"En fermant le détroit d'Ormuz, l'Iran se tirerait une balle dans le pied"<!-- --> | Atlantico.fr
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Sous-marin iranien, dans la mer d'Oman, près du détroit d'Ormuz.
Sous-marin iranien, dans la mer d'Oman, près du détroit d'Ormuz.
©Reuters

De l'eau dans le gaz ?

Après l'attentat commis contre un spécialiste du nucléaire iranien, Téhéran a menacé d'utiliser «toute la force» de sa marine contre les navires américains dans le Golfe. Déjà, lors de manœuvres navales le mois dernier, la République islamique avait menacé de fermer le détroit d'Ormuz, voie maritime stratégique par où transite plus d'un tiers du pétrole mondial. Mais l'Iran peut-il et a-t-il intérêt à fermer le détroit d'Ormuz ?

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : Quarante-huit heures après l'attentat commis contre un spécialiste du nucléaire iranien, Téhéran a menacé d'utiliser «toute la force» de sa marine contre les navires américains dans le Golfe.  Déjà, lors de manœuvres navales le mois dernier, la République islamique avait menacé de fermer le détroit d'Ormuz, voie maritime stratégique par où transite plus d'un tiers du pétrole mondial. La tension, loin de s'apaiser, continue d'augmenter. L'Iran peut-il -militairement - rendre le détroit d’Ormuz inaccessible ?

François Géré : L’Iran peut difficilement fermer complètement le détroit d’Ormuz. Quand on regarde l’étroitesse du détroit entre la pointe d’Oman au sud, la ville de Bandar Abbas et les îles iraniennes au nord, il est possible de créer de nombreuses perturbations. L’Iran l’a déjà fait en 1986-1987 lorsque le pouvoir avait décidé de fermer le détroit.

On dénombrait deux tactiques. D’une part, le mouillage de mines qui est très facile à réaliser et extrêmement gênant. D’autre part la menace de missiles sol/mer chinois. Ces moyens ont été entre-temps considérablement améliorés. S'il n’est pas possible pour les Iraniens de bloquer totalement le détroit, il est possible de créer une gêne énorme qui ralentirait considérablement le trafic et qui exigerait, en particulier, que les différents navires venant des pays de la zone, soient escortés par la marine –obligatoirement – américaine.

Est-ce pour autant l’intérêt de l’Iran que de mettre ces menaces à exécution ? Ce blocage ne le bloquerait-il pas, lui aussi ?

C’est évidemment une arme à double tranchant. L’Iran serait obligé de ralentir considérablement son propre trafic, ce qui reviendrait à se tirer une balle dans le pied. D’un autre côté, une mesure de ce genre provoquerait une augmentation considérable du prix des hydrocarbures. Ainsi, ce que les Iraniens perdraient d’un côté en ralentissant leurs exportations, serait récupéré par la hausse du prix général. En d’autres termes : dans le contexte de crise actuelle : personne n’a intérêt à se lancer dans une opération de ce genre : ni les Iraniens ni les Américains.

D’autant que les pays de la région ne souhaitent évidemment pas voir perturber leurs activités économiques. N’oublions pas non plus la Chine, l’Inde et le Japon. Autant de puissances pour lesquelles le blocus serait doublement pénalisant en termes d’approvisionnements énergétiques et en termes de hausse des prix des hydrocarbures.

Justement, tandis que le président Mahmoud Ahmadinejad était à Caracas pour rencontrer son homologue Hugo Chavez, peut-on penser que ces deux membres éminents de l’Opep, ouvertement anti-américains, puissent jouer la carte de l’escalade afin de faire monter le cours du pétrole ?

Nous ne devons surestimer ni la capacité d’Hugo Chavez ni le lien entre l’Iran et le Venezuela. Dans cette relation, il y a 90% de rhétorique et très très peu de capacité d’agir concrètement. Il est vrai qu’au niveau de l’Opep, il existe une alliance tactique qui existe depuis plusieurs années. Mais ca n’est pas véritablement significatif.

Enfin, la France dispose d’une base opportunément située à Abou Dhabi, à proximité du détroit d’Ormuz. Cela nous permettrait-il en cas de crise, d’agir rapidement ?

Oui, cela fait vingt ans – depuis 1991- que la France s’efforce d’établir une base dans cette région considérée comme stratégique. Cette base de 500 personnels est un point d’appui qui permettrait éventuellement l’intervention de la Marine française qui pourrait contribuer à faciliter la circulation dans le détroit d’Ormuz. Mais cette base –dont l’utilisation à des fins opérationnelles est soumise à un accord très stricte avec les autorités locales- constitue potentiellement une cible… Mais en arriver là signifierait s’engager complètement dans une guerre.

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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