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Il est né le divin enfant ! Et on le baptisa “peuple de droite”...
©ALAIN JOCARD / AFP

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Cette naissance n’a pas fait beaucoup de bruit. C’est que les Rois Mages sont encore très discrets.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Le nouveau-né a été enregistré à la Mairie du 2ème arrondissement. Ses parents sont en effet domiciliés au 1/3 rue Lulli. Ce qu’on sait d’eux, et de la fermeté de leurs principes moraux, nous autorise à penser que l’enfant n’a pas été conçu par des moyens aussi diaboliques que la GPA ou la PMA. Et connaissant également leur très grand attachement à la “limpieza di sangre” (pureté du sang) européenne, nous avons la certitude que pour saluer l’heureux événement ils n’ont pas fait jouer la Marche des Turcs de Lulli. 

Valeurs Actuelles, puisque c’est de cet hebdomadaire qu’il s’agit, a donc fait sa Une avec “La droite qu’on aime”, titre assorti d’un sous-titre tout à fait novateur : “Ce que veut et ce que pense le peuple de droite”. Passons sur “La droite qu’on aime” : on sait que pour ce journal, ce n’est ni celle de l’usurpateur Sarkozy ni celle du mollasson Jupé. Ce qui est vraiment intéressant c’est ce “peuple de droite”. Il y a là une tentative réfléchie, inspirée des théories du marxiste Gramsci très en vogue dans les milieux pensants de la droite extrême, de captation du langage et des concepts de l’adversaire….

Car si on n’avait jamais entendu parler jusqu’à ces jours d’un “peuple de droite”, le “peuple de gauche”, lui, a été pendant longtemps assuré d’une durable et insolente prospérité. On se souvient du récent “peuple de gauche, réveille-toi !” de Manuel Valls. Ce vocable fait appel à une mémoire héroïque et héroïsée. Les barricades de 1848, la Commune de Paris en 1871, Jaurès assassiné, le Front Populaire de 1936, l’insurrection de Paris de 1944, les morts du métro Charonne en 1962 et aussi, hors de nos frontières, la guerre d’Espagne avec les Brigades Internationales et la mort tragique d’Allende à Santiago du Chili en 1973.

Un récit romantique et national si attirant que Sarkozy, à peine arrivé au pouvoir en 2007, avait essayé de s’y lover avec Guy Môquet et les fusillés du bois de Boulogne. Il est tentant donc quand on veut -et pourquoi pas ? - affirmer une identité de se forger un autre récit sans d’ailleurs exclure tout à fait celui du “peuple de gauche”. Marine le Pen exaltant Jaurès en fournit un bon exemple. 

Mais l’invention d’un “peuple de droite” ne suffit pas à lui donner une réalité. Le bébé fait “‘areuh areuh” comme tous les bébés : pas sûr qu’il acquiert beaucoup d’autres éléments de langage… La droite en France -si l’on excepte la parenthèse de Vichy qui d’ailleurs rejetait l’étiquette de droite- s’est contenté de gouverner, pas toujours si mal et souvent mieux que la gauche, sans les flonflons d’un récit nourri d’images d’Épinal.

Et cela pour une raison simple : ces images n’existent pas ! Comment dès lors, demander à un “peuple de droite” irréel de déposer des offrandes et de brûler des cierges devant elles ? On aurait pu, au lieu de fantasmer sur un peuple qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais, se contenter d’un peuple pendant trop longtemps étouffé et réduit au silence : le peuple français. Dans une période de réveil des identités nationales, d’une déliquescence totale des institutions européennes, d’un besoin de plus en plus radical d’appartenance face à une menace étrangère et pourtant si proche (Molenbeek c’est juste la porte d’à côté) ce peuple-là suffirait largement. Et sa légitimité n’est pas discutable. Valeurs Actuelles lui en a préféré un autre. C’est bien dommage.

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