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SCOP : la nouvelle lubie alter-économique à la française ?
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Zone franche

Une SCOP sans stratégie ni marché, ça coule aussi vite qu’une entreprise capitaliste standard (même si tout le monde se noie ensemble dans la bonne humeur et la solidarité).

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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La SCOP, c’est vraiment la trouvaille du siècle, le nouvel horizon de l’économie à visage humain, le moyen d’une reprise en main de leur destin par des salariés refusant la soumission au Grand Capital.

C’est que ça a l’air vraiment chouette, une boîte dont chacun est copropriétaire et dont le boss est un camarade démocratiquement sorti du rang. Pas l’un de ces managers cupides qui, l’œil rivé sur le cours de bourse et le niveau des dividendes versés à un fonds de pension californien, n’aime rien tant qu’expédier ses machines-outils vers Shanghai en loucedé dans la nuit du samedi au dimanche...

Le hic, c’est que lorsqu’on arrête de se demander à quoi sert une entreprise (fabriquer ou concevoir des trucs et des machins, les vendre, gagner de l’argent, payer des salariés…) pour se concentrer sur la joyeuse bande de copains fiers de ramer dans la même direction quoi qu’il arrive, on est peut être un chouïa à côté de la plaque.

Prenez La Tribune, par exemple, un quotidien en déficit chronique depuis des lustres. Il n’a plus de lecteurs, plus d’annonceurs, a fait cent fois la preuve de ce qu’un pays comme la France était incapable d’offrir trois repas chauds par jour à deux rédactions éco distinctes et doit maintenant composer avec la transformation de l’info financière en « commodité » sur la Toile.

Qu’à cela ne tienne : s’il se transforme en SCOP, il met trois longueurs dans la vue du Wall Street Journal !

Et Hebdoprint, une imprimerie spécialisée dans la fabrication de canards d’annonces classées ignorant que la PA, c’est désormais sur le « Bon coin » que ça se passe et que plus un seul pigeon ne paye pour céder sa Clio ou son canapé clic-clac ? No problemo : reconvertie en SCOP, elle verra forcément les vendeurs de bric-à-brac affluer Carte Bleue en main parce qu’elle le vaut bien. Ben voyons.

Ah, il y a aussi Fralib, une usine à faire du thé industriel qui, si elle rend le pouvoir aux ouvriers, devient le premier fournisseur de Mariage Frères et de la reine d’Angleterre en moins de temps qu’il n’en faut pour s'infuser une camomille ! Ou SeaFrance, qu’il suffirait de SCOPer pour qu’elle n’ait plus besoin d’écoper, même si plus personne ne veut monter sur ses bateaux.

C’est sympa, la SCOP, ça fait effectivement plus envie qu’une société à PDG autocratique, DRH et DAF sortis de HEC. C’est sympa mais si ça n’a rien à vendre ou, du moins, rien que personne n’ait vraiment envie d’acheter, ça coule. Je veux bien que la France ne soit pas soumise à la même pesanteur que le reste de la planète mais il y a sans doute des limites au pouvoir de la pensée magique.

Tiens au fait, Kodak, on ne pourrait pas en faire une SCOP pour relancer la demande de pelloche photo ?

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Note apparemment nécessaire : il ne s'agit pas de dénigrer les SCOP en tant que telles, puisqu'il en existe de très efficaces, mais bien l'idée qu'une entreprise qui coule sera sauvée si elle échappe au "capitalisme" traditionnel en changeant de statut. Il me semble que les exemples évoqués plus haut sont assez parlants.

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