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Cruauté envers les animaux dans les abattoirs : et si la réticence des politiques à s'attaquer vraiment au problème avait aussi quelque chose à voir avec l'abattage rituel ?
©Reuters

L’arbre qui cache la forêt

Si le fait d'étourdir un animal destiné à être abattu est obligatoire en France, des dérogations ont été accordées pour répondre aux besoins des abattages rituels. Une brèche dans laquelle des industries se sont engouffrées pour augmenter la cadence des abattoirs.

Sylvie Goy-Chavent

Sylvie Goy-Chavent

Sylvie Goy-Chavent est sénatrice de l'Ain (UDI) depuis le 1er octobre 2008. Elle est notamment à l'origine d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

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Atlantico : la diffusion d'une vidéo montrant des maltraitances infligées aux animaux de l'abattoir intercommunal de Soule n'a suscité que peu de réactions parmi les politiques. Comment expliquez-vous que ce sujet soit si difficile à aborder alors qu'il suscite autant de réactions dans l'opinion ?

Sylvie Goy-Chavent : parce que derrière les abattoirs, il existe des lobbies extrêmement forts qui défendent des intérêts économiques, il est vrai qu'il n'est pas non plus toujours facile d'ouvrir un abattoir.

C'est un sujet qui a plus ou moins toujours été caché, et il est vrai que cette protection peut avoir un sens : il n'est pas forcément nécessaire de montrer à un enfant comment on procède dans un abattoir, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas un minimum de transparence afin d'éviter les dérives...

Pour bien comprendre le problème, il faut dire que la filière d'abattage conventionnelle cherche parfois à améliorer la cadence et à diminuer le temps d'abattage en détournant notamment les dérogations accordées pour les abattages rituels, c'est à dire sans étourdissement préalable. Mais ce ne sont pas les seules dérives...

Et il est délicat de dire à tout un secteur, ainsi qu'à des partenaires économiques importants que leurs méthodes ne sont pas correctes…

En automne dernier, vous avez lancé une pétition dans laquelle vous déclariez qu' "en France, plus de 50 % des animaux de boucherie sont égorgés dans d'horribles souffrances sans être préalablement étourdis, comme l'exige pourtant la loi." Quelle part les abattages rituels représentent-ils dans ce chiffre ?

On ne peut pas le dire faute de statistique officielle fiable. Lorsque j'ai posé la question au service des cultes du ministère de l'Agriculture, on m'a répondu que l'on ne savait pas. En 2012, on m'avait bien répondu que quelques mois plus tard, ces chiffres seraient rendus publics, mais on ne les a toujours pas.

Les textes prévoient qu'un abattage rituel peut être fait, mais uniquement sur commande, pour une vraie consommation de viande rituelle.

Pourtant, la viande issue d'abattages rituels est censée répondre à des commandes précises, et il est donc possible d'en mesurer les quantités. Un abattoir qui produit X tonnes de viande le fait car elle est destinée à une commande halal ou casher.

Je ne suis pas contre le fait que quelqu'un puisse librement consommer de la viande halal ou casher, mais je souhaite qu'on le fasse dans le respect de ce qu'on lui promet, c’est-à-dire que cette viande ne soit pas issue d'un animal qui a été découpé en gigotant dans d'horribles souffrances.

Si vous lisez les textes religieux, vous verrez que l'animal doit être en bonne santé, ne pas être stressé, et qu'on doit le traiter avec respect, y compris lors de l'abattage. Or aujourd'hui les cadences industrielles ne le permettent pas. On découvre même aujourd'hui que même certains abattoirs bio, label rouge ne respectent pas les règles éthiques de base, avec des employés qui ne sont pas formés car il n'existe pas vraiment de formation pour ce métier. Parfois même, on se demande si certains ne devraient pas bénéficier d'un suivi psychologique…

Pourrait-il y avoir une crainte de susciter des réactions de la part des autorités religieuses ?

Je pense que là n'est pas le sujet. Le problème vient du fait que certains abattoirs conventionnels se permettent de ne pas suivre les règles, notamment sur l'étourdissement des animaux.

Quand j'entends le directeur de l'abattoir de Soule dire qu'il n'était pas au courant, je me demande comment c'est possible, même en période de Pâques. Et cela n'est pas lié aux abattages rituels, mais au fait qu'il existe des dérives.

L'ordre des vétérinaires me soutient depuis la première minute, et plusieurs bouchers souhaitent créer avec moi un label car ils ne veulent pas mentir à leurs clients, et ils sont conscients de ne pas proposer la qualité qui leur est demandée. Tout le monde souhaite en réalité trouver une solution, il n'y a que le maillon "abattoir" qui pose problème, même si certains d'entre-eux respectent bien sûr les règles.

Le problème aussi c'est que tout cela concerne une filière en difficulté : un éleveur se suicide chaque jour… Qu'attend-on pour réagir sur ce que l'on pourrait maîtriser ?

Peut-on tirer des enseignements, s'inspirer des autres pays européens ? Comment faire la synthèse entre les besoins du rituel d'abattage et le respect des animaux ?

En fait, la plupart des pays européens proscrivent sans dérogation l'abattage sans étourdissement. Et on importe d'ailleurs de la viande certifiée halal abattue avec étourdissements depuis la Nouvelle-Zélande, ce qui prouve bien que l'on peut faire du halal en respectant l'animal. Il faut arrêter de se cacher derrière son petit doigt !

S'il y a 8% de viande halal, 1% de viande casher, et même en étant respectueux des textes, tout le reste devrait être fait en conventionnel, et non la moitié comme aujourd'hui.

Il faut donc faire des contrôles inopinés, avec des représentants de l'Etat, des éleveurs etc, faire des groupes de travail. Quand le ministre dit ce matin qu'il devrait y avoir une association de protection des animaux pour vérifier qu'ils respectent les lois, je me demande comment cela peut se faire : va-t-on demander à un bénévole de s'en occuper toute une journée, alors qu'il a d'autres occupations ? Quel sera son pouvoir ? Cela relève plutôt de l'enfumage…

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