L'aurtographe s'est pas importent !<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
L'aurtographe s'est pas importent !
©

Il faut que jeunesse se passe

Individualistes, insolents, instables au boulot, indécis en amour, dopés au porno, dépolitisés, incultes... les critiques pleuvent sur les 18-30 ans. Myriam Levain et Julia Tissier décident de s'insurger contre ces lieux communs sans fondement (ou presque). Extraits de "La génération Y par elle-même" (1/2).

Myriam Levain et Julia Tissier

Myriam Levain et Julia Tissier

Myriam Levain et Julia Tissier sont toutes deux journalistes pour le féminin Be au service société.

Voir la bio »

Nuls en orthographe, incapables de citer un auteur classique et dotés d’une mémoire de poisson rouge : la génération Y est rarement encensée pour sa culture générale. Nos parents sont davantage affligés par notre inaptitude à lire un livre en entier qu’ils ne sont impressionnés par notre talent à tenir une conversation SMS tout en regardant un film et en feuilletant un magazine. L’adoption du langage texto par une grande partie des moins de 30 ans a achevé de nous faire passer pour une bande d’analphabètes perdus pour la cause balzacienne. Nous pouvons énumérer en un temps record les titres des sept volumes d’Harry Potter mais sommes bien incapables de nommer trois romans de la saga des Rougon-Macquart. Sans parler de nos maigres connaissances historiques, accumulées en jouant au jeu vidéo Age of Empires, en regardant la série Rome à la télévision ou en allant voir la vague de biopics hollywoodiens au cinéma. De toute façon, pourquoi perdre du temps à apprendre par cœur les dates de la Révolution française quand nous pouvons les retrouver en cinq secondes sur nos smartphones ?

Voilà pour le portrait-robot des Y, en ce qui concerne la culture. Au premier abord, pas très flatteur, mais surtout très réducteur. Oui, c’est vrai, nous ne passons plus d’après-midi entiers à lire dans notre chambre, et les rétrospectives Fellini au cinéma art et essai du quartier n’ont jamais fait recette avec nous. Mais lorsque nous avons un coup de cœur pour un chanteur malien ou un réalisateur des années 1970, nous sommes en mesure de découvrir l’intégralité de son œuvre en quelques jours. Internet est en train d’abolir toutes les cloisons spatiales et temporelles qui ont toujours limité l’accès à la culture. Les digital natives (ou presque) que nous sommes n’auront jamais connu le monde autrement qu’en accès libre, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Intellectuellement, il y a de quoi être spontanément plus attirés par l’écran de notre ordi que par l’intégrale de Flaubert. Même si, fort heureusement, l’un n’empêche pas l’autre.

Nous ne sommes pas aussi à l’aise que nos aînés avec la culture classique, certes. Tout le monde est d’accord là-dessus, nous les premiers. Il faut dire qu’on nous l’a suffisamment répété… Cet éloignement se manifeste aussi bien par un manque généralisé de références culturelles « à l’ancienne » que par les mutations de notre langue. Qui, soit dit en passant, est loin de s’appauvrir. Dans son discours intitulé « Les nouveaux défis de l’éducation », prononcé le 1er mars 2011 à l’Institut de France, le philosophe et académicien Michel Serres, 81 ans, le relevait : « Depuis Richelieu, l’Académie française publie, à peu près tous les quarante ans, pour référence, le dictionnaire de la nôtre [langue]. Aux siècles précédents, la différence entre deux publications s’établissait autour de quatre à cinq mille mots, chiffres à peu près constants ; entre la précédente et la prochaine, elle sera d’environ trente mille. À ce rythme linguistique, on peut deviner que, dans peu de temps, nos successeurs pourraient se trouver aussi séparés de nous que nous le sommes de l’ancien français de Chrétien de Troyes ou de Joinville. »

Si nous parlons une langue bien distincte de celle des auteurs de référence, nous l’écrivons également différemment, et plutôt mal. En cause : la banalisation des abréviations à mauvais escient, qui nous permettent d’en dire le maximum en 140 caractères, comprenez en format SMS ou Twitter. Avec, en prime, tous les « mdr », « lol » et autres smileys qui fleurissent notre prose. Des aberrations orthographiques et grammaticales très répandues dans la sphère privée, qui déteignent sur la sphère professionnelle, au grand dam des vieilles secrétaires n’ayant pas poussé loin leurs études mais écrivant un excellent français. Pourtant, « la génération des digital natives est celle qui a le plus écrit de tous les temps, constate Vincent Glad, 26 ans, journaliste spécialiste des nouvelles technologies. Elle lit et écrit beaucoup, mais elle le fait différemment de ses aînés ». En voilà une bonne nouvelle : nous passons nos journées à lire et à écrire. Ne vaut-il pas mieux s’en féliciter plutôt que de se lamenter sur une baisse du niveau d’orthographe ?

________________________________________

Extraits deLa génération Y par elle-même : Quand les 18-30 ans réinventent la vie, Bourin Editeur (12 janvier 2012)

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !