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Robert Ménard : "On ne peut pas dire "2017, c'est perdu pour la droite patriote, celle des valeurs et de la morale, nous verrons en 2022"."
©Capture d'écran du site du Dailymail

Interview politique

Robert Ménard revient sur ses désaccords avec le Front National sur des sujets comme le projet de loi El-Khomri ou bien encore l'Europe. L'occasion également d'évoquer son souhait d'un grand rassemblement des leaders de la droite patriotique, en vue de la présidentielle de 2017.

Robert Ménard

Robert Ménard

Robert Ménard a été journaliste et fondateur de Reporters Sans Frontières (RSF).

Président de l'association de 1985 à 2008, il a dirigé un centre d'accueil pour les journalistes à Doha (Qatar) de 2008 à 2009.

Il a été élu en avril 2014 maire de la ville de Béziers

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Atlantico : Cette semaine, vous avez été particulièrement virulent à l'égard de la position officielle du Front national, en comparant les mots du vice-président du FN avec ceux "d'un cégétiste d'il y a vingt ans." Quelles relations entretenez-vous avec le FN et Marine Le Pen ?

Robert MénardNous avons des relations cordiales. Nous sommes alliés sur le plan politique. Mais, dans le même temps, j'ai de vrais désaccords avec certaines positions du FN, des désaccords que je n'ai jamais cachés. Aujourd'hui, sur la loi El Khomri, ces désaccords se traduisent concrètement par des appréciations très différentes : quand Florian Philippot dit de ce projet de loi qu’il est "infâme", je trouve que c'est non seulement disproportionné, mais plus encore inapproprié et caricatural. Utiliser ce genre de mots, c’est adopter une rhétorique d'un autre temps.

On ne peut pas, à longueur de temps, expliquer que tous les malheurs de la France viennent de Bruxelles. Non, ils sont aussi la conséquence, sur le terrain économique notamment, de lois votées ici depuis 40 ans, de l'inflation des réglementations, d'une omniprésence de l'Etat… Et tout cela a été largement décidé à Paris. C'est un autre point de désaccord avec Florian Philippot. Quand il déclare que, si Marine Le Pen prenait le pouvoir, six mois plus tard la France quitterait l'Union européenne, c'est tout simplement irréaliste.

La synthèse entre les deux lignes du Front national, avec une vocation plutôt libérale dans le Sud de la France et sociale dans le Nord, ne serait-elle donc plus tenable ?

C'est l'affaire du FN, et je n'en suis pas membre. J'ai des liens amicaux avec Marine Le Pen, qui a eu l'amabilité de m'inviter au séminaire de son parti en début d'année, mais je n'en fais pas partie. J'ai du plaisir à travailler avec le FN, et je suis d'accord avec l'immense majorité de ce qu'il dit, notamment sur l'immigration, l'identité, la sécurité ou encore l'école. Mais j'ai aussi des désaccords en ce qui concerne l'Europe et la vision économique colbertiste qu'il propose et que je ne partage pas.

La stratégie de la "France apaisée", décidée justement avant ce séminaire, qui consiste à donner une image plus consensuelle à Marine Le Pen, vous semble-t-elle judicieuse ?

Elle me semble une bonne idée à condition qu'elle se traduise dans les faits. Et les prises de position sur la loi El Khomri sont à l'opposé de ce slogan. Elles entretiennent l'idée qu'il existe forcément une sorte de lutte des classes au sein des entreprises – même les plus petites - entre les patrons et les salariés. C'est une vision du XIXe siècle. Or on ne vit plus au temps de Zola ! Même s'il existe des difficultés dans les entreprises, le monde professionnel a changé.

Je suis le maire d'une ville de 75 000 habitants, où je rends visite très souvent à des petites et moyennes entreprises. Les intérêts entre un patron et ses salariés ne sont pas les mêmes, bien sûr. Mais je vous assure que ce qu’ils ont en commun est bien plus important que ce qui les oppose… 

Entre des candidats à la primaire qui donnent l'impression de faire une course au centre, et un Front national qui défend de plus en plus une ligne politique "nationale étatiste", n'y-a-t-il pas un espace ouvert, un électorat délaissé à droite ?

Je crois qu'il y a aujourd'hui la nécessité de regrouper la droite nationale, cette droite qui se retrouve dans le Front national, mais également du côté de Debout la France, du Siel, de l’Avant-garde, du CNIP et de certains courants des Républicains. Je pense que le peuple français le demande, que le peuple de droite l'exige. Mais je constate que les querelles d'appareil, les problèmes d'égo empêchent ce regroupement. Tout cela étant dérisoire par rapport à la gravité de la situation…

Il y a une nécessité absolue à faire travailler ensemble des personnalités telles que Jacques Myard, Eric Ciotti, Thierry Mariani, Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen. Les désaccords sont peu de choses par rapport à ce qu'ils ont en commun.

Hélas, trop peu d'entre eux sont prêts à aller vers ce rassemblement. Et je le déplore tant nous en avons besoin. Toutes ces personnalités, que l'on pourrait ranger dans la catégorie de la droite patriotique, ont en commun de dire que la France qu'on aime est menacée. Mais si elle l'est vraiment, il faut faire taire les divergences et se mobiliser ensemble ! C'est pour cela que j'appelle à un grand rendez-vous des droites à Béziers, du 27 au 29 mai prochain, pour construire un programme de salut public qui pourrait nous rassembler.

Comment estimez-vous la demande de la part de l'électorat pour une telle initiative ?

Les sondages montrent le niveau historique de défiance des Français envers les partis politiques. Cela nous renseigne sur cette demande, sur leur aspiration à autre chose. 

Invitée sur France Inter, Marion Maréchal Le Pen a déclaré le 9 mars que "si Donald Trump était aussi idiot, il ne serait pas là où il est". Le candidat à la primaire républicaine déclare ramener des électeurs "perdus" aux urnes. Qu'est-ce que vous inspire le phénomène Trump aux Etats-Unis ?

Au-delà d'une rhétorique que je ne partage pas, et d'un certain nombre de positions que je désapprouve, il y a, derrière le phénomène Donald Trump, la critique virulente de politiciens – en l’occurrence américains bien sûr, mais cela s’applique à nos responsables européens -  qui sont responsables des situations où nous nous trouvons, la dénonciation des risques liés à la déferlante migratoire, ou encore la prise en compte de la nécessité d'envisager une alliance avec la Russie… Trois thématiques de Donald Trump qui me semblent particulièrement intéressantes, mais il y en a d’autres. C'est en ce sens que je souhaitais que Marine Le Pen prenne contact avec lui. Il y a entre eux, me semble-t-il, une sensibilité commune.

Vous aussi avez l'habitude de faire des déclarations qui vont à l'encontre du "politiquement correct"... Vous arrive-t-il de vous voir incarner le même rôle que le favori des républicains outre-Atlantique ? Vous recevrez, à Béziers au mois de mai, plusieurs personnalités de ce que vous appelez la droite nationale. Le flambeau de la ligne Buisson pourrait-il vous intéresser ?

Aujourd'hui, j'essaye seulement de rassembler un certain nombre de personnes et de dire à cette droite patriote, à cette droite des valeurs, à cette droite de la morale, à cette droite de la France, qu'il faut absolument se regrouper pour l'emporter. On ne peut pas dire "2017, c'est perdu, nous verrons en 2022". Les Français ne peuvent ni le comprendre, ni l'admettre.

J'essaye donc de jouer mon rôle. J'ai la chance d'être l'élu d'une ville où ma majorité municipale regroupe des élus membres des Républicains, du Front national, d'autres qui sont apparentés à Philippe De Villiers, à Nicolas Dupont-Aignan, à Christian Vanneste, mais aussi des élus qui, comme moi, ne sont dans aucun parti. Et cela fonctionne. Si j'en juge par les derniers résultats électoraux dans ma ville, les Biterrois sont satisfaits de ce fonctionnement-là. Je sais bien que diriger une ville ou un pays n'a rien à voir, mais je suis convaincu que la méthode que nous avons employée est la bonne. Et je m’efforcerai de le démontrer encore à l’avenir… 

Vous n'excluez donc pas de diriger une telle formation en vue de l'élection présidentielle de 2017 ?

Là n’est pas la question. Je me mettrai au service de qui aura pris en compte cet impératif : regrouper la droite patriote.

En décembre dernier, vous aviez publié un billet sur votre page Facebook pour évoquer la "garde musulmane" qui s'était mise en place pour protéger les Eglises de Béziers... Ne pensez-vous pas que certaines de vos déclarations peuvent aggraver la déliquescence de l'unité de la société française ? Comment intégrez-vous ce risque dans vos prises de position ?

Malheureusement, l'unité de la société française n'existe plus. C'est un leurre, un mensonge que l'on veut nous faire avaler. J’essaie seulement de dire les choses telles qu'elles sont, et non telle que l'immense majorité de la classe politique et médiatique veut nous le faire croire. J'essaie de conduire une politique de bon sens. Et quand je constate le développement du communautarisme dans ma ville, comme en France, j’affirme qu'il faut le combattre et je mets en œuvre une politique qui va dans ce sens.

Quand j'ai expliqué qu'un certain nombre de réfugiés n'étaient pas les bienvenus dans ma ville, je n’avais pas attendu que la presse découvre que des terroristes pouvaient se cacher dans le flot de réfugiés qui submergent notre continent… Mais, c’est vrai, ce que je dis, je le dis avec mes mots, ma franchise et le vocabulaire qui est celui de tout le monde. Je n'utilise pas la novlangue en vogue dans nos médias et sous les ors de la république. J'appelle un chat un chat. Oui, il y a un problème communautariste en France. Oui, il y a un problème avec l’islam en France. Oui, il y a un problème avec l’immigration en France. Et il faut les regarder en face.

Dans une ville comme la mienne où les deux tiers des enfants des écoles publiques sont de familles issues de l’immigration, je constate que l'on intègre - sans même parler d’assimiler – de moins en moins ces enfants. Ils sont les premiers à le payer au prix fort. De ceux-là, qui s’en soucie le plus ? 

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