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Priorité à la sécurité et libéralisation de l'économie : portrait de la droite et du centre par les préférences de leurs électeurs
©Reuters

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Dans un sondage exclusif IFOP pour Atlantico, les électeurs de la droite et du centre se disent concernés en priorité par la question de la sécurité (note de 7,6 sur 10 en moyenne) et de la libéralisation de l'économie (7,5). Un constat qui reflète les tiraillements de la droite actuelle entre deux directions qu'il n'est pas facile de concilier.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quel est selon vous le principal enseignement de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Nous constatons qu'aujourd'hui, l'électorat de la droite et du centre affiche un certain nombre de priorités qui relèvent à la fois des thématiques sécuritaires et identitaires chères à la droite décomplexée (les questions liées à la sécurité ont une note moyenne de 7,6, celles liées à l'immigration et l'identité nationale ont une note moyenne de 7,3), mais également de la situation économique (baisse des charges et de la fiscalité, réforme du marché du travail et des 35 heures, dette et déficit public).

Depuis 2012 et même un peu avant, il y a un débat sans fin à droite sur la ligne la plus judicieuse à adopter. Est-ce qu'il faut privilégier une ligne de droite libérale classique mettant le curseur prioritairement sur des réformes ambitieuses et exigeantes en matière de dépenses publiques, de marché du travail et de libéralisation de l'économie, à savoir le pari de François Fillon ? Ou est-ce qu'il ne faudrait pas, dans un contexte de menace terroriste très élevée et d'interrogation sur l'identité nationale, mettre d'abord l'accent sur la sécurité et l'immigration ?Ce débat est permanent à droite et nous voyons à travers ce sondage qu'il n'est pas encore tranché. En effet, aucune inclinaison forte ne se dégage, la messe n'est pas dite. Vous n'avez pas une claire hiérarchie ou une réponse nette à la question de savoir où placer le curseur. Nous constatons ainsi des scores quasiment identiques sur ces deux grandes thématiques. Bien évidemment, il y a ensuite des familles d'électeurs de droite qui mettent davantage l'accent sur l'une ou l'autre…

Deuxième enseignement : nous nous apercevons que la question de la défense des valeurs traditionnelles arrive derrière ces deux gros sujets, mais est tout de même assez bien notée (6,6). On se souvient du débat sur le mariage pour tous, même si ce sujet n'incarne pas à lui seul le thème de la défense des valeurs traditionnelles. Or, on voit bien que c'est un sujet qui n'est pas annexe pour l'électorat de la droite et du centre, alors que pour le coup, cette thématique est beaucoup moins préemptée par les leaders de droite de premier plan. Autant entre une ligne Sarkozy-Copé-Wauquiez d'un côté et une ligne Fillon-Juppé de l'autre (priorité au régalien et au sécuritaire ou à l'économie ?), il y a des affrontements, autant sur les valeurs traditionnelles, personne ne préempte ce créneau alors même que c'est une attente forte des électeurs de droite.

Autre enseignement : nous pouvons voir que les questions européennes (soit le thème souverainiste de la redéfinition des pouvoirs transférés à Bruxelles, soit le thème fédéraliste de l'approfondissement de la construction européenne) sont notées plus faiblement par l'électorat de droite. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas une frange de l'électorat qui est très sensible à ces questions-là, mais clairement, l'enjeu européen n'est pas au cœur des préoccupations, alors que ce thème fait beaucoup parler les leaders de droite.

<--pagebreak-->Les électeurs de la droite et du centre accordent une importance beaucoup plus forte aux valeurs traditionnelles qu'à la question européenne qu'on pourrait résumer par l'interrogation "stop ou encore ?" : est-ce qu'on approfondit encore l'intégration, est-ce qu'on l'arrête là ou est-ce qu'on fait même un pas en arrière ? Nous avons bien vu avec l'accord entre l'Allemagne et la Turquie sur la question des migrants que ce sont des problématiques d'une actualité criante. Pour autant, l'électorat de la droite et du centre n'en fait pas sa priorité. Par ailleurs, deux sensibilités coexistent ici : certains affirment qu'il faudrait redéfinir les pouvoirs transférés à Bruxelles (et notamment en transférer moins…), d'autres plaident en revanche pour plus d'intégration. On s'aperçoit par ailleurs que la ligne souverainiste plaide plus que la ligne fédéraliste sur ce point de vue-là.

Dernièrement, on voit que d'autres thématiques comme les excès de la mondialisation et du libre-échange et le développement de l'économie numérique et des startups font beaucoup moins recette et ne sont pas du tout jugés comme étant prioritaires.

Y a-t-il des variables spécifiques qui jouent sur les résultats de ce sondage (âge, sexe, niveau d'études, etc.) ?

Il y aura des différences si l'on prend les sujets qui fâchent. Par exemple, on peut faire une analogie avec le débat actuel autour du projet de loi El Khomri. Les artisans-commerçants (7,7) ou les retraités (7,9) accordent beaucoup d'importance à la libéralisation de l'économie, alors que les CSP- sont à 6,9. Il y a donc un clivage de classe qui s'opère entre ceux qui ne sont plus sur le marché du travail et ceux qui sont en position de donneurs d'ordres ou d'employeurs. Par ailleurs, si l'on avait interrogé des ouvriers/employés qui n'étaient pas de droite, le score serait sans doute encore plus bas… Pour autant, ils sont un peu plus frileux et inquiets que les électeurs de droite qui ne se trouvent pas dans la même situation professionnelle. Lorsque la droite fait assaut de réformisme en disant que si la gauche réforme pour garder son identité, il faudra pousser le curseur plus loin, elle peut créer un trouble et un décrochage vis-à-vis de sa base populaire et salariée.

A l'inverse, vous pouvez constater que sur la question de la dette, les commerçants-artisans établissent une note de 7,1, et les CSP- 6,8. Un ouvrier de droite dira donc effectivement qu'il faut réduire la dette publique, mais il n'est pas forcément d'accord pour réformer le marché du travail et faciliter les conditions de licenciement…

Sur la question des valeurs traditionnelles, il y a de manière très classique un écart générationnel : une note de 6 pour les moins de 35 ans, 6,7 chez les 50-64 ans et 7,1 sur les 65 ans et plus. Donc plus on est âgé, plus on sera demandeur de cela…

Enfin, un dernier point est intéressant à noter sur la question de l'économie numérique et des startups. Aujourd'hui à droite, il n'y a pas d'engouement très fort pour ces thématiques. En termes de priorités, elles sont reléguées très loin derrière. Ce discours de modernisation de la droite et d'adaptation à l'économie de demain laisse de marbre cet électorat. Par ailleurs, ce sont étonnamment les électeurs de droite les plus âgés qui en font davantage une priorité que les jeunes. C'est un sujet pourtant porté par la nouvelle génération, on peut ainsi citer Nathalie Kosciusko-Morizet qui représente une sorte de pendant de Macron à droite, affirmant que les vieux clivages sont dépassés, qu'il faut aujourd'hui réfléchir à l'uberisation, l'économie numérique et digitale, etc. Or, on s'aperçoit que les jeunes ne sont pas du tout les plus enthousiastes sur ces questions-là (une note de 5 seulement). Leurs priorités sont davantage situées sur l'immigration/identité nationale (7,1) et la sécurité (7,3).

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