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Mais au fait, que pense le FN de la loi El Khomri ?
©Reuters

Silence coupable

Alors qu'il se présente comme "le premier parti de France" depuis les élections européennes, et que les experts le décrivent comme un parti antisystème, le FN est très absent des débats sur la loi El Khomri, bien qu'il y soit officiellement opposé. Cette discrétion pourrait masquer des divergences profondes au sein du parti entre une ligne sociale-étatiste et une ligne libérale.

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Atlantico : Alors que le FN se présente comme "le premier parti de France" et qu'il réalise des scores record, ne reste-t-il pas étrangement discret sur le sujet de la loi El Khomri ? Quel est son positionnement dans ce débat qui focalise l'attention de l'opinion et de l'ensemble des forces politiques actuellement ?

Raul Magni-Berton : Il y a deux différents aspects. D'abord, il y a des considérations électorales : il est un peu trop tôt pour se lancer dans une campagne de dénigrement de l'action du Gouvernement. La société civile réagit à cette loi assez négativement, et cela est un bon signal pour toutes les oppositions. Se mettre en avant en ce moment serait maladroit et peu avantageux, puisque cela apparaitrait comme une tentative d'instrumentaliser la protestation. 

Le deuxième aspect est le contenu de cette loi qui, dans l'ensemble, réduit les protections des emplois stables. La protection des emplois stables n'a jamais été une priorité du Front national, mais bien plutôt des partis de gauche. Le gouvernement ne sera pas attaqué sur les choix politiques qu'il a faits, mais plutôt sur son incompétence ou sa maladresse à faire des lois de "droite".

A lire aussi sur le sujet, notre article : "Désaveu pour le gouvernement : seuls 16% des Français considèrent que la loi El Khomri fera baisser le chômage, un jugement beaucoup plus sévère que sur le CPE a l'époque "

Ce relatif silence témoigne-t-il d'une fracture au FN entre une ligne plus étatiste et sociale, incarnée par Marine Le Pen et Florian Philippot, et une ligne plus libérale, héritée des positions de Jean-Marie Le Pen ?

Je ne crois pas. Les électeurs d'extrême droite attirés par la ligne sociale ont des traits assez différents de l'électorat de gauche. Ils sont fondamentalement plus précarisés et plus pessimistes dans l'avenir. Cela les conduit à être plutôt hostiles à la fonction publique et aux emplois sûrs, qu'ils voient comme des privilèges. Ils sont aussi plus hostiles vis-à-vis de l'Etat providence qu'ils perçoivent comme source d'inégalités et de privilèges. Dès lors, les protestations qui se lèvent contre la loi du travail sont également vues comme des mouvements d'élites qui s'accrochent à leur poste stable. En fait, la politique sociale proposée par le FN se base surtout sur la protection contre la concurrence de produits et travailleurs étrangers et sur une sécurité policière accrue, notamment dans les quartiers plus défavorisés. 

Dans quelle mesure cette incapacité à reprendre à son compte la colère qui s'exprime sur les questions économiques et sociales est-elle préjudiciable, à terme, pour le FN ? Est-il voué à abandonner son statut de parti anti-système, qui se nourrit des mécontentements populaires ?

Au vu de ce que j'ai dit jusqu'ici, la relative neutralité du FN par rapport à cette question ne le pénalise pas, bien au contraire. Le mécontentement populaire qui nourrit le FN n'est pas un mécontentement mobilisé et actif, il n'a rien à voir avec un soulèvement populaire. C'est plutôt un mécontentement de personnes isolées, non organisées et qui ont l'impression de ne pas pouvoir changer les choses. Elles ne sont donc pas dans la rue et sont à la fois contre le Gouvernement et les syndicats. Naturellement, les tendances que je décris ici n'ont qu'une valeur statistique.

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