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France : paradis ou enfer ?
©Pixabay

Les entrepreneurs parlent aux Français

Les premiers à clamer au paradis français, sont des patrons américains. Celui d’Intel et de Dell notamment.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Depuis quelques mois, des anges tombés du ciel, nous indiquent que la France est devenue un Paradis. Nous vivrions dans un univers éthéré, fait de soie et d’étoffes précieuses. De fées bienveillantes et de mages bénéfiques. Nous marcherions dans la ouate et le ciel serait, chaque jour, éclairé, par un soleil braqué sur notre pays et mis à disposition en exclusivité par les autorités divines. Bref, à part une consommation massive et combinée de psychotropes et de substances dont les écologistes réclament la légalisation, rien ne pourrait, à part un aveuglement forcené, nous empêcher de réaliser le bonheur qui est le nôtre chaque jour. Il semble que nous nous réveillons quotidiennement, avec St Pierre comme voisin, alors que nous entrepreneurs, avions plutôt l’impression d’avoir hérité de l’âne de la crèche biblique !

La question dès lors est terrible. Serions-nous devenus sourds et aveugles au bonheur qui irrigue et bénit notre vie ? Sommes-nous des enfants tellement gâtés, que nous sommes devenus incapables de réaliser le niveau de nos atouts ? Disposerions-nous de tels privilèges que nous en aurions fait la norme, une habitude, qui lasse comme toutes les habitudes, et surtout, devient invisible à l’ingrat que nous sommes ?

Alors analysons ce que disent ces marchands de notre bonheur. Pour commencer, ils sont principalement étrangers. Ce n’est donc pas une indication. L’étranger, comme tout être humain normalement déformé et dominé par sa volonté de voir l’herbe toujours plus verte ailleurs, retient toujours d’une situation différente, que ce qui l’arrange.

Les premiers à clamer au paradis français, sont des patrons américains. Celui d’Intel et de Dell notamment.

Ces dirigeants de grands groupes américains arrivent à Paris dans un jet privé, échappent aux queues interminables de Roissy (qui ne sont pas plus courtes aux USA néanmoins), échappent aux douanes (qui ne sont pas plus drôles aux USA), échappent surtout à nos taxis parisiens, ce qui leur évite de faire le tour de Paris par la face nord et des commentaires riches sur l’état de l’économie et la météo. Mais surtout ils échappent aux commentaires sur l’agression que leur ferait subir leur compatriote d'Uber. Au final, arrivés à Paris, ils s’enfouissent dans un palace parisien, qui pour le coup, est notre point fort et différenciant. Sur 48 ou 72heures, ils voient la crème de la crème du paradis français, des tapis rouges, des ingénieurs brillants, des incubateurs équipés de bars offrant des grands crus classés, tenus par des banques riches offrants un cadre privilégié au start-up pour un vil prix. Ils restent ainsi bien loin des zones rurales défavorisées, des zones sans internet et des 62% de PME qui n’ont pas encore de site Internet.

Ils rencontrent des clients prestigieux, qui figurent au rang des 500 plus grands groupes mondiaux, et échappent à tous les obstacles qu’une PME rencontre pour accéder à son premier RV avec un acheteur, souvent arrogant et hautain, au premier contrat après 2 années de « danse du ventre » appliquée et à la prostitution nécessaire pour se faire payer, en moyenne 73 jours, après avoir réalisé sa prestation. Ils rencontrent l’Etat au plus haut niveau, sans avoir à souffrir d’un délai de paiement supérieur à 1 an dans les hôpitaux notamment et se félicitent autour d’une coupe des meilleurs champagnes, de la clairvoyance de l’achat public français qui s’investit si facilement dans la technologie et les produits américains (et chinois), en oubliant au passage ces PME françaises, modestes fournisseurs, qui n’y accéderont jamais (à part à l’UGAP qui les cajole).

Il reprend son jet, sans avoir à connaître une fiscalité du capital augmentée de 50% en 10 ans, des charges sociales chaque jour plus lourdes et complexes à calculer et sans avoir à subir la complexité du droit du travail français. En effet, il faut s’empresser de préciser, que ce patron étranger pour qui la France est un paradis, n’y investit que très à la marge et évite soigneusement ce lieu si parfait. Il conserve en effet ses troupes, sa fiscalisation, son développement, dans son pays d’origine, ou au pire, à Londres ou Dublin si il est forcé de s’approcher de l’Europe pour mieux en tirer le meilleur, sans en subir le pire. Bizarrement, et surement très altruiste, ce CEO étranger est pétri d’un tel sens du partage, qu’il ne cherche pas à nous voler la moindre parcelle de notre paradis. On pourrait même dire qu’il l’évite presque. Quelle abnégation !! C’est beau. Il nous laisse notre paradis… pour nous et regagne son enfer au plus vite. Surement par masochisme !

Puis viennent quelques entrepreneurs français, qui ont les moyens d’avoir des principes. A force de contribuer à faire le bien, ils pensent, souvent avec bonne foi, que le bien est devenu la norme pour l’entrepreneur français. Xavier Niel en fait partie. Et il le fait pour de bonnes raisons. Il croit en ce pays, il est un des rares à y contribuer plus efficacement que 100 politiques ne le feront en 100 ans et donne ou investit son argent pour rendre l’enfer plus acceptable pour les entrepreneurs. Désespéré de ne pouvoir recruter un programmeur digne de ce nom dans ce paradis qu’est la France, qui a nombre d’ingénieurs pour construire des ponts et des mines, mais aucun pour programmer une appli, à l’heure du web, il a créé l’Ecole42, remarquablement pilotée par Nicolas Sadirac. Dans un paradis pour nains (2 millions de TPE de 1 salarié), il apporte la Halle Freyssinet, qui parle enfin la langue des géants dans notre pays qui aime tant le petit (pratique car il est aussi faible). Difficile dans ces conditions, de reprocher son optimisme à Xavier Niel, car il investit suffisamment pour être auto-prophétique. Mais son appréciation du paradis est limitée à celui qu’il construit pour nous.

Enfin quelques auteurs, comme notre ami Fabrice Cavarretta,  ont sortit des livres qui décrivent la France comme le lieu que nous voudrons fréquenter après notre mort. Un paradis ! Fabrice a oublié de préciser, qu’il parle surtout de la création d’entreprise. Et oui, dans un pays où nous finissons par avoir plus d’incubateurs que d’incubés, d’accompagnateurs que « d’accompagnables », d’aides que de personnes capables de les identifier, alors dans ce pays, oui, nous sommes en situation d’extase créative. Il y a du soutien, de l’argent, de l’accompagnement. Le premier jour de sa naissance, la PME française est heureuse. C’est pour les 99 autres années que cela se gâte!

Pour ce qui est de la croissance, la France reste un enfer, quand la moitié des entreprises créées aujourd’hui n’existeront plus dans 5 ans. Quand celles qui osent franchir les seuils de 10 ou 50 seront sanctionnées de le faire plutôt que d’être récompensées, par une législation plus dure au passage de chaque seuil. Quand à celles qui voudront vendre aux grands comptes, elles s’en mordront souvent les doigts, mises à terre par des délais de paiement, qui avoisinent le firmament de l’escroquerie institutionnalisée. Quand ils réussiront, le taux d’imposition leur rappellera que la réussite est honteuse et doit être punie, afin de sacrifier au principe d’égalitarisme, vendue comme une soupe populaire aux « pauvres » français, par tous les politiques, qui aiment rassurer la « populace » comme ils l’appellent, en raccourcissant des têtes par l’impôt.

Quand l’entreprise en croissance grandira et voudra lever de l’argent pour financer sa croissance, elle ne trouvera dans les enfers étrangers, mais pas dans notre paradis à nous, les financements nécessaires à son expansion internationale. Pour trouver de l’argent de façon massive, avec une valorisation forte, il faut aller le chercher en enfer, à l’étranger, mais pas au paradis France.  Qwant, Oscaro, Critéo, Vente Privée, Showroom Privé, ont trouvé plus de 70% de leurs capitaux en enfer. C’est à dire, en dehors de France.

Donc, malgré tout l’optimisme qui me caractérise, et qui me pousse à aimer et soutenir, me battre et croire, en ce pays, je ne peux laisser dire que la France est un paradis. C’est même exactement l’inverse.

Mais, et c’est le plus important, nous avons le potentiel pour le devenir. En nous dotant de gouvernants dignes du talent des Français, nous pourrions, avec assez peu d’efforts devenir le modèle, ou l’un des modèles dominants de la réussite mondiale. Débarrassés de la classe gouvernante actuelle, qui a besoin d’un grand courant d’air afin de s’enrhumer et de laisser les personnes saines gérer un pays qui demande à être sain, voir Saint. Débarrassés des archaïsmes de notre législation, de nos représentants salariaux et patronaux, remplacés par un dialogue social 3.0, horizontal et solidaire. Débarrassés de l’omnipotence de notre administration qui doit revenir à ses missions essentielles et à un fonctionnement « servile » (au sens du service public à rendre à ses concitoyens) et efficient, sur fonds de fiscalité utile, au lieu d’être punitive.

Et enfin, en redonnant le pouvoir à ses concitoyens, qui ont vraiment un talent que leur caractère de cochon ne peut atténuer, et qui sont d’ailleurs prêts à devenir positifs, si jamais on leur en donne enfin l’occasion. Avec tout cela, la France à nouveau accrochée à son petit nuage, pourrait devenir le plus fidèle collaborateur de St Pierre. La clé du paradis, n’est pas entre les mains des politiques, mais entre les nôtres. Ne nous laissons pas bercer par ce discours faciles de dirigeants américains démagogiques, qui nous condamnent à un paradis qu’ils ne souhaitent à personne et surtout pas à eux même. Se faire bercer vous promet l’endormissement et jamais le réveil. Refusons le sommeil et réveillons-nous !

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