Enceintes à 50 ans : les Janet Jackson ou les Margarita Louis-Dreyfus sont loin d’être des cas isolés et voilà ce que ça change pour leurs bébés… et pour nous<!-- --> | Atlantico.fr
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Janet Jackson qui, à 49 ans, est enceinte de son premier enfant.
Janet Jackson qui, à 49 ans, est enceinte de son premier enfant.
©Reuters

Vendanges tardives

Les grossesses tardives, c'est-à-dire le fait pour une femme de tomber enceinte après 43 ans, n'ont pas que des implications médicales. Les changements qu'elles occasionnent dans les familles et dans la vie quotidienne des enfants posent des questions de société importantes.

Gilles Grangé

Gilles Grangé

Gilles Grangé est gynécologue à la Maternité de Port-Royal à Paris. 

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Atlantico : De plus en plus de "stars" ont des enfants après 40 ans : Margarita Louis-Dreyfus qui a mis au monde des jumelles à 53 ans ou encore Janet Jackson qui, à 49 ans, est enceinte de son premier enfant. A partir de quel âge peut-on parler de grossesse tardive ? Quelles sont les éventuelles complications médicales et sociales provoquées par une telle grossesse pour la mère et pour l’enfant ? 

Gilles Grangé : Il y a plusieurs âges qui pourraient définir une grossesse tardive.

  • 38 ans est l’âge à partir duquel, historiquement, il a été identifié une accélération du risque d’anomalie du caryotype fœtal
  • 43 ans est l’âge à partir duquel il n’y a plus de prise en charge pour une procréation médicalement assistée. En effet la fertilité est si faible que les chances de succès sont jugées incompatibles avec un financement collectif.
  • 48-49 ans est l’âge à partir duquel la fertilité naturelle est devenue nulle. Il convient donc de faire appel à un accueil de gamète.
  • L’âge de 45 ans est considéré comme celui à partir duquel les risques maternels de la grossesse sont aggravés


L’accueil de gamète est un passage obligé à partir de 48 ans et parfois bien avant. Il consiste à prélever les ovules d’une femme jeune pour obtenir des gamètes c’est-à-dire des ovocytes qui vont former des embryons après avoir rencontré les spermatozoïdes.

Pour le nouveau-né les risques sont essentiellement liés à la prématurité qui peut être évalué à 5%, ce risque est encore augmenté en cas de grossesse multiple ou d’accueil de gamète. Il peut alors s’associé au risque de retard de croissance.

Pour la mère âgée le risque est essentiellement lié à l’hypertension artérielle ou la pré-éclampsie qui associe la présence de protéine dans les urines. Ce risque peut être estimé à 2-3% et est multiplié par plus de 4 en cas de grossesse multiple ou d’accueil de gamète.

Le taux de césarienne est lui aussi augmenté sans que l’on sache exactement pourquoi. L’hypothèse avancée est un vieillissement du muscle utérin devenu insuffisant pour projeter le nouveau-né dans notre monde ! La césarienne s’accompagne d’un risque accru d’hémorragie et de phlébite, il est donc préférable d’accoucher par voie naturelle même si beaucoup de patientes âgées pensent le contraire.

Socialement les questions ont une certaine gravité. Les patientes de plus de 48 ans ont recours à l’accueil d’ovocyte, les enjeux doivent donc aussi se discuter sur ce terrain. La France a inclus ces questions dans la loi de bioéthique et, après une discussion large, plurielle et nourrie elle a conclu que les techniques de procréation assistées devaient être réservées aux indications médicales : les couples (c’est-à-dire homme-femme) infertiles en âge de procréer. 

Les droits "de" l’enfant ont donc été considérés comme prioritaires par rapport aux droits "à" l’enfant. Le don de gamète a été aussi considéré comme intangible : il n’est donc pas possible de rémunérer un don de gamète. Le corps ne se vend pas en France. Récemment, certains députés ont essayé de faire revoir cette question dans la loi santé Touraine pour éviter un débat social. L’argument est immanquablement la possibilité d’avoir recours à l’accueil d’ovocyte à l’étranger mais aussi le soi-disant retard de la France sur certains de ces voisins. Ces arguments ignorent la réflexion riche qui a lieu en France pour traiter de ces enjeux de société.

Comme le signale Jean-François Mattei, cette question est sans doute la plus polémique car elle nous interroge sur le rôle de la médecine.Est-elle là pour soigner ? Ou pour répondre à toute demande extra-médicale ? Et dans ce cas, sur quels critères ? Le niveau économique de la femme ? Ses conditions de vie ? Son état psychologique ? Le praticien est-il capable de faire la distinction entre le désir authentique d’aimer et le désir de se normaliser, d’avoir, comme les autres, un enfant ? Certaines revendications font entrer l’enfant dans la catégorie des objets. L’intérêt supérieur de l’enfant est alors ignoré, il est pourtant garanti par des conventions internationales.

Enfin que peut-on dire d’un enfant élevé par sa mère ayant l’âge habituel d’une grand-mère ?

Qu’est-ce qu'implique concrètement pour un enfant le fait d’être un "gosse de vieille" ? Y a-t-il des caractéristiques (biologiques ou psychologiques) plus particulièrement développées chez les personnes nées de mères "âgées" ?

Non, il n’y a pas de risque particulier de ce point de vue. Le risque de trisomie 21 est augmenté ainsi que de certaines autres anomalies du caryotype, mais ces risques sont bien connus.

Que révèlent ces grossesses tardives de ce qui est en jeu aujourd'hui dans les familles et, plus largement, dans nos sociétés ?

Psychologiquement, je fais confiance à la résilience des enfants pour inventer leur vie. Mais l’image donnée par l’ensemble de ces femmes qui refusent la loi du temps est pour moi dépressive. Si je n’admets pas mon propre vieillissement, je cours après des images mortifères. Je ne juge aucune femme en particulier, chacune a ses raisons bien compréhensibles, et je sais me réjouir de chaque naissance avec sincérité. Mais je suis heureux de celles qui ont accueilli leur état d’infertilité avec suffisamment de sérénité pour me faire comprendre que la fécondité de la vie dépasse le seul accueil de l’enfant.

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