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De l’inflation considérée comme un pneu
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Ça se dégonfle

Alors que la France peine à se sortir du marasme économique dans laquelle elle est plongée, le niveau de l'inflation reste toujours aussi capital aujourd'hui.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Le pneu inflation est très plat dans ce monde, à tel point que l’économie ralentit. On craint l’arrêt, voire la marche arrière. Que se passe-t-il donc ? Un profond changement dans l’équilibre des forces s’opère devant nous. En effet, les hausses des prix ont toujours leurs symétriques : les baisses. Surtout, "avant", il y avait toujours un peu plus de hausses que de baisses, un peu plus d’inflation que de déflation. Les hausses, ce sont les salaires dans les services privés et publics qui augmentent plus que la productivité, plus impôts et taxes. Les baisses, ce sont les prix des produits industriels qui diminuent grâce aux innovations et aux gains de productivité – au-delà des hausses de salaires.

Pendant plusieurs années, un pneu gonflé à 2% d’inflation a ainsi permis aux économies industrialisées de rouler. C’est ce que voulaient les banquiers centraux. Chacun pouvait alors "voir" le futur et se préparer aux à-coups. Les patrons pouvaient augmenter les salaires et planifier les profits, donc les investissements matériels et immatériels, les embauches, les investissements et désinvestissements financiers. Les ménages pouvaient consommer, placer et s’endetter dans un monde plus prévisible. Tout roulait assez bien.

"Avant", avec 2% d’inflation, on avait aussi de la marge si le pneu commençait à se dégonfler. Le délai était suffisant pour réagir et baisser les taux d’intérêt, donc pour ajouter de l’air. On retrouvait les chers 2%. C’était gagné. La crédibilité des banques centrales se renforçait.

"Avant", en sens inverse, quand le pneu inflation dépassait 2%, il fallait monter les taux. Le pneu était trop gonflé, du fait d’un excès d’air. Il venait de revenus en hausse trop forte, soit parce que l’activité accélérait – soutenue par trop de crédit, soit sous l’effet de mouvements spéculatifs – dopés par des financements trop abondants. Agir, c’était diminuer l’air qui entrait dans le pneu inflation en augmentant les taux d’intérêt et plus encore en avertissant qu’on allait continuer à le faire. L’argent devenait plus cher, l’idée entrait dans les têtes que ce n’était pas fini. Les entreprises ralentissaient leurs projets, les acheteurs d’actions ou d’actifs refaisaient leurs calculs. Les prix des actifs financiers paraissaient bien chers, les profits moins assurés. Le pneu se dégonflait, l’activité ralentissait, les prix aussi, vers 2%.

Mais, même "avant", tout n’était pas toujours mécanique. Le pneu pouvait continuer à gonfler, même si les taux d’intérêt continuaient à monter. Rien n’y faisait. Une bulle se formait, dans l’immobilier ou dans un secteur devenu fou, la "nouvelle économie" par exemple. L’immobilier montait sans cesse, "parce que" c’était la vue sur la mer ou "parce que" c’était Londres. De son côté, telle ou telle start-up allait conquérir le monde. Mais vient toujours un moment, avec les taux qui montent et l’économie qui ralentit, où l'on "découvre" qu’on ne voit plus la mer depuis l’appartement que l’on a acheté si cher, et à crédit, que Londres est hors de prix, que la start-up piétine. La bulle crève. Le pneu se dégonfle et menace de tout freiner. Il faut rebaisser les taux d’intérêt.

Aujourd’hui, le pneu inflation est dangereusement plat. Les ordinateurs renforcent la concurrence et chamboulent les structures. Uber ou Airbnb font baisser les prix. En outre, le prix du pétrole chute, plus ceux des autres matières premières et des produits importés des pays émergents. La seule inflation qui demeure est interne, avec les services, autour de 2%… mais la désinflation importée est aussi de -2% ! Entre dans le pneu autant d’air qu’il en sort.

Alors, tous les cailloux et les trous se ressentent. Le pneu n’amortit plus rien. Au contraire, il accentue les chocs et augmente les inquiétudes. Il fait ralentir la croissance et les prix, avant de les pousser à la baisse. Il se dégonfle !

Alors, il faut traiter le pneu en lui insufflant beaucoup plus d’air qu’« avant ». C’est le quantitative easing, l’achat de bons du trésor par les banques centrales. Les taux baissent partout. Les épargnants investissent dans les entreprises, pour trouver une meilleure rentabilité. Les entreprises en profitent pour se restructurer. L’activité s’ébranle. En même temps, les Etats doivent en profiter pour faire des réformes afin de soutenir la croissance et l’emploi. Il s’agit de retrouver vite ces 2 % d’« avant ». Et on verra comment ce pneu tient, sur cette nouvelle route.

Cet article a également été publié sur le site de Jean-Paul Betbèze, visible ici

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