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François Hollande : 
un slogan "attendu et banal"
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Le changement, c'est maintenant

"Le changement, c'est maintenant" : François Hollande a trouvé son slogan pour la présidentielle 2012. Aussi réussi que la "force tranquille" de François Mitterrand en 1981 ou peu efficace comme le "Présider autrement" de Lionel Jospin ?

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.

Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).

Le journalisme, Arnaud Mercier

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Atlantico : François Hollande a choisi son slogan pour la présidentielle 2012 : "Le changement, c'est maintenant". Est-ce un slogan efficace ?

Arnaud Mercier : Ce n’est pas très neuf en vérité. D’un autre côté, il y a longtemps qu’il n’y a pas beaucoup de renouvellement dans les slogans de la vie politique française. On retrouve toujours les mêmes mots : « changement », « ensemble » ou « France ». Les formules tournent beaucoup autour de ces termes qui ne donnent pas une idée très précise des choses si ce n’est la volonté d’incarner une rupture avec l’ère Nicolas Sarkozy.

Cette formule, plutôt qu’un vrai rapport à François Mitterrand, est une formule rhétorique que les socialistes ont trouvée pour ne pas simplement parler de « changement ». Il fallait bien trouver quelque chose pour se distinguer un peu. Pour moi, sémantiquement, ça n’importe rien de plus qu’une insistance balourde.

Le mot « changement » est particulièrement attendu. On ne prend pas de risques en prenant quelque chose qui frôle la banalité. Cette prudence est tout à fait en conformité avec la posture du candidat François Hollande. Il ne fallait pas compter sur lui pour prendre une initiative aussi osée que la « France présidente » de Ségolène Royal qui avait surpris.

Quels ont été les bons et les mauvais slogans qui ont marqué l'histoire de la Vème République ?

Parmi les plus connus, il y a bien évidemment « La force tranquille » de François Mitterrand en 1981. Il incluait à la fois un esprit de virulence, d’efficacité et en même temps une volonté d’apaisement des choses. Le visuel, en pleine campagne française avec un petit village, allait également dans ce sens. Ce slogan a fait date parce qu’il a permis de bien repositionner François Mitterrand comme le candidat qui pouvait incarner l’alternance politique après 23 ans d’opposition sans inquiéter l’électorat déçu par Valéry Giscard d’Estaing. Plus tard, il y a eu un exemple plus marketing avec « génération Mitterrand ». Finalement, le slogan ne voulait pas dire grand-chose mais, grâce à une idée fédératrice et un visuel fort, il a réussi à s’imposer.

En 2007, Nicolas Sarkozy est parvenu par le visuel à récupérer les forces de l’affiche de 1981 de François Mitterrand. Il y a des parallèles troublants entre les deux. On retrouve le mot « ensemble » qui, malgré sa simplicité, est resté efficace. Les études montrent que c’est l’un des termes qui ont un impact positif dans l’esprit des Français. La campagne du second tour de Ségolène Royal la même année a par contre été innovante avec « La France présidente ». Elle a tenté un coup de force grammatical en assimilant la notion de France au sens participatif et son image de madone. Je ne suis pourtant pas sûr que la lisibilité de ce slogan fût une performance.

Pour les slogans qui n’ont pas bien fonctionné, il y a eu le « Présider autrement » de Lionel Jospin. Il s’est trop positionné dans la rupture avec Jacques Chirac. C’est une erreur, le slogan le positionnant dans une dépendance face au rival. Plutôt qu’un désir du vote pour lui, la formule appelait à un rejet de l’autre. Autre exemple, Valéry Giscard d’Estaing en 1981 : « Il faut un président à la France ». C’était tragique car, dit comme ça, il tendu le bâton pour se faire battre en laissant ses opposants s’étonner d’un « Ah bon ? Parce que jusqu’ici il n’y en avait pas ? ».

L’échec le plus grave enfin, c’est celui des législatives anticipées de 1997. Suite à la dissolution, Jacques Chirac et son "Nouvel élan", élan ne pouvaient pas être crédibles alors que la campagne était menée par Alain Juppé, Premier ministre le plus détesté de la Vème République. Dans mon cours de marketing politique, je le présente comme la pire erreur que l’on puisse faire : l’idée de changement se retrouve en opposition avec la réalité de l’équipe présentée. C’est trop contradictoire.

Quel rôle joue un slogan dans une campagne présidentielle ? Est-ce crucial ?

On ne peut pas évaluer l’impact électoral d’un slogan. Le nombre d’électeurs sensibles aux slogans n’est pas chiffrable. On dit souvent, plutôt à posteriori, que la victoire est la preuve de la qualité du slogan. Je crois que ce qui est le plus important, ce n’est pas le slogan tout seul, c’est le slogan par rapport au positionnement du candidat. Le slogan en lui-même n’est pas suffisant pour incarner une politique.

François Mitterrand incarnait une rupture après 23 ans de gouvernements de droite. Il était crédible dans l’incarnation de ce rôle. Vu son âge et ses positions, qui n’étaient pas purement socialistes, il pouvait rassurer la totalité de l’électorat. Il faut une adéquation entre le candidat, son parcours, ses actes et la formule choisie pour l'illustrer.

Le slogan a une incidence en termes de capacité de diffusion de l’influence. Les mots sont un relai qui permet de stimuler les conversations et les échanges. Il n’y a bien que Jacques Séguéla pour soutenir que le slogan « La force tranquille » a permis à François Mitterrand de l’emporter !


Propos recueillis par Romain Mielcarek

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