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Avis aux amateurs de réunions en série : les meilleures idées ne sortent quasiment jamais de séances de travail en groupe
©Reuters

Pas tous à la fois !

Deux cerveaux valent mieux qu'un, a-t-on coutume de dire. Pourtant, les chercheurs de l'Université Arizona State Maxime Derex et Robert Boyd viennent de prouver le contraire. Les grands groupes de réflexion ne feraient qu’étouffer la créativité et l'innovation.

Olivier  Chanton

Olivier Chanton

Docteur spécialisé dans l'étude des processus de changement et auteur de la thèse "Stratégies de gestion des identités et influence sociale".

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Atlantico : Nous réfléchissons a priori mieux quand nous sommes en interaction avec les autres. Il serait donc préférable d'être le plus possible pour réfléchir ensemble à un problème compliqué, comme la recherche d'un vaccin contre une maladie mortelle, par exemple. Une expérience prouve au contraire que réfléchir à plusieurs étouffe l'innovation. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Olivier Chanton :Les grands groupes ont d'abord un effet inhibiteur dans les processus de réflexion. En effet, on a plus de mal à s'exprimer devant quinze personnes que devant trois, tout simplement car il y a plus de personnes prêtes à vous juger sur ce que vous allez dire. De bonnes idées novatrices peuvent ainsi rester au placard si la personne n'ose pas les formuler. 

Ensuite, les grands groupes entraînent le mimétisme, et donc freine par nature l'innovation. Les habitudes et les traditions culturelles d'un pays ou d'un groupe de personnes partageant une même passion par exemple ou une même idéologie sont extrêmement difficiles à remettre en cause. Il n'y a qu'à regarder les difficultés du gouvernement à réformer le Code du travail. Globalement, le changement implique de l'incertitude et donc une certaine mise en danger, ce qui ne sont pas des sensations agréables. Un individu appartenant à un groupe communautaire ou idéologique n'ira donc pas spontanément chercher à se mettre en danger, mais plutôt à tout faire pour être conforme aux attentes du groupe auquel il appartient. 

Enfin, les grands groupes entraînent une certaine paresse intellectuelle. Il a en effet été prouvé que pour effectuer des tâches simples et réfléchir à des processus basiques, le fait d'être en groupe permet d'être plus productif. En revanche, lorsque la mission devient plus compliquée, les personnes appartenant à un grand groupe de réflexion vont plutôt avoir tendance à se reposer sur les idées des autres. De manière générale, plus le problème est compliqué, plus la solitude est salutaire dans l'avancement de la réflexion et des solutions.

Au contraire, des recherches effectuées en petits groupes séparés ont été plus efficaces. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Les petits groupes de réflexion ont tous les effets inverses des grands groupes de réflexion.

D'abord, les petits groupes diminuent l'inhibition, car il y a moins de personnes pour vous juger.

Ensuite, il est intéressant de noter que les petits groupes de réflexion donnent souvent lieu à des compétitions intellectuelles entre les acteurs, ce qui les pousse à avoir beaucoup plus d'idées.

Enfin, le fait d'être peu à devoir résoudre un problème génère un sentiment de responsabilité, qui pousse à l'esprit d'initiative. 

Transposés au monde professionnel, ces résultats signifient-ils qu'il vaut mieux organiser des réunions en plus petit nombre pour être plus innovant ?

Je pense que le facteur le plus déterminant dans les processus de réflexion est l'inhibition, plus que le nombre en soi. On peut très bien être impressionné par cinq personnes si l'on est de nature timide et en présence de personnes aux positions hiérarchiques plus élevées, alors que d'autres employés au caractère plus trempé ne seront pas impressionnés lors d'une réunion de vingt personnes.

Le deuxième facteur déterminant est aussi la paresse intellectuelle que génère un grand groupe.

C'est justement faire disparaître ces deux facteurs qui ralentissent l'innovation qu'ont été inventés les "brainstormings", ces petits groupes de réflexions conçus dans le but de mettre toutes les idées de tous les participants sur la table avec l'accord tacite qu'il n'y ait pas de jugement, parfois en buvant de l'alcool ou en consommant de la drogue pour faire tomber les dernières inhibitions.

Après, je pense qu'il est fondamental de préciser que dans les processus d'innovation, il y a toujours des dimensions collectives. Même si des génies existent, comme Albert Einstein ou Steve Jobs par exemple qui n'ont jamais eu besoin de personne pour révolutionner tout un domaine et refaire le monde en quelques mois, rares sont les personnes qui innovent en-dehors de tout contexte collectif. Une innovation s'appuie toujours sur des choses qui ont été créées auparavant.

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