Rothschild pas Rothschild : comment cet escroc a profité de son nom pour faire croire qu'il était d'une grande famille...<!-- --> | Atlantico.fr
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Leonardo DiCaprio dans "Attrape-moi si tu peux" qui narre l'histoire de l'un des plus célèbres usurpateurs d'identité.
Leonardo DiCaprio dans "Attrape-moi si tu peux" qui narre l'histoire de l'un des plus célèbres usurpateurs d'identité.
©United International Pictures (UIP)

Panneau rouge

Moins télégénique que Leonardo DiCaprio dans Attrape-moi si tu peux, mais sans doute aussi habile, Oliver Rothschild est passé pour un membre de la dynastie financière sans en faire partie. Volontairement ? Toujours est-il qu’il n’a pas rechigné à trinquer avec les officiels chinois pendant plusieurs années.

Vous irez loin si votre accent sonne British, et que votre nom parle à tous. A fortiori dans un pays comme la Chine, où le statut, le pouvoir et la richesse sont des distinctions de classe, et où Downton Abbey et Sherlock font un tabac sans précédent.

Oliver Rothschild a su saisir la balle au bond. L’entrepreneur de 64 ans, qui se décrit comme « personnage d’excellence internationale », a pu jouir des tapis rouges avec des membres du gouvernement, des maires de grandes villes, des capitaines d’industrie, et même avec le doyen de la première université chinoise, Tsinghua.

Les éloges effusifs des deux dernières années ont fait place depuis une semaine aux rectifications embarrassées, une fois la supercherie éventée. Le doyen Qiu Yong l’avait été présenté comme un « pilier » de la famille Rothschild à la « neuvième génération », un « philanthrope ayant dirigé plus d’une douzaine d’organismes caritatifs, dont la Croix-Rouge et l’Unicef ». Sauf que, bien entendu, ni l’un ni l’autre n’ont entendu parler de lui.

Vétéran de l’imposture ? En tout cas, on peut craindre qu’il ne compte plus beaucoup d’amis.

Il n’en était pourtant pas à son coup d’essai. Le Washington Post compile toutes ses usurpations supposées : à un meeting d’investisseurs aux Emirats Arabes Unis, en 2015, il était décrit comme l’ancien directeur de l’Unicef. A un forum sur l’avenir des villes, à Ljubljana la même année, il était le représentant britannique de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (laquelle commission ignore tout de son existence).

En octobre dernier, alors qu’il participait au Forum mondial de l’entreprenariat de l’université Zhejiang, on le présentait comme un « entrepreneur britannique renommé, et l’asset manager de la famille Rothschild ». En visite chez le grand groupe Jingsun, c’était « le descendant à la douzième génération de la famille Rothschild ».

Le communiqué du porte-parole des Rothschild est pourtant formel : « Oliver Rothschild n’est pas un descendant, par la lignée mâle, de Mayer Amschel Rothschild (1744-1812), et ne fait donc pas partie de la famille banquière des Rothschild ».

Ce qui aurait pu mettre la puce à l’oreille, c’est une des grandes lois de la communication : « Ce qui se dit, c’est ce qui ne va pas de soi ». Son profil LinkedIn et sa page Wikipédia sont beaucoup trop fournis pour avoir l’air vraisemblables. Généralement, ceux qui occupent des postes importants n’ont pas besoin de recenser toutes les entreprises avec lesquelles ils ont un jour travaillé – ce qui pourrait plutôt s’assimiler à la stratégie d’un jeune en fin d’études qui veut valoriser ses journées de stage pour avoir l’air solide.

Oliver Rothschild est un symptôme ; le mal de la Chine vient de plus loin.

Depuis, Oliver Rothschild s’est défendu de s’être jamais présenté comme un descendant de la famille. Il soutient que, ne parlant pas chinois, il n’aura pu réaliser que les organisateurs des évènements enjolivaient son propre palmarès. Que cela soit vrai ou faux, cela pose un problème plus large, épinglé par l’éditorialiste Liu Zhun, du Global Times, qui titre : « Le "faux" Rothschild met au jour nos insécurités ».

Liu Zhun remarque que la posture la plus fréquemment tenue par les dignitaires chinois depuis la semaine dernière est la suivante : il aurait fallu procéder à des vérifications plus rigoureuses. Pourtant, cet habit paraît trop confortable à l’éditorialiste, qui note que cela suppose toujours qu’ils ont été joués, que l’usurpateur a été si habile qu’ils ne se sont doutés de rien.

Celui que les médias chinois décrivent désormais comme « le "faux" Rothschild », dit-il, est de fait un vrai Rothschild : ça a toujours été son nom. Il ne partage simplement pas le sang des banquiers Rothschild, mais jamais son site ni son profil LinkedIn n’ont fait état de tels liens. Liu Zhun enfonce le clou : l’incident a mis au jour, une nouvelle fois, le complexe d’infériorité chinois, qui se nourrit d’une teinte d’ambition sociale, et qui se languit de reconnaissance internationale, surtout si elle est occidentale. La xénophilie manifestée par le recrutement onéreux de conseillers européens sans talent empêche les Chinois, dit-il, de prendre confiance en eux. La Chine aussi a ses complexes. 

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