Pourquoi l’OCDE s’arrache les cheveux sur l’excédent public allemand pendant que Berlin s’en félicite<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
L'OCDE "s’arrache les cheveux" sur l’excédent public allemand.
L'OCDE "s’arrache les cheveux" sur l’excédent public allemand.
©Pixabay

Question de point de vue

L'OCDE estime que l'économie allemande risque de souffrir à long terme d'une faiblesse de la productivité et du vieillissement de la population. De plus, les prévisions de croissance outre-Rhin ont été revues à la baisse, passant de 1.8% du PIB à 1.3%. Il semblerait que le modèle allemand tant vanté connaisse lui aussi quelques faiblesses.

Christophe Blot

Christophe Blot

Christophe Blot est économiste à l'OFCE, au Département analyse et prévision. Ses spécialités sont le commerce extérieur, les crises financières et les politiques monétaires.

 

Voir la bio »

Atlantico : Dans son enquête annuelle sur l'Allemagne, l'OCDE souligne la faiblesse de la croissance de la productivité outre-Rhin, ainsi que le vieillissement de la population. De plus, selon ses dernières anticipations, la croissance allemande ne serait que de 1.3% en 2016, contre une prévision antérieure de 1.8%. L'économie allemande serait-elle plus fragile que nous pouvions l'imaginer ? Quels sont ses points de faibles à long terme ?

Christophe Blot : Dans ce que vous indiquez, il y a deux éléments distincts. Il y en a qui sont plutôt des éléments de long terme, comme la productivité, et il y a la révision de la croissance à court terme, liée à des facteurs plus conjoncturelles. Les deux ne sont pas forcément liés. Par exemple, nous pouvons imaginer que la révision de la croissance pour 2016 est due à l'incertitude mondiale, la situation des pays émergents, notamment le ralentissement de la Chine, qui peut peser sur l'Allemagne via une plus forte dépense à son commerce extérieur. Mais à long terme, les ressorts de la croissance allemande vont finir par se poser. Ce débat ouvert par l'OCDE se pose également en Allemagne. Globalement, les économistes considèrent que la croissance à long terme va dépendre de deux principaux facteurs : la démographie et le progrès technique, qui conditionne la productivité. Elle a des projections démographiques en deçà  de celles de ses partenaires européens. Il se pose aussi la question de l'investissement et de la productivité, donc de la capacité de l'économie à croître dans le long terme. C'est sur ce dernier point que semble insister l'OCDE, mais l'Allemagne en a déjà pris conscience.

Dans cette même enquête, l'OCDE préconise aux entreprises et à l'Etat allemand d'investir plus, notamment au travers de dépenses d'infrastructure, dans l'industrie de la connaissance, la fibre etc. Pourtant, le 4  avril, le gouvernement allemand se félicitait d'un excédent public record, de 29.5 milliards d'euros. Comment expliquer un tel décalage ? 

C'est effectivement là toute la tension entre les préoccupations qui sont celles du gouvernement allemand, d'une bonne gestion financière dans le cadre de la gouvernance européenne très marquée par le souci de l'équilibre budgétaire. De plus, l'Allemagne qui incite les autres pays à adopter une gestion budgétaire seine montre qu'elle dégage aussi des excédents. Nous pouvons réconcilier cette tension et imaginer que les Allemands savent qu'ils devront faire face à l'avenir à des dépenses publiques supplémentaires, notamment liés au vieillissement de la population. Par leurs excédents, ils se donnent donc des marges de manœuvre futures. Mais elle oublie au passage que les ressorts de la croissance dépendent aussi des investissements, notamment publics, et à innover afin de gagner en productivité. A cela s'ajoute un débat assez important qui s'ouvre outre-Rhin sur la qualité des infrastructures et la transition énergétique, qui sont des sources d'investissement assez importantes et potentielles non exploitées.

Quels sont les dangers, à terme, d'une Allemagne qui se refuserait à suivre de telles recommandations ? Le pays n'a-t-il pas plus à gagner en menant une stratégie de vertu budgétaire, notamment au regard de son défi démographique ? 

A long terme, l'Allemagne risque une croissance molle. Aujourd'hui, elle bénéficie encore d'une croissance dynamique, avec un taux de chômage bas, une bonne consommation des ménages et un pouvoir d'achat qui s'améliore. C'est un modèle d'entreprise exportatrice qui reste fort. Mais la menace c'est que s'il n'y a pas assez d'investissement aujourd'hui, les ressorts de la croissance s'amenuisent et s'épuisent. La question de la vertu budgétaire répond à cette tension. Les Allemands essaient de préparer l'avenir et l'augmentation des dépenses de santé et de retraite. Il y a un rapport assez régulier de la Commission européenne sur les projections démographiques et l'impact sur les finances publiques. Le vieillissement de la population impliquera des dépenses supplémentaires en Allemagne relativement supérieures à celles prévues pour la France par exemple. Mais oublier d'investir aujourd'hui, c'est menacer la croissance future. Cela joue aussi un rôle dans les déséquilibres des pays européens. La zone euro a besoin d'un moteur. Il n'est pas forcément à chercher en Allemagne, mais elle doit en faire partie.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !