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Marion Maréchal-Le Pen chez la Ligue du nord : la benjamine du clan réussira-t-elle à imposer une stratégie d’alliance à droite au nez et à la barbe de Florian Philippot et de sa tante Marine ?
©Reuters

Vacances en Italie

Présente en Italie cette semaine sur invitation de plusieurs dirigeants de la Ligue du Nord, Marion Maréchal-Le Pen a franchi une nouvelle étape dans sa volonté de promouvoir une alliance politique entre le Front national et une partie de la droite. Mais cette alliance s'annonce compliquée à réaliser.

Jean-Yves Camus

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l'Iris, Jean-Yves Camus est un spécialiste reconnu des questions liées aux nationalismes européens et de l'extrême-droite. Il est directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et senior fellow au Centre for the Analysis of the Radical Right (CARR)

Il a notamment co-publié Les droites extrêmes en Europe (2015, éditions du Seuil).

 

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Atlantico : Alors qu'elle a été invitée ces deux derniers jours en Italie par plusieurs dirigeants du parti italien de la Ligue du Nord, dont la stratégie d'alliance politique avec la droite est bien connue, Marion Maréchal-Le Pen s'est par ailleurs exprimée récemment dans le magazine "France" en faveur elle aussi d'un rapprochement avec plusieurs personnalités de droite (Mariani, Guaino, Myard, de Villiers, Dupont-Aignan, Ciotti, etc.). Dans quelle mesure cette stratégie basée sur un héritage de droite assumé diverge-t-elle avec les directions récemment prises par le FN, et notamment par son vice-président Florian Philippot ?

Jean-Yves Camus : Tout d'abord, il faut bien garder à l'esprit que personne au Front national n'a jamais exclu de s'allier avec des personnalités de droite, mais à une condition, imposée aussi bien par la ligne officielle du parti que par Marion Maréchal-Le Pen : les personnalités de droite qui s'allieraient avec le FN devraient en effet le faire sur la base d'un accord théorique. Il leur faudrait alors admettre que les idées que préconisent le FN devront être mises en place. Il ne s'agit pas simplement d'une alliance tactique. Jean-Marie Le Pen avait lui-même dit à plusieurs reprises qu'il n'était pas fermé à ce type d'alliances, à la condition que ce soit des alliances sur le fond.

C'est bien sur cette question que le bât blesse, car parmi les personnalités citées par Marion Maréchal-Le Pen, il n'y a peut-être que Philippe de Villiers qui se retrouverait en capacité d'accepter cet accord. Les autres sont chez le parti Les Républicains et s'en tiennent à la ligne du parti. Ils peuvent avoir un discours que certains qualifieraient de droitier ou musclé, mais ils sont dans un parti où ils font entendre leur sensibilité. Pourquoi choisiraient-ils de quitter la principale formation d'opposition aujourd'hui ? Cela me paraît assez utopique. Avant 2017, rien ne se fera, sauf si la performance de Marine Le Pen est extrêmement médiocre, auquel cas il y aura très certainement un contrecoup à l'intérieur du parti. Mais ce n'est pas la présidentielle de 2017 qui verra la recomposition, mais plutôt celle de 2022.

En tendant la main à des personnalités issues de la droite traditionnelle, Marion Maréchal-Le Pen ne se projette-t-elle pas déjà après 2017, avec la volonté de faire du FN le centre de gravité d'une future recomposition politique des droites ?

Il y a deux éléments importants dans cette question.

Il y a d'abord effectivement le fait qu'elle tend la main. Mais pour que cela serve à quelque chose, il faut bien que quelqu'un attrape cette main… Encore une fois, à droite, à l'exception de Philippe de Villiers qui n'a plus véritablement de parti constitué autour de lui... La ligne des Républicains (comme celle de l'UMP à l'époque) est claire chez Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Bruno Le Maire, François Fillon. Ils tiennent tous le même langage : pas d'alliance avec le FN. Pour l'instant, je ne vois donc pas qui va saisir cette main tendue. C'est d'ailleurs l'un des principaux problèmes du Front national. Ils ont souvent annoncé des ralliements spectaculaires venus de la droite, mais n'ont en réalité pris "que" des cadres locaux.

Le deuxième élément à souligner ici, c'est qu'on avait déjà prédit pour 2012 cette recomposition de la droite, ou cet éclatement si l'on appelle les choses par leur nom, dans le cas où elle aurait été largement battue à la présidentielle. Or, elle a certes été battue, mais Nicolas Sarkozy n'a pas été écrasé. Donc la grande remise à plat attendue, notamment au Front national où l'on comptait sur une explosion de la droite, n'a pas eu lieu.

Pour que la droite éclate, il y a deux possibilités.

La première implique sa victoire à la présidentielle de 2017 et un contrat non rempli. Il faudrait ainsi qu'elle soit réélue sur un logiciel très droitier, comme en 2007, et qu'il y ait de nouveau beaucoup de paroles et d'effets d'annonces mais pas d'actes. A ce moment-là, la partie la plus droitière des Républicains pourrait alors se dire que cela fait deux fois qu'ils ont le pouvoir et qu'ils ne répondent pas à ce grand mouvement vers la droite que certains voient dans la société française.

La deuxième possibilité implique une défaite de la droite. Effectivement, après une défaite, certains à droite seraient tentés de l'expliquer par le fait qu'ils ne font pas alliance avec le Front national. Arithmétiquement, cela résoudrait en effet tous les problèmes en créant une grande majorité.

Le seul problème, c'est que je pense que la mue du Front national n'est pas encore terminée en termes d'image. Pour la droite républicaine, s'allier avec le FN est un saut intellectuel qui n'est pas dans toutes les têtes. On dit beaucoup ces derniers temps qu'avec des gens comme Patrick Buisson, Eric Zemmour ou Philippe de Villiers, des gens sont effectivement sur cette ligne et essayent de préparer une recomposition des droites. Mais ils ne sont pas majoritaires dans l'appareil.

Robert Ménard a lui aussi appelé ce dimanche à une union de la droite "patriote et nationale". Est-il possible selon vous d'envisager un rapprochement entre ces deux personnalités dans un avenir plus ou moins proche ?

Je ne sais pas s'ils étaient très éloignés. Ce sont deux personnalités élues sur des terres voisines même si elles ne sont pas dans la même région administrative. Et ils ont plus d'un thème en commun. Dans ce que dit Robert Ménard, il y a quelque chose qui m'étonne personnellement, c'est son appel à une "union de la droite nationale et patriote". Cela voudrait dire que ceux qui ne sont pas sur sa ligne ne sont ni nationaux ni patriotes. Or, les gens qui comme moi ne sont pas de droite peuvent être patriotes, et ne sont pas autre chose que nationaux. Cela voudrait dire quoi ? Cela voudrait dire qu'en-dehors des gens qui sont sur la ligne que défend Robert Ménard, nous serions antinationaux et antipatriotes ? C'est une façon de s'accaparer le concept qui ne me paraît pas adéquate.

Ce dont il s'agit, c'est l'union des droites, tout simplement. Être de droite est un choix personnel tout à fait assumable et respectable, mais la nation et la patrie transcendent le clivage droite-gauche.

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