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Pourquoi les parents norvégiens envoient leurs enfants dans des faux camps de réfugiés
©Loren Javier / Flickr / CC

Underdog Complex

Pendant 24h, dans des camps, ils vivent la dure réalité du quotidien des migrants. L'objectif est de montrer les conditions difficiles dans lesquelles sont contraints de vivre les réfugiés.

Pays du prix Nobel de la paix, engagé pour la défense des droits de l’homme, état providence loué encore il y a peu comme un modèle par beaucoup de démocraties, la Norvège ressemble pourtant de moins en moins à un pays de cocagne. Cette pétromonarchie scandinave broie désormais de l'or noir en subissant de plein fouet la baisse continue du prix du baril de pétrole.

Le pays change rapidement et durcit sa politique envers les réfugiés. En tablant sur l'arrivée de 10 000 à 100 000 réfugiés en 2016, la Norvège resserre l'étau sur sa politique d'accueil pour éviter de mettre en péril son système de protection sociale.

Mais pour conserver de l'humanité dans cette politique plus rectrictive, elle sensibilise parallèlement ces citoyens aux conditions de vie des migrants. La Norvège a donc décidé d'envoyer ses enfants dans de faux camps de réfugiés, comme le relate le Washington Post.

Donner aux ados une vision du monde

Ces faux camps ont été créés avec le soutien d'une organisation de soutien aux réfugiés de Norvège. L'objectif du projet est de montrer aux enfants les conditions difficiles dans lesquelles sont contraints de vivre les migrants. « En organisant ces camps, nous espérons donner aux adolescents une vision du monde plus large et leur montrer à quel point ils ont de la chance d'habiter un pays aussi paisible que la Norvège », a déclaré Kenneth Johansen, directeur de l'organisation qui gère ce projet.

24 heures sur la route

Dans une forêt sombre et enneigée, deux véhicules militaires font tonner leurs sirènes pour réveiller ceux qui viennent de s'assoupir. Épuisé, le groupe doit rapidement remballer le camp et reprendre sa marche de nuit. Ces adolescents vont passer 24 heures sur la route, en vivant dans les mêmes conditions que les réfugiés, explique le site norvégien The Local. Dans un pays où les adolescents se promènent souvent avec des sacs à main de luxe et les derniers iPhones, l'objectif est de sensibiliser et de donner aux jeunes un aperçu de ce que vivent des millions de personnes beaucoup moins privilégiées qu'eux.

Se dissimuler et ignorer la faim

"Je déteste ma vie", gémit une jeune fille au sein du groupe, dont certains dorment debout. Le "camp de l'ONU" où ils pensaient qu'ils avaient trouvé refuge pour la nuit vient d'être "attaqué". Dans l'obscurité, avec des températures oscillant autour de zéro, ils doivent ignorer leur faim et plonger dans des congères pour se dissimuler aux lueurs des phares de voitures qui trouent un ciel sans lune. Leur voyage a débuté environ 12 heures plus tôt dans un camp militaire désaffecté près de l'aéroport d'Oslo, à seulement un jet de pierre d'un centre de détention (réel celui-ci) pour étrangers illégaux en attente d'expulsion. Leurs montres et leurs téléphones mobiles confisqués, ces adolescents ont été regroupés en familles devant fuir des troubles dans un Soudan fictif, franchissant des frontières imaginaires, afin d'atteindre la Norvège pour demander l'asile.

Des boulettes de riz périmées pour tout repas

En route, ils se heurtent au cauchemar kafkaïen d'une bureaucratie corrompue, à des gardes-frontières brutaux qui aboient des ordres en mauvais anglais, et doivent marcher des kilomètres avec l'estomac vide... Pour le dîner, ce soir-là, ils n'ont que quelques boulettes de riz à se mettre sous la dent. La plupart d'entre eux dévore leur repas, même si certains ont été rebutés par l'étiquette indiquant une date de conservation se terminant en 1998.

Repartir avec un supplément d'âme

Depuis que ce concept a été importé du Danemark en 2004, quelques 80 000 jeunes norvégiens ont vécu l'expérience de ce remake d'un "vis ma vie" de réfugié pour une journée. "Ils repartent avec un supplément d'âme", dit l'un des responsable du camp. Et d'ajouter : "Si vous lisez un article sur les réfugiés, vous vous en souviendrez d'environ 20 %. Mais si vous ressentez les choses, vous vous en souviendrez à 80 %. Vous en tirerez une leçon pour le reste de votre vie", dit-il.

L'expérience se termine par un examen où les organisateurs aident les jeunes à mettre les choses en perspective, en utilisant des vidéos percutantes pour mieux planter le clou dans les consciences. Et pour leur rappeler qu'ils n'ont fait qu'effleurer la surface d'une réalité beaucoup plus dure... "Pour vous, ce n'était un jeu. Pour eux, c'est l'enfer sur Terre tous les jours", concluent-ils.

Une expérience salutaire qui, si elle était reproduite à l'échelle des pays de l'Union européenne, permettrait certainement d'apporter une vision plus bienveillante à l'égard du sort des milliers de réfugiés qui débarquent sur le continent.

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