Alerte à la hausse : ce choc pétrolier que redoute l’Agence internationale de l’énergie<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Alerte à la hausse : ce choc pétrolier que redoute l’Agence internationale de l’énergie
©Reuters

Trop va la cruche au puits (de brut)

Outre les prix à la pompe, la baisse du cours du baril de pétrole a également un impact sur les investissements réalisés par les compagnies pétrolières. Avec un recul de près de 100 milliards de dollars, cette réduction des investissements influe directement sur le niveau de production mondiale de pétrole.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

Voir la bio »

Atlantico : Neil Atkinson, responsable de la section Industrie pétrolière et Marchés à l'AIEA, a affirmé ce mercredi que les compagnies pétrolières ont réduit leurs investissements de près de 100 milliards de dollars alors que le prix du baril de pétrole a atteint son niveau le plus bas depuis 12 ans. Quelles sont les conséquences directes et immédiates de ces réductions liées à l'investissement ? 

Stephan SilvestreLa chute des investissements des industries pétrolières est la conséquence directe de celle du prix du pétrole depuis juillet 2014. Ce mécanisme bien connu dans l’industrie minière a deux explications : d’une part, le niveau des investissements dépend directement des bénéfices engrangés par les compagnies pétrolières ; d’autre part, les investissements reflètent la confiance dans l’avenir des actionnaires et de leurs soutiens financiers : lorsqu’ils doutent de la rentabilité des investissements, ils lèvent le pied.

La première conséquence sera bien entendu une baisse de la production. Mais celle-ci n’est pas immédiate : on constate habituellement un décalage de deux à trois ans entre une variation du niveau des investissements et son effet sur la production. Ainsi, le niveau de la production américaine a connu un léger tassement en été 2015 (-5%), lorsque le nombre de plateformes de forage non-conventionnel a baissé. Les industriels avaient pu compenser cette baisse par une amélioration de la productivité par puits. Mais celle-ci va atteindre ses limites et le niveau de production devrait décliner dès cet été, ce qui entraînera une hausse des importations américaines à l’occasion de la driving season américaine. Le niveau des stocks a d’ailleurs d’ores et déjà commencé à se réduire. Ailleurs dans le monde (Iran, Irak, Venezuela, Russie, Nigeria…), des investissements sont nécessaires pour entretenir et rénover l’appareil de production, faute de quoi il ne sera plus en mesure de tourner, ce qui aggravera encore la situation économique de ces pays. 

300 milliards de dollars environ : c'est le montant minimum des investissements de l'industrie pétrolière pour maintenir la production au niveau actuel. Or, en réduisant leurs investissements, les compagnies pétrolières risquent de provoquer un effondrement de la production mondiale. Quel impact cela aura-t-il sur notre quotidien ? Cela accéléra-t-il le processus de transition énergétique ?

Un effondrement est peu probable. Beaucoup de pays parviennent à produire en investissant a minima. Le niveau de production mondial est actuellement excédentaire de près de 2 millions de barils par jour par rapport à la demande. Cet excédent va se réduire pour revenir à 1 million de barils par jour au 2ème semestre. À ce niveau, les tensions sur les prix vont les entraîner à la hausse, entraînant mécaniquement celle des carburants. Cette hausse pèsera sur la croissance occidentale, mais surtout en 2017.

Toutefois, il ne faut pas attendre d’effet direct sur la transition énergétique. Premièrement parce que le prix du pétrole sera encore loin d’un niveau dissuasif. Ensuite, parce que le pétrole n’est pas la ressource la plus affectée par cette transition. Son principal usage est celui des transports, où les solutions de substitution sont encore marginales. Pour l’usage du chauffage, il existe une solution de substitution au fioul, mais il s’agit du gaz naturel et non d’énergies renouvelables. Pour beaucoup de pays et d’acteurs il s’agit là de l’un des axes majeurs de la transition énergétique. Toutefois, l’usage le plus touché par la transition énergétique est celui de la production d’électricité, où l’enjeu est de remplacer le charbon par des énergies renouvelables. Or, les investissements nécessaires pour y parvenir sont colossaux et nécessitent des efforts sur des décennies. Les politiques publiques qui ont été engagées sont surtout motivées par la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que celles de particules fines issues de la combustion du charbon. Elles ne sont pas liées aux variations du prix du pétrole. Les réserves prouvées de pétrole permettent d’honorer la demande mondiale pendant encore des décennies et seul le développement de solutions de substitutions efficaces et accessibles aux pays émergeants permettra de réduire la production de pétrole. 

Le mois prochain, une réunion des pays de l'OPEP et d'autres pays producteurs de pétrole (dont la Russie) devraient se tenir à Doha en vue de la discussion de la réduction de la production en vue d'aligner l'offre à la demande globale, en baisse depuis la période 2009-2015 (1,7% Vs. 1,2% pour la période 2016-2021). Ce rééquilibrage est-il suffisant pour espérer une reprise de l'investissement de la part des compagnies pétrolières ?  

La décision que s’efforce de prendre cette alliance est de figer la production et non de la baisser. Car pour cela, il faudrait assigner des quotas aux différents producteurs, qui sont dans des situations industrielles, financières et politiques très diverses, et ceux-ci ne sont pas prêts de les accepter. L’idée est plutôt de bloquer la production en attendant que le niveau de la demande rejoigne celui de l’offre, ce qui fera remonter les prix. La croissance de la demande étant actuellement plus faible que par les années passées, cela pourrait prendre un peu de temps, au minimum un an. Mais les prix devraient repartir à la hausse bien avant car, comme je l’ai indiqué, il suffit que le différentiel entre l’offre et la demande passe en-dessous de 1,2 million de barils par jour pour que les tensions se fassent sentir. À ce moment, les compagnies pétrolières commenceront à relever leurs investissements, pas tellement en exploration, mais surtout en production afin de faire repartir rapidement les livraisons. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !