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Nicolas Dupont Aignan : “Cette primaire sera le tombeau des Républicains. Les candidats vont s’entre-tuer car rien ne permet de les différencier sur le fond.”
©Reuters

Grand entretien

Nicolas Dupont Aignan revient sur l'incohérence du parti Les Républicains, l'échec des socialistes, le piège du Front national ou encore l'héritage du général de Gaulle. L'occasion également d'évoquer sa candidature à la présidentielle de 2017.

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan préside Debout la France, parti politique se revendiquant du gaullisme et est l'auteur de France, lève-toi et marche aux éditions Fayard. 

 

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Atlantico : Candidat à la prochaine élection présidentielle, vous avez déclaré que "La primaire des Républicains est une compétition pour choisir le candidat qui va porter le projet des Républicains. Ils l'ont déjà appliqué pendant dix ans. Mon projet est différent". Pourquoi ne pas y concourir puisque vous portez un programme différent ?

Nicolas Dupont-Aignan : Tout simplement, car le projet des républicains est déjà arrêté. La primaire organisée par la droite ne consiste qu'à choisir une personnalité. D'ailleurs Nicolas Sarkozy l'a suffisamment dit : les grandes lignes du projet sont définies. C'est exactement comme un film où le scénario serait déjà retenu, la société de production déjà existante, c'est le parti, et où il ne resterait plus qu'à choisir les acteurs.

Je ne vais pas mentir aux Français, (faire comme Arnaud Montebourg avait procédé pour la primaire socialiste), en me présentant alors que le projet ne peut pas être infléchi. Le projet des Républicains a d'ailleurs déjà été appliqué entre 2002 et 2012, lorsque tous les candidats actuels gouvernaient ensemble, avec un bilan catastrophique. 

On ne peut pas contrôler l'immigration si nous conservons Schengen, ni créer des emplois avec une  politique économique régressive. 

Mais il ne vous serait pas interdit de proposer un projet différent…

Je suis gaulliste. La France n'appartient pas à un parti politique mais à tous les Français. L'élection présidentielle au suffrage universel ne doit pas être soumise au régime des partis. La primaire est contraire à l'idée que le général de Gaulle se faisait de la démocratie. 

Je souhaite m'adresser à 44 millions d'électeurs, pas à quelques centaines de milliers de sympathisants.

Cette primaire sera le tombeau des Républicains. Les candidats vont s'entretuer car rien ne permet de les différencier sur le fond. D'ailleurs ils ont tous été ministres, Premier ministre et président de la République, ces vingt dernières années. Leur politique a déjà échoué.

Je préfère proposer aux Français, à tous les Français, un projet radicalement différent du projet et du bilan des Républicains. 

En quoi ne faîtes-vous pas partie de cette droite classique ?

J'ai quitté l'UMP en 2007 car j'ai compris l'incohérence de ce parti. Immigration, économie agriculture, sur tous les sujets, ils veulent agir mais ont abandonné leur pouvoir d'action à d'autres.  

La droite est tombée dans le même piège que le Parti socialiste en refusant que la France puisse mener sa propre politique. Philippe Séguin disait que les deux détaillants s'approvisionnaient chez le même grossiste… Celui-ci est à Bruxelles et à Berlin.

Pour résoudre les problèmes des Français, nous devons retrouver notre liberté politique, ce qui n'interdit pas de travailler au niveau européen dans un cadre nouveau : celui d'une Europe des projets et des coopérations concrètes. 

Les sondages montrent que les trois quarts des sondés disent que Les Républicains ne feraient pas mieux que les socialistes au pouvoir. Les Français ont compris que ces deux partis étaient des astres morts, même s'ils bénéficient d'un financement et d'une couverture médiatique considérables. Il est impératif de rebâtir la vie politique française en proposant un projet réaliste et cohérent. 

Crédité de 4% à 7%, dans le système institutionnel français, vous êtes limité à des fonctions secondaires à l'issue de l'élection présidentielle et des législatives de 2017. Est-ce qu'il ne serait pas plus intéressant pour vous de peser au sein d'un gouvernement plutôt que dans l'opposition si l'occasion se présentait ?

Vous confondez la photographie et le cinéma. Si l'histoire avait raisonné comme vous, Charles de Gaulle aurait rejoint Vichy, Jeanne d'Arc aurait accepté l'invasion anglaise, et Clemenceau aurait été ministre allemand. 

Il ne s'agit pas de se soumettre à un envahisseur…

Non mais la France est prisonnière d'une politique décidée ailleurs. Si l'on reprend votre raisonnement, on arrête les élections et l'histoire. Je m'appuie sur un socle électoral qui me permet d'avoir une chance à la prochaine élection. Je m'engage pour gagner. 

Quelles catégories de la populations française séduisez-vous vraiment ? Ce n'est pas parce que les Français sont mécontents de l'Europe qu'ils veulent forcément revenir à la situation qui précède la construction européenne…

Je ne raisonne pas en catégorie, et d'ailleurs les électeurs ne votent pas en fonction de leur appartenance sociale. Ils votent en fonction de l'idée qu'ils se font de la France. J'explique justement dans mon livre que la question est simple : est-ce que les Français veulent peser dans le monde de demain, rester acteurs de leur destin et de celui de la France ? Ces questions ne sont pas liées à une catégorie sociale.

Lorsque je regarde les adhésions à Debout la France au mois de février, toutes les professions sont représentées. Les gens viennent chez nous par amour du pays, non pas par réflexe corporatiste. Notre nom, Debout la France, le signifie : nous sommes un mouvement patriotique de bon sens. 

Comme je l'explique dans mon livre : je crois en mon pays qui compte de très nombreux atouts. La France peut s'en sortir à une condition : faire en sorte que les Français croient à nouveau en eux-mêmes. Il n' y aura pas un sauveur providentiel mais un homme capable de réveiller les Français.  

A plusieurs reprises dans votre ouvrage "France, lève-toi et marche" vous dites que le général de Gaulle était en avance sur son temps et que ses solutions sont toujours les plus pertinentes aujourd'hui. Comment expliquez-vous alors que la droite actuelle, cadres comme électeurs se soient écartés de cette ligne ?

C'est un mystère. Je renvoie au livre de Marc Bloch L'étrange défaite où l'auteur explique la défaite de 1940. 

Il ne s'agit pas de la droite mais d'une oligarchie qui a perdu l'amour de la France et le sens du service des Français. Le peuple français est, lui, très dynamique, volontaire, mais parfois découragé car la télévision et les médias renvoient une image négative de notre pays.

Notre caste dirigeante a tout abandonné. Il faut s'en séparer au plus vite. 

Florian Philippot se revendique lui aussi du gaullisme. Qu'est-ce qui vous différencie de lui concrètement ?

Je suis cohérent. Je n'appartiens pas à un parti politique qui porte plusieurs projets contradictoires.

A Debout la France, nous rassemblons des gaullistes, et nous n'avons honte de personne. 

Nous avons bâti un parti politique qui, aux dernières régionales a obtenu autant de voix que le Front de gauche ou les Verts. Dans la moitié des communes de France, Debout la France est le quatrième parti. En Ile-de-France, ma liste a recueilli 6,7% des voix. Ce n'est pas encore assez mais nous avons franchi un vrai cap.

Je ne suis pas là pour critiquer les autres. Je suis là pour porter une voix qui me paraît indispensable pour échapper au piège mortel : ce face à face entre le système et le Front national, qui conduit 25 millions de Français à s'abstenir.

Robert Ménard organise une réunion avec plusieurs personnalités de droite dans sa ville de Béziers fin mai dans l'objectif de créer une grande formation de la "droite patriote" en vue de l'élection présidentielle. Il estime qu'il y a "nécessité absolue à faire travailler ensemble des personnalités telles que Philippe de Villiers, [vous] et Marine Le Pen". Vous y rendrez-vous ?

L'enjeu est la survie de la France et cela dépasse la droite et la gauche. L'élection présidentielle n'est pas le choix d'un parti mais celui des Français. Ils doivent choisir l'homme ou la femme qui incarnera la nation, pendant 5 ans.

Je suis face aux Français et leur présente à travers mon livre un projet. Je n'ai pas besoin de rentrer dans des combinaisons politiciennes.

75% des Français ne veulent pas le retour des socialistes au pouvoir, 75% d'entre-eux ne veulent pas du retour de Nicolas Sarkozy, et 69% ne veulent pas de Marine Le Pen. Cela signifie que 90% des antennes médiatiques sont couvertes par trois camps politiques que refusent totalement les trois-quarts des Français. Il y a l'obligation d'inventer autre chose.

Regardez ce qui se passe avec Donald Trump, Bernie Sanders,… De nouvelles personnalités apparaissent. Je suis déterminé, avec ceux qui m'accompagnent, à bouleverser les lignes en France.

Par ailleurs, dans une interview accordée au magazine "France", Marion Maréchal Le Pen imagine un gouvernement et vous compte dedans. Tout comme dans le dernier livre de Geoffroy Lejeune qui vous imagine rejoignant le gouvernement fictionnel d'Eric Zemmour. Qu'est-ce que ces scénarios vous inspirent ? 

Je les remercie mais le plus simple serait qu'ils votent pour moi à l'élection présidentielle.

Lors des élections régionales de décembre, vous avez réussi à attirer des élus et des militants LR. Est-ce que cette méthode pourrait être reproductible pour la présidentielle ? Comment comptez-vous vous y prendre, et voyez-vous une configuration plus profitable entre une victoire d'Alain Juppé ou de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite et du centre ?

Nous avons beaucoup d'élus Les Républicains qui nous rejoignent. Cette semaine l'ancien secrétaire départemental des Républicains des hautes-Alpes, Victor Berenguel, a adhéré à Debout la France. Il est militant gaulliste depuis toujours. Il y en a d'autres dans dans de très nombreux départements.

Vous évoquez des ralliements d'élus de droite, mais il y en a aussi qui viennent de la gauche, il y en a même qui viennent du Front national. Ces derniers comprennent que ce parti est dans une impasse. 

Le titre de votre dernier ouvrage "France, lève-toi et marche" peut faire référence à un passage de la Bible. Par ailleurs, vous avez participé à plusieurs meetings organisés en marge de la "Manif pour tous". En quoi l'identité chrétienne vous paraît-elle devoir être mise au cœur du débat là où elle est au contraire un problème pour certains ? En quoi s'agit-il d'une solution plus que d'un problème ?

Il s'agit bien d'une référence à l'évangile de Saint-Jean. La France est un pays de tradition chrétienne. Mais l'Etat et la République sont laïcs et acceptent toutes les religions à condition qu'elles respectent les lois de la République.

J'ai choisi ce titre car il résume la situation de la France. Le pays est couché, il faut lui dire de se lever et de marcher. D'ailleurs le Christ ne soutient pas le paralytique, il lui dit simplement qu'il a tout en lui pour se relever.

La France est la 6ème puissance mondiale, détient des atouts incroyables, une capacité scientifique parmi les premières du monde, une culture, un patrimoine exceptionnels. Cette évangile est d'une rare beauté pour exprimer quelque chose de simple : nous devons retrouver la volonté de vouloir. 

Au-delà du côté émotionnel dans l'idée de rétablir les frontières, comment un pays seul comme la France peut-il gérer une crise migratoire ? Dans le cas où l'UE n'existerait plus, la France aurait à renégocier ses traités internationaux, avec le coût bureaucratique que cela implique. Finalement plutôt que de réinjecter du politique et des marges de manœuvre supplémentaires à la France, ne vaudrait-il pas mieux au contraire donner les mêmes prérogatives à l'Union européenne et injecter une dimension politique à l'UE ?

Injecter de la volonté politique dans une communauté qui regroupe 28 pays n'est pas réalisable. Cela fait 20 ans que les gouvernements essayent et n'y arrivent pas. Tous les pays du monde prennent en main leur destin. L'Union européenne est la zone du chaos politique, économique et social justement parce que nous avons perdu de vue le sens de l'action politique. 

La seule façon d'agir dans le monde est la cohésion et la responsabilité politique qui ne sont possibles que dans le cadre national. La Nation est le cadre de la démocratie. Retrouver la force de la nation ne doit pas nous empêcher de nous ouvrir sur le monde. Nous proposons une autre Europe, celle des coopérations et des projets concrets. La France doit être sûre d'elle et de son destin pour parler à l'Europe et au monde.

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