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Réfugiés : la France absente du débat européen
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La grande muette

Les réfugiés seront au centre du sommet UE-Turquie qui doit se tenir ce lundi. Mais quelle sera la position défendue par la France dans ce dossier qui dynamite les uns après les autres les piliers de l’Union ? Manifestement, l’exécutif français se préoccupe plus des problèmes intérieurs que des sujets européens, à moins qu’il ne soit dépassé par la situation.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les réfugiés au coeur du sommet européen

L’essentiel du débat européen, lundi, portera sur l’intention ou non de la Turquie et de la Grèce de jouer aux garde-frontières de l’Union. Comme prévu, des centaines de milliers de réfugiés sont prêts, en 2016, à venir en Europe. Pour les pays situés sur le trajet de la Turquie à l’Allemagne, cette annonce prend des proportions dramatiques. La Grèce, au premier chef, la Macédoine, la Hongrie, l’Autriche, considèrent qu’elles ont fourni un effort maximal en 2015 et qu’elles ne peuvent plus recevoir de nouveaux venus.

Plus que jamais, la situation semble inextricable.

L’appel grec au secours face aux réfugiés

Comme les frontières se ferment les unes après les autres, la Grèce devient le Calais de l’Union. Pour le gouvernement grec, déjà sous l’eau du fait des mesures économiques imposées par ses partenaires européens, la situation est politiquement intenable. Comment expliquer aux Grecs qu’ils doivent se serrer la ceinture pour rembourser la dette nationale et faire un effort de plus pour accueillir des réfugiés dont leurs créanciers ne veulent pas?

Comme à son habitude, Tsipras s’est donc fendu d’un discours maladroit qui devrait ne pas convaincre les pays concernés:

« L’Europe est en crise de nerfs », a déclaré Tsipras qui s’exprimait lors d’une réunion du comité central de son parti, Syriza. « Est-ce qu’une Europe de la peur et du racisme va supplanter une Europe de la solidarité ? », s’est-il interrogé.

« L’Europe d’aujourd’hui est écrasée sous l’austérité et les frontières fermées. Elle laisse ses frontières ouvertes à l’austérité mais les ferme à ceux qui fuient la guerre », a poursuivi Tsipras.

« Des pays, l’Autriche en tête, veulent imposer la logique de l »Europe-forteresse’ (…) Nous ne montrons personne du doigt, mais nous sommes contre ceux qui succombent à la xénophobie et au racisme. »

L’Autriche ne veut plus de migrants

Tsipras fait ici clairement allusion à l’Autriche dont la position paraît en pointe dans le refus de voir des réfugiés arriver. La tension est même montée d’un cran entre l’Autriche et l’Allemagne sur cette question.

« L’Allemagne doit fournir un nombre de réfugiés qu’elle est prête à accepter en provenance de la région de Syrie et de Turquie. L’Allemagne doit enfin clarifier sa position sinon les réfugiés vont continuer à prendre la direction de l’Allemagne », déclaré Werner Faymann <le chancelier autrichien>.

« Si on reprend les critères autrichiens, l’Allemagne pourrait fixer ce quota à environ 400.000. Tant que l’Allemagne n’annonce pas cela, ce qui va se produire est évident. Les réfugiés vont continuer à croire qu’ils peuvent passer », a-t-il poursuivi. (…)

Werner Faymann estime que le sommet de lundi doit résoudre trois problèmes: améliorer la coopération avec la Turquie dans la lutte contre les passeurs clandestins et dans le retour des migrants refoulés, mettre fin à la libre circulation des réfugiés, s’accorder sur un système permettant aux Etats membres de l’UE d’accueillir les demandeurs d’asile avec l’aide du Haut commissariat de l’Onu au réfugiés.

Dans une autre interview également publiée dimanche, le ministre autrichien la Défense a déclaré que son pays ne prendrait aucune part au système des quotas visant à répartir les réfugiés entre les pays membres de l’UE parce qu’il a déjà suffisamment contribué dans la gestion de cette crise.

Au moins, on sait où vont les Autrichiens dans ce dossier.

La France absente du débat sur les réfugiés

Alors que l’Europe bouillonne sur la question des migrants, la France reste extraordinairement silencieuse, comme si elle était simple spectatrice et totalement suiveuse de l’Allemagne, où Angela Merkel a dénoncé ce week-end les positions hostiles de l’AFD.

On cherche vainement trace d’une position française sur le sujet. Notre brillant ministre des Affaires Étrangères Jean-Marc Ayrault semble beaucoup plus occupé par le dossier ukrainien ou le dossier syrien que par la question des réfugiés. Voilà ce qui s’appelle avoir le sens des priorités!

Quant au secrétariat général aux affaires européennes, il a publié une prise de position sur le sujet (une interview de Bernard Cazeneuve, diplomate bien connu) le 25 février, dont le contenu était :

Je pense que ce que nous devons faire aujourd’hui, c’est appliquer les décisions que nous avons déjà prises. C’est-à-dire aider les Grecs à mettre les hotspots, c’est ce que nous faisons avec l’Allemagne ; continuer à discuter avec la Turquie pour tarir le flux, parce que si le flux s’amplifie nous aurons une difficulté à gérer la situation humanitaire en Europe et nous mettrons les migrants en difficulté. Ce que nous devons faire c’est appliquer le processus de relocalisation et de réinstallation tel qu’il a été décidé ; ce que nous devons faire c’est lutter de façon déterminée contre les filières de l’immigration irrégulière et les passeurs qui sont de véritables acteurs de la traite des êtres humains ; ce que nous devons faire c’est lutter contre les faux documents parce que Daesh a récupéré des milliers de passeports vierges en Irak et en Syrie, et que nous devons assurer la sécurité de l’accueil des migrants en Europe.

Bref, conforme à sa tradition maintenant bien ancrée, la France de Hollande fore droit quoiqu’il arrive.

Combien de réfugiés pour la France ?

Comme je l’ai indiqué récemment, la France, au titre de sa logique de relocalisation, devrait désormais accueillir de nombreux réfugiés, même si ceux-ci ne veulent pas venir. Alors que la Grande-Bretagne ferme ses frontières, que l’Allemagne devrait réduire son effort (probablement à 400.000 accueils en 2016), la France, au nom du sauvetage de Schengen, devra mettre la main à la pâte.

Petit problème: cet accueil ne suscite l’enthousiasme de personne. Près de 3 Français sur 5 sont hostiles à une venue massive de migrants en France.

Pour François Hollande, le dossier des migrants risque de se révéler très très acrobatique.

Article originellement publié sur le site d'Eric Verhaeghe

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