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Comment de nombreux riches se sont fait avoir par une chaîne de Ponzi autour de… grands vins
©Reuters

Hips

La belle affaire s'est transformée en cauchemar. Premier Cru, un caviste californien, encaissait les commandes de ses clients mais ne livrait pas les bouteilles. 9000 Américains ont bu le calice jusqu'à la lie, y compris un administrateur de Goldman Sachs.

Dan Rosenheck, éditorialiste à The Economist, s'est formé le palais pendant quelques années, tout en restant un amateur de vin en herbe. Suffisamment longtemps cependant pour apprendre le nom des vins et des crus les plus emblématiques, sans pouvoir toutefois n'en déguster plus d'une poignée en raison des tarifs. Comme beaucoup de néophytes, il s'est essayé sur les Bordeaux, en mémorisant le fameux classement de 1855.

Un classement emblématique des vins de Bordeaux

Etabli sur des critères de prix, ce classement des grands vins de Bordeaux n'a presque pas évolué depuis cent soixante ans. Ce qui l'expose à bien des critiques. Mais si personne aujourd’hui n’affirmerait que ce jugement des courtiers de 1855 peut encore s’appliquer très exactement à la situation actuelle du bordelais, leur liste reste d’une remarquable validité. Elle conserve un grand pouvoir promotionnel, non seulement pour les vins classés, mais aussi pour ceux de toute la région. Aucune autre région viticole au monde ne possède un aussi prestigieux outil de classification. C’est une carte incomparable, fiable et rassurante, pour guider les novices dans leurs premiers choix de bouteilles. Ainsi, le label "Grand Cru classé en 1855" est une garantie légendaire de qualité.

De 600 à plus de 1000 euros la bouteille

Comme il le narre dans un papier fleuve dans The Economist, dans son panthéon personnel, Dan Rosenheck place le premier cru Château Lafite en haut de sa liste, en raison de son prix exhorbitant et parce que ses compagnons de beuverie le lui ont chaudement recommandé. Au vu des prix pratiqués, un millésime récent peut coûter de 600 à plus de 1000 euros la bouteille, Dan Rosenheck se crée alors une alerte sur Internet pour ne pas rater la bonne affaire, tout en se réconfortant avec d'autres premiers crus plus accessibles, comme Margaux, Haut-Brion ou Mouton Rothschild.

Des vins à 40% moins chers

Enfin, en février 2015, un mail d'un négociant californien, Premier Cru (PC), l'avertit qu'un Lafite est disponible au prix de 436 euros. Seul hic, il est stipulé en très petits caractères de régler la bouteille toute de suite mais qu'elle ne se trouve pas en stock et que le site doit la commander... Premier Cru, familier de cette pratique, propose des vins vedettes de 10 à 40% en dessous des prix du marché. Mais l'intégralité de sa cave est virtuelle et aucune date de livraison n'est indiquée. Le site attend les conditions les plus favorables pour faire son marché et ensuite servir ses clients.

Une sorte de système de Ponzi

Pour les non-initiés, ce système peut sembler louche, comme si l'on a affaire à une escroquerie, un système de Ponzi. Cette société, fondée en 1980, en cas de litige, après des retards interminables, offrait des remboursements en espèces mais sans payer d'intérêts. Sur les forums de discussion, les critiques se sont mises à pleuvoir et à l'automne 2015, plus d'une dizaine d'acheteurs ont intenté des poursuites judiciaires. John Fox, le patron, interrogé par le New York Times, rétorque que "peu de ses clients sont importunés par les délais d'attente. Que seuls les Asiatiques ont un sentiment d'insécurité car ils ne sont pas de la région, la Californie". Des propos très limites...

Mais comme un joueur de poker, Dan Rosenheck n'a pas écouté ces critiques et a multiplié ses achats, certain de faire de très bonnes affaires. Il n'est pas le seul à s'être embarqué dans cette galère.

Certains ont bu le calice jusqu'à la lie

D'autres flambeurs ont également connu une déculotée, comme Arthur Patterson, un investisseur en capital risque, qui a investi 836 500 $, ou Adebayo Ogunlesi, un membre du conseil d'administration de Goldman Sachs, pour 479 000 $. Mais la jet-set financière n'était pas la seule à être touchée car 9000 personnes sont toujours en attente d'une livraison, avec des sommes débutant à 8 dollars. Pendant trois décennies, Premier Cru a récompensé ses clients fidèles pour leur dévouement. Mais le 10 décembre 2015, l'entreprise a fermé sa vitrine chic de Berkeley. Les appels téléphoniques ont été acheminés vers une messagerie vocale annonçant que PC était "en train de passer à la vente en ligne uniquement". Comme un feu de paille, les clients ont alors commencé à exiger des remboursements. Et le 8 janvier 2016, Premier Cru a déposé son bilan, déclarant 7 millions de dollars d'actifs contre 70 millions de dollars de passifs. Pour l'heure, personne ne sait si PC avait bien commandé le vin demandé par ses clients.

Dan Rosenheck en a eu pour 2 116,95 $ de sa poche, mais cet esthète de la bouteille se dit toujours aussi friand des grands vins de Bordeaux...

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