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La crainte des 100 Molenbeek français servira-t-elle de sursaut salutaire contre la démagogie des idéologies communautaristes ?
©Reuters

Déclic

Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, a récemment estimé qu'il existait en France une centaine de quartiers comparables à Molenbeek. Sa déclaration aura fait beaucoup de bruit et la crainte générée par celle-ci pourrait permettre de saisir les origines du terrorisme en France.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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En affirmant ce week-end : "Il y a aujourd’hui, on le sait une centaine de quartiers en France qui présentent des similitudes potentielles avec ce qui s’est passé à Molenbeeck" (1) le ministre de la ville, Patrick Kanner, a déclenché une tornade médiatique qui aura eu le mérite d’affaiblir une grille de lecture politique qui, jusqu’à présent, faisait l’unanimité à droite comme à gauche. 

Les derniers attentats horribles de Bruxelles, ont peut-être ruiné ce qui légitimait aussi bien, les appels à lutter contre la "stigmatisation" des "quartiers" ou des "immigrés", que les hallalis contre les dangers d’"amalgame" et d’"islamophobie", brandis comme synonymes de "fascisme" et de "racisme".  (2)

Ce discours dominant est aujourd’hui déstabilisé : la question des "Molenbeek français" trotte dans toutes les têtes. 

Cela a peut-être même joué un rôle dans le choix de François Hollande annon-çant le 30 mars sa décision d’enterrer son projet personnel de réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité. 

Le Président avoue ainsi l’échec d’une politique politicienne démagogique, inauguré par la démission de Christiane Taubira, accompagné par le délitement de la majorité socialiste et d’un parti qui, en 2012, avait soutenu une candidature dont la doctrine reposait sur l’éloge de la diversité ethnique et culturelle, et dont les accents communautaristes s’opposaient à l’idéal d’unité nationale qui, a contrario, s’impose aujourd'hui dans l’opinion.

Il n’est plus possible de traiter ces attentats terroristes d’un genre nouveau, et dont on peine encore à définir la nature, en faisant l’impasse sur les dangers du multiculturalisme imposé depuis plus de vingt ans à l’ensemble de la société sur la base d’un certain choix politique et moral.

En Belgique, comme en Angleterre ou en France, on constate aujourd’hui que cette vision multiculturaliste du monde, qui fait l’éloge de la diversité contre l’unité du corps social, a rendu possible ce que le Premier ministre Manuel Valls désignait, non sans une certaine ambiguïté, aux lendemains des attentats du 11 janvier 2015, par les mots : "apartheid territorial, social, ethnique".

Dans le domaine des idées, un grand pas psychologique a donc été franchi, avec cette polémique franco-belge sur Molenbeek. Elle a sans aucun doute apporté un éclairage décisif sur l’existence d’un lien entre terrorisme, religion et réseaux mafieux affiliés au nouveau grand banditisme. Impliquant du même coup un regard neuf sur les fameuses "zones de non-droit" françaises dont on ose dire à présent que ses habitants sont aussi victimes d’une islamisation de type intégriste. Comme en témoigne Nadia Remadna, fondatrice d’une Brigade des mères à Sevran, qui s’insurge contre l’influence "des religieux musulmans qui dirigent la ville" et, précise-t-elle, "ont imposé aux habitants un enfermement physique et mental dans la religion" et qui déplore: "les maires ne travaillent pas avec nous pour faire respecter la loi". 

La récente médiatisation de sa parole apporte un son de cloche inaudible avant le 22 mars 2016, tant était puissant le tabou antiraciste qui fait de l’immigré maghrébin la victime des valeurs de l’Occident.

Il est donc urgent de prendre en compte la complexité de notre monde démocra-tique où domine ce "relativisme vague" qu’analysait Claude Lefort vers la fin des années 70. Le philosophe nous disait : "qu’il alimentait, (…) un discours vulgaire pour lequel toute opinion, toute croyance, tout jugement étaient bons pourvu qu’ils témoignent d’une véritable adhésion de ceux qui l’énoncent à leurs valeurs." Discours, en somme, concluait-il, qu’on pourrait résumer dans le slogan : "A chacun ses valeurs". C’est à cette époque que se situe le moment de cristallisation dans les mentalités occidentales, en Europe comme aux Etats-Unis, d’une certaine orientation de la pensée dans laquelle se trouve, à mon sens, l’origine intellectuelle d’une tolérance communautariste qui débouche in fine, avec le terrorisme, sur l’implantation de l’islamisme dans les banlieues.

Il est enfin temps d’admettre qu’il n’y a pas de différence de nature entre la radicalisation religieuse des esprits qui impose par exemple le port du voile intégral, devenu symbole de l’intégrisme musulman et ce qu’il convient d’appeler "islamisme" : cette idéologie totalitaire dont la visée est l’extermination des non-croyants et des mauvais musulmans, partout dans le monde.

Mais l’ennemi intellectuel différentialiste qui prône la diversité et l’idéal multiculturaliste est rusé qui, tel Raffael Liogier, après avoir dénoncé dans les propos de Manuel Valls une "islamophobie soutenue par l’Etat" (3) s’acharne encore, dans les médias, à défendre le "fondamentalisme" islamique qu’il distingue de "nos djihadistes (…) des petits délinquants dont le point commun est de vouloir être des caïds, des héros (et qui) ont un certain rapport complexe à la virilité." (4) Ses théories hors sol seraient terrifiantes si elles n’étaient pathétiques et à l’image de cette gauche intellectuelle que monsieur Liogier illustre à la perfection par ses dangereux fourvoiements autant que la puissance de sa ré-flexion.

Si l’on remonte à 2001, le monde a connu New York et puis Charlie Hebdo, le Bataclan et aujourd’hui Bruxelles. Ces trois derniers attentats ont imposé à tous une volonté de mieux comprendre les rouages d’un terrorisme dont on a cons-cience aujourd’hui qu’il est mondial et que les idées qu’il sert ont mis quinze ans à se développer pour accoucher de ces adeptes fanatisés qui posent des bombes dans leur propre pays ou vont torturer et tuer avec l’Etat islamique.

Désormais les candidats à la présidence de la République auront une lourde responsabilité s’ils persistent à surfer sur les contradictions intellectuelles qui imposent en Europe un consensus politique manichéen. Certains politiques et idéologues comme Julien Dray ou Jean-Christophe Cambadélis s’y accrochent lorsqu’ils se posent en défenseurs de populations musulmanes prétendument stigmatisées. Ce faisant, ils renvoient en permanence les Français ou les Belges à un racisme imaginaire qui les concerne d’autant moins qu’ils l’ont prouvé par l’attitude exemplaire des millions de gens déposant des bougies et des fleurs et répondant à l’horreur par les mots "Paix" et "Amour". 

La posture politique de ces militants socialistes est tout aussi manifeste à droite, comme chez Alain Juppé qui, on le sait, place au centre de ses analyses l’urgence, autant que la volonté politique, de ne pas alimenter des fractures sociales dont il pense qu’elles menacent à tout instant de se transformer en guerre civile. Jean-Pierre Raffarin a bien exprimé cette position en déclarant, chez Jean-Jacques Bourdin ce mardi : "Qu’est-ce qu’on fait pour que les Français n’aient pas une vision manichéenne : tu es musulman donc tu exprimes le mal? C’est pas vrai! Il y a du radicalisme donc il y a du mauvais et il y a aussi de la tempérance et un jugement modéré à exprimer sur un certain nombre de sujets". Ne montrait-il pas à quel point une certaine classe politique est aujourd’hui complètement à côté de la plaque ?

C’est d’ailleurs ce qu’illustre les mots du discours de presque tous ceux qui parlent de ce terrorisme-là. On évoque le "fondamentalisme", ou le "radicalisme", on utilise des mots savants "djihadisme" ou "salafisme", on se réfugie derrière le pléonasme "islamisme radical", affaiblissant la réalité plutôt que de la nommer. Politiques et journalistes, politologues, sociologues et philosophes, personne ne s’accorde aujourd’hui sur un vocabulaire commun. Pourquoi ? Quel sens tirer de cette incapacité à donner du sens à une idéologie pour laquelle le terrorisme n’est qu’un moyen de se faire connaître et qui vise l’Europe et les valeurs de la civilisation occidentale partout dans le monde ? 

Ceci dit quand on entend les âneries proférées par Nathalie Kosciusko-Morizet et Laurence Rossignol, ministre des Familles de l'Enfance et des Droits des femmes (5), sur la réappropriation par la mode du port du voile islamique, on se dit que la démagogie politique a encore de l’avenir. Ces néo-dames patronnesses bien-pensantes viennent de découvrir que le voile islamique enferme la femme. Effet Molenbeek sur leurs consciences, sans doute ? 

Sous le feu des questions de Jean-Jacques Bourdin hier matin, elles se sont donc indignées que la mode s’en mêle, alors qu’il convient au contraire de s’en réjouir ! Surtout quand on découvre les photos des modèles proposés par H&M, Uniqlo ou Dolce Gabbana : n’est-ce pas la meilleure contre-offensive qui puisse être donnée à l’intégrisme islamiste ? 

La mode, en effet, réintroduit de l’innovation là où l’islamisme endeuille les corps au nom de coutumes ancestrales, réduisant les femmes à un esclavage sexuel, intellectuel et moral. 

Avec la mode c’est à contrario le libre arbitre qui s’impose à nouveau. Elle offre ce qu’elle a toujours donné depuis qu’elle existe : la liberté ! La mode permet de créer l’allure de son choix tout en partageant l’horizon de sens d’une esthétique commune. En réintroduisant la présence des femmes dans l’espace publique musulman la mode pourrait bientôt rendre ridicules ces abjectes fantômes noirs qui envahissent jusques-aux rues des pays occidentaux, nos villes, et comble de l’horreur, les grandes écoles et les facultés. 

De sorte qu’on est en droit d’espérer : là où le politique semble échouer, la mode va peut-être l’emporter.

___

(1) Lors du Grand rendez-vous d’Europe 1, le 30 mars au matin le ministre de la ville
(2) http://www.20minutes.fr/politique/1814599-20160327-molenbeek-france-propos-ministre-ville-genent-gauche
(3) http://www.franceinfo.fr/fil-info/article/valls-laicite-en-france-peut-legitimement-dire-qu-est-islamophobe-raphael-liogier-sociologue-759773
(4) http://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/attaques-du-13-novembre-a-paris/attentats-de-paris-le-gouvernement-confond-fondamentalisme-et-terrorisme_1193443.html
(5) http://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/mode-islamique-c-est-irresponsable-de-la-part-de-ces-marques-785022.html

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