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Les Allemands gros bosseurs, les Français paresseux invétérés ? Un mythe qui fait beaucoup rire les Anglo-saxons...
©Flickr

Le travail c'est la santé

Les chiffres tenus par l’OCDE sont formels : les performances des travailleurs français ne sont pas à mettre en doute. Pourtant, outre-Atlantique, on se gausse de la comédie qui accompagne la Loi Travail, en célébrant l’indolence française de manière presque vexante. Un irréductible professeur nous défend.

Le professeur Bob Hancké, de la London School of Economics, a toujours été fasciné par les lettres ouvertes des PDG américains. Il raconte dans le prestigieux magazine Foreign Policy que l’une d’entre elles lui avait procuré un plaisir particulièrement délicieux : quand Maurice Taylor, PDG de l’équipementier américain Titan, avait refusé de reprendre l’usine Goodyear d’Amiens. Bob Hancké se montre moqueur : dans la lettre que l’homme d’affaires avait écrite à l’ancien ministre Arnaud Montebourg, dit-il, l’aigreur du ton ("La France est décidément trop communiste") ne masquait pas l’ignorance factuelle. Taylor écrivait : "On ne peut pas racheter Goodyear à cause de vos lois", ajoutant que des salariés qu’il avait rencontrés ne travaillaient que trois heures par jour, "à la française".

Le professeur a donc voulu consulter les données de l’OCDE. Pour mesurer la productivité, il utilise la variable canonique du PIB par heure travaillée, et prenant les Etats-Unis pour base 100, il compare la France, l’Allemagne ("parce que les hommes d’affaires comme Taylor voudraient bien que la France lui ressemble"), l’Angleterre ("dont la législation du travail trouve grâce aux yeux de Taylor"), mais aussi l’Espagne et l’Italie pour enrichir l’évaluation.

Il veut également mesurer le volume total d’heures travaillées chaque année, en moyenne : c’est seulement ainsi qu’on pourra vérifier si oui ou non, les travailleurs français souffrent du syndrome du Club Med.

Bob Hancké a l’OCDE avec lui.

Les résultats donnent tort au PDG. Le PIB par heure travaillée est sensiblement le même, en France et aux Etats-Unis. Plus encore, le volume total d’heures travaillées est plus grand en France qu’en Allemagne, et celui de l’Italie et de l’Espagne est très proche du volume américain. Le problème de ces pays ne consiste donc pas en un surplus de paresse, mais en une faiblesse de productivité. Bob Hancké prend donc fait et cause contre Maurice Taylor, et place la responsabilité dans le camp du gouvernement (chargé de l’éducation) et du management (chargé du capital-investissement et de la recherche et développement).

Pourquoi un professeur de la London School of Economics exhume pareille histoire ? Parce que de tels mythes sur l’inertie intrinsèque des travailleurs français font les choux gras des anecdotes outre-Atlantique, et a fortiori depuis l’introduction de la loi Travail. La quantité d’adversaires à la loi s’explique, raconte-t-on, par la nature tire-au-flanc des Français, qui font d’ailleurs grève en permanence ("touristes, prenez garde", ricane Hancké).

Le problème, c'est l'euro

Pourtant, en bon monétariste ("le problème de la France est simple"), Hancké reconnaît que la législation du travail ne peut avoir de grande incidence positive, à partir du moment où la crise de l’euro la mène dans une impasse : "soit la France quitte la zone euro, soit c’est l’Allemagne, à moins que celle-ci ne consente à augmenter sa demande intérieure". L’erreur tient à une focalisation excessive sur le Code du travail.

Le professeur propose une explication très bourdieusienne : la mobilisation sociale est à la jonction entre le champ économique et le champ politique, où chacun des acteurs tient des propos stratégiquement conçus pour faire avancer ses intérêts propres. Exemple : à l’heure où François Hollande rase à nouveau la moquette dans les sondages, "ce n’est pas une coïncidence si" Martine Aubry, mère des 35 heures et ancienne candidate à la primaire socialiste de 2011, se fait entendre.

Hancké peut alors terminer son billet sur une note tragique : "C’est donc ainsi que la classe politique française s’enivre d’un faux débat pour mieux ignorer les véritables racines du malaise français".

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