effondrement industriel le plus marqué.

L’utopie des traités européens, d’accord, mais je pense avant tout au pragmatisme de la survie économique et sociale de notre pays. 

Vous ne craignez pas une réplique de nos partenaires si vous taxez les importations ?

Mais les États-Unis, le Canada, la Chine, ont déjà des droits de douane et des quotas d’importation. Nous ne ferions en réalité qu’appliquer la réciproque. Ce ne serait donc qu’une mesure de justice.

Vous proposez d’augmenter de 200 euros nets les salaires allant jusqu’à 1,4 fois le smic. L’Institut de l’Entreprise a chiffré cette mesure à 20 milliards d’euros…

Ils se trompent. Ce n’est pas 20 milliards.  On a fait le calcul avec les derniers chiffres des salaires allant jusqu’à 1,4 fois le smic, en appliquant le retour de TVA et on arrive à 11 milliards (NDLR : cliquez ici pour voir le chiffrage réalisé par l’Institut de l’Entreprise).

Qu’en est-il des signatures de parrainage pour votre campagne ? Vous avez évoqué moins de 300 signatures recueillies. Est-ce la réalité ou un coup de bluff ?

J’ai lancé un appel solennel. Je n’ai pas pour habitude de dire n’importe quoi aux Français. Je suis très loin du compte.

Si vous éprouvez des difficultés à recueillir 500 signatures d’élus pour être candidate. Comment comptez-vous gouverner une fois élue ? Seule ?

Le parrainage n’est pas un vote. Si vous faisiez un sondage au près des maires de petites communes qui votent pour moi vous seriez étonnés. Le problème ne se pose pas en termes d’adhésion aux idées.

Les maires ont été obligés de rentrer dans des communautés de communes ou d’agglomération, ils ont peur de devoir subir des pressions s’ils m’accordaient leur vote.

Si vous êtes élue, vous serez la première femme président de la République. Êtes-vous féministe ?

Je pense que la situation des femmes régresse pour des raisons de violence économique et sociale. C’est aussi pour cela que je propose la mise en place du revenu parental. Les femmes se sont beaucoup battues pour travailler et je suis la première à me réjouir de pouvoir en bénéficier. Le problème est qu’aujourd’hui elles n’ont plus la possibilité de ne pas travailler.

Le terme « féministe » ne me choque pas outre mesure, mais il faut faire attention avec ce mot, car il consisterait à dire que le sens de mon action vise uniquement à l’amélioration de la condition des femmes. Or, je vise tous les Français, hommes ou femmes. 

Jean-Marie Le Pen faisait souvent des pronostics avant une élection présidentielle. Quel est le votre pour le second tour de 2012 ?

Je ne fais pas de pronostic, je préfère laisser se dérouler la primaire mondialiste entre Nicolas Sarkozy et François Hollande…

La perspective évoquée récemment par Jacques Attali ou Dominique Paillé d'un second tour Marine Le Pen/François Bayrou, vous y croyez ?

Je ne sais pas. En tout cas, je ne crois pas que François Bayrou ait une responsabilité atténuée dans le modèle économique et politique qui existe aujourd’hui : il a soutenu tous les traités, toute la construction européenne, le fédéralisme ou la monnaie unique.

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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