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Le temps est-il venu pour Facebook, Apple ou Google de nous permettre de rédiger des testaments numériques sur ce que doivent devenir nos comptes après notre mort ?
©Pixabay

Héritage virtuel

Facebook compte désormais 1,5 milliard d'utilisateurs... mais des millions d'entre eux ont déjà passé l'arme à gauche. Difficile alors pour les proches des défunts de savoir que faire de leur profil, tout comme de leurs comptes YouTube, LinkedIn, Gmail, Apple etc. Un nouveau droit à la mort numérique reste encore à établir.

Axelle  Lemaire

Axelle Lemaire

Axelle Lemaire est Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique, chargée du Numérique.

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Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

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Atlantico : A la fin du siècle, Facebook comptera plus de morts que de vivants, devenant ainsi un véritable "cimetière numérique". Qu'est-ce que cela va changer ?

Daniel Ichbiah : L'ère du numérique pose beaucoup de problèmes éthiques et juridiques auxquels nous n'avions pas pensé auparavant et que l'on découvre au fur et à mesure.

Concernant Facebook par exemple, de nombreuses pages consacrées aux membres du réseau social décédés se sont créées spontanément, telles des sortes de "pierres tombales numériques". Pour le moment, le réseau social les tolère, mais que fera-t-il quand il y aura plus de morts que de vivants dans sa base de données ? Peut-être que le futur patron de Facebook voudra alors toutes les supprimer, pour cause de non-rentabilité (les morts ne voient pas la publicité, et donc ne consomment pas) ?

Autre problème possible : doit-on léguer son mot de passe à sa mort par exemple, pour que ses héritiers puissent bénéficier de nos biens numériques sans pour autant tout leur dévoiler de notre vie privée, ce qui n'est pas possible actuellement (et qui a récemment d'ailleurs déclenché un énorme "coup de gueule" de l'acteur Bruce Willis, qui ne comprend pas qu'il ne puisse pas céder à ses enfants son énorme bibliothèque iTunes) ?

Bref, il y a clairement un nouveau droit numérique à établir. D'ailleurs, je pense que les géants du Web vont finir par s'emparer tout seul du problème.

Les proches d'un défunt ont-ils le droit à l'heure actuelle de supprimer ses comptes ouverts sur Facebook, YouTube, LinkedIn, Gmail, Apple...etc et d'avoir accès à ses données numériques (photos, statuts ou autres éléments mis en ligne) après sa mort ?

Axelle Lemaire : Les droits sur les données à caractère personnel sont des droits individuels, qui s’éteignent avec la mort de la personne. Il vous est donc impossible de léguer vos droits à un proche et à l’heure actuelle, le seul moyen prévu par la loi est la possibilité de mise à jour des données. C’est une notion vague et insuffisante.

Mis à part cette possibilité de mise à jour, les proches n’ont donc aucun moyen de contraindre les plateformes en ligne à leur donner un accès aux comptes en ligne de la personne défunte, même pour faire respecter ses volontés.

Cependant, plusieurs services en ligne, comme Facebook, Gmail, twitter, ou Linkedin prévoient la possibilité de signaler la mort d’un proche via un formulaire. Certaines services, comme Facebook et Gmail, permettent, en outre, aux utilisateurs de préciser leurs volontés post-mortem. Mais ces initiatives restent discrétionnaires, en l’absence de cadre légal.

Comment faut-il s'y prendre ? Est-ce une démarche compliquée ?

Axelle Lemaire : Certains sites proposent des formulaires en ligne. D’autres traitent uniquement les demandes envoyées par courrier.Selon les plateformes, des justificatifs, tels un certificat de décès, une preuve de parenté… sont demandées. Les démarches, plus ou moins complexes, varient donc fortement selon les prestataires de services en ligne. Ce qui complexifie fortement les démarches des proches après le décès.

Donc, même si des solutions sont peu à peu mises en place par les entreprises concernées, clôturer l’ensemble des comptes ouverts en ligne par une personne décédée relève aujourd’hui du parcours du combattant.

C’est pour simplifier ce type de démarches et donner un cadre légal que j’ai souhaité l’établissement d’un droit à la mort numérique, dans le cadre du projet de loi pour une République numérique actuellement en cours d’examen par le Parlement.

En prévision de sa mort, a-t-on le droit de léguer à ses héritiers ses biens numériques ?

Axelle Lemaire : La réponse dépend du type de bien numérique concerné et du régime juridique applicable.

S’agissant des données personnelles hébergées en ligne, elles ne sont pas aujourd’hui considérées comme des biens à part entière, dont la propriété pourrait être cédée. C’est une garantie pour le respect de la vie privée des personnes de leur vivant, puisque la pleine maîtrise de l’usage de ces informations personnelles demeure un droit attaché à la personne. N’étant pas un patrimoine transmissible, ce droit individuel dont nous disposons tous sur nos données personnelles s’éteint à notre mort.

Il appartient alors aux prestataires de services de communication en ligne et plus particulièrement aux réseaux sociaux de permettre ou non aux personnes de décider de leur vivant quel sera le sort post mortem de leurs données, et qui pourra le cas échéant les récupérer. Tous n’offrent pas aujourd’hui cette possibilité…

Il faut avoir conscience que cette question peut être très délicate dans les familles : une personne peut vouloir transmettre certaines photos mais pas un historique d’emails qui lui était très personnel. Il faut permettre à chaque usager de choisir sa "boîte à chaussures" numérique, dans laquelle il transmet à ses héritiers les éléments souhaités…et seulement ceux-là.

Y aura-t-il bientôt la possibilité d'élaborer des testaments numériques ? Si oui, que pourraient-ils contenir comme directives ?

Axelle Lemaire : Avec la création d’un droit à la mort numérique, chacune et chacun pourra faire préciser ses volontés auprès d’un tiers de confiance numérique quant au devenir de ses données personnelles après sa mort.

Il sera également possible de charger un proche de s’assurer que ses dernières volontés sont respectées par les plateformes concernées.

Il appartiendra à la CNIL, dans le cadre de sa compétence générale, de veiller à la bonne application de ce nouveau droit, et le cas échéant de prononcer les sanctions à l’encontre des entreprises qui refuseraient la mise en œuvre de ce droit.

Le plafond de ces sanctions a été fortement augmenté lors de l’examen en première lecture du projet de loi pour une République numérique.* Par ailleurs, l’ensemble des prestataires de service de communication en ligne seront tenus de permettre à leurs utilisateurs de choisir de communiquer ou non ses données à un tiers désigné à l’avance via un formulaire accessible en ligne.

* Les sanctions pourront désormais aller jusqu’à 20M€ et 4% du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise, contre 150 000€ actuellement prévus dans le cadre de la loi CNIL de 1978.

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