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Et si les législatives 2017 s’avéraient être le moteur d’une grande recomposition politique : combien de circonscriptions se retrouveront-elles dans une situation de type PACA ou Nord-Pas-de-Calais aux régionales ?
©Flickr

Secousses à prévoir

Si l'élection présidentielle de 2017 est déjà dans toutes les têtes dans le petit monde politique française, les législatives qui suivront n'en demeurent pas moins capitales. Alors que les possibilités de triangulaires de second tour s'annoncent nombreuses, on pourrait assister à une recomposition de la vie politique.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Malgré les différences de scrutin, et dans une logique de percée du Front National au travers de triangulaires, dans quelles proportions est-il envisageable de voir le scénario des dernières élections régionales se répéter pour les prochaines législatives de 2017 ? Quelles seraient les forces politiques susceptibles de profiter d'une telle configuration ?

Jean Garrigues : Si l'on se fie aux dernières élections régionales, on peut considérer que le Front national représente à peu près 30% de l'électorat. Toutefois, la logique des fiefs, souvent importante pour les législatives, pourrait conduire dans certaines régions à amenuiser ce potentiel des 30%. Mais dans d'autres régions, on peut considérer que le FN pourrait se trouver en situation de remporter un certain nombre de sièges, notamment dans le Nord et en PACA. La logique d'une percée du FN est tout de même tributaire, y compris dans ces deux régions, du front républicain et du réflexe de défense républicaine qui a joué de manière très efficace lors des régionales pour permettre à Xavier Bertrand et Christian Estrosi de remporter deux régions qui étaient menacées. Si ce réflexe rejoue, et il n'y a pas de raisons qu'il ne rejoue pas, la percée supposée du FN ne sera pas aussi importante qu'on pourrait l'imaginer.

Il est certain qu'il y aura beaucoup plus de triangulaires qu'aux dernières législatives de 2012. De plus, la répartition de ces triangulaires sera à mon sens plus nationale : la plupart des régions seront concernées. Et je pense que cette logique de triangulaire sera elle aussi contrebalancée par la logique de front républicain. Tout cela est évidemment tributaire de ce que serait le résultat de la présidentielle.

En cas de victoire de François Hollande, on peut penser à une configuration de recentrage du Parti socialiste et une alliance potentielle avec le centre qui, au moment des législatives, pourrait conduire à limiter la casse pour les socialistes. Je pense qu'en dépit de la victoire de François Hollande, il y aurait selon moi un repli des socialistes, une multiplication de candidats dissidents au PS, et une fragmentation de la gauche à coup sûr. Même sans candidats dissidents, il y aura des candidatures du Front de gauche ou des écologistes qui seront peut-être plus combattifs qu'ils ne l'étaient en 2012. Ces éléments pourraient conduire à affaiblir le Parti socialiste, sauf qu'il y aurait l'effet de la réélection de François Hollande et d'un report éventuel d'une partie de l'électorat centriste vers des candidats socialistes.

Nous nous sommes aperçus lors des dernières régionales que le report de l'électorat de droite sur les socialistes se fait beaucoup moins bien que le report de l'électorat de gauche vers un candidat de droite. Si un candidat de droite est élu président de la République (Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy), il est vraisemblable qu'il y aurait un effet d'amplification de la victoire de la droite et une poussée très nette qui se ferait au détriment à la fois de la gauche et du Front national.

En fonction de celui qui va remporter la présidentielle, les législatives seront très différentes. A priori, une victoire du candidat de la droite donnerait une majorité nette d'élus de droite, un très net recul du PS, un effondrement de la gauche de la gauche et un tassement du Front national.

En revanche, si c'est un candidat de gauche (a priori François Hollande) qui l'emporte, ce serait beaucoup plus compliqué. Le discrédit de son quinquennat et la difficulté de l'électorat de droite d'aller vers la gauche engendrerait une majorité très fragile pour les socialistes. D'où la nécessité de conclure des alliances de second tour de type front républicain.

Quel peut être l'impact de l'échéance des élections législatives sur le calendrier politique de 2016 et 2017, et notamment sur l'élection présidentielle ? Du point de vue des candidats, en quoi une telle situation est-elle susceptible de modifier les termes de la campagne et de l'élection présidentielle ? 

S'ils veulent éviter une cohabitation, les candidats devront consolider leur majorité présidentielle lors des législatives. L'échéance des législatives donne un avantage à ceux qui tiennent les partis et les appareils partisans (en l'occurrence François Hollande et Nicolas Sarkozy). C'est le parti qui décide des investitures et qui organise les campagnes.

De ce point de vue-là, par exemple, on peut constater que la "fronde" au PS a ses limites : un député frondeur socialiste est obligé de penser à sa réélection et donc à l'appui du parti. Or le parti, depuis le congrès de Poitiers, s'est aligné sur la motion de Jean-Christophe Cambadélis, orchestrée par François Hollande et Manuel Valls. La perspective des législatives renforce donc la position de François Hollande, soit dans le sens où il passerait outre la possibilité d'une primaire, soit, en cas de primaire, en bénéficiant de ce moyen de pression.

A droite, il y aussi une tendance à privilégier celui qui tient l'appareil partisan (organisation des militants, structures des campagnes, choix des investitures). En revanche, la prééminence du chef de parti sera moins sensible qu'à gauche. En effet, à droite nous sommes sûrs qu'il y aura une primaire, et même s'il tient le parti, Nicolas Sarkozy risque de ne pas être le candidat. D'autant plus que s'il est effectivement candidat à la primaire (très probable…), il devrait alors se mettre en congé de la direction du parti.

Pour revenir à votre question, il y a aussi la perspective des alliances. On peut imaginer que la probabilité de front républicain en cas de triangulaires (et il y en aura beaucoup) soit beaucoup plus forte avec Alain Juppé président qu'avec Nicolas Sarkozy. Il y a en effet un rejet catégorique de Sarkozy par une grande partie de l'électorat de gauche, alors qu'on observe plutôt une sympathie ou au moins une bienveillance avec Juppé. La droite pourrait alors se dire que si elle veut bénéficier de l'effet front républicain, il lui faudrait présenter un candidat de droite "socialo-compatible" tel qu'Alain Juppé, même si ça pourrait aussi être un Bruno Le Maire.

En cas de candidature puis de victoire de François Hollande à la présidentielle 2017, est-il possible d'envisager une nouvelle cohabitation, malgré le changement de calendrier électoral depuis 2002 ? Une telle situation peut-elle également s'envisager avec d'autres candidats ? Pour quelles conséquences ?

Il faudrait ici une étude fouillée circonscription par circonscription des rapports de force, et encore, ceux-ci peuvent être très fluctuants. Toutefois, il est vraisemblable que même une victoire de François Hollande ne se fera qu'au prix d'une campagne plus centriste que celle de 2012. On ne verra plus un discours comme celui du Bourget. Cela permettrait au moment des législatives de pouvoir compter sur un report de voix centristes sur les candidats socialistes, quitte à voir un nouveau type de coalition gouvernementale d'ouverture vers le centre.

L'hypothèse d'une cohabitation avec François Hollande président de la République est beaucoup plus probable que celle d'une cohabitation avec Alain Juppé à l'Elysée, par exemple. Voir Hollande se faire réélire, cela implique qu'il soit devant le candidat de droite au 1er tour. Dans l'état actuel des choses, cela impliquerait que ce soit Nicolas Sarkozy le candidat de la droite, car on peut penser qu'Alain Juppé battrait assez nettement Hollande en cas de duel.

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