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Auriez-vous pu être un tueur en série ? Les nouvelles réponses des scientifiques sur ce qui produit un monstre
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Folie criminelle

Si des anomalies chromosomiques ou génétiques peuvent favoriser le passage à l'acte, elles n'en sont pas la cause première. Étude après étude, force est de constater qu'on ne naît pas tueur en série, mais qu'on le devient, et que chacun d'entre nous aurait donc pu l'être.

Nadia  Fezzani

Nadia Fezzani

Nadia Fezzani est journaliste, auteure du livre "Mes tueurs en série", édité aux éditions de l'Homme.

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Atlantico : Des scientifiques ont trouvé des anomalies chromosomiques chez certains tueurs en série, une faible activité dans le cortex orbital qui pourrait conduire à un comportement psychopathique et un gène connu comme le gène guerrier qui pourrait également jouer un rôle dans le comportement des psychopathes. Tous ces éléments induisent que les tueurs en série seraient physiquement différents des personnes normales. Selon vos recherches, devient-on ou naît-on tueur en série ?

Nadia Fezzani : D'abord, il faut préciser que le sujet de l’étude n’est pas nouveau; cela fait un certain temps que les tueurs en série fascinent et que l'on cherche des causes scientifiques à l'existence de ce genre de monstre.

Mais on ne nait pas tueur en série, on le devient.

Les anomalies chromosomiques et génétiques qui sont observées chez certains tueurs en série sont bien réelles, mais elles ne sont pas présentes chez tous ces individus.

De plus, ces anomalies chromosomiques et génétiques sont aussi observées chez des individus qui ne sont absolument pas des tueurs en série, donc elles ne sont pas déterminantes. Elles peuvent faire en sorte qu’une personne soit plus agressive que la normale, par exemple, mais elle n’est pas la raison pour laquelle une personne passe au meurtre. En tout cas, rien n'a jusqu'ici été scientifiquement prouvé.

Ces mêmes scientifiques ont aussi mis en évidence qu'un abus ou un traumatisme qui a eu lieu dans son enfance peut être favorable au développement d'un tueur en série. Selon vos recherches, pensez-vous que cette hypothèse soit plausible ?

Oui, tout à fait.

Les cerveaux de tueurs en série se développent différemment au cours de leur croissance, suite à une série de traumatismes violents qui n'ont pas été pris en charge par une structure psychologique adaptée. Il peut s'agir d'abus sexuels, d'enfants battus, d'adoptions qui se passent mal et fait que l'individu se sent rejeté, de harcèlement scolaire, etc...

Par exemple, le tueur en série Gary Grant (qui a commis 4 meurtres, 2 adolescentes et 2 jeunes garçons) a été victime d'abus sexuels de la part de sa mère, son père est parti de la résidence, et il était aussi victime de harcèlement à l'école. Quant à Joel Rifkin, qui a tué 18 femmes entre 1989 et 1993 à New York, son adoption ne s'est pas bien passée. Son père adoptif l'a totalement rejeté alors qu'il adorait sa sœur, elle aussi adoptée. Rifkin marchait toujours le dos courbé, portait des pantalons trop courts pour sa taille, était très introverti; il se faisait  violemment harceler à l'école à cause de tout ça, ses camarades allant jusque lui mettre la tête dans les toilettes.

Tous les enfants et les adolescents qui subissent des traumatismes même violents ne deviennent pas des tueurs en série. Qu'est-ce qui fait que certaines personnes passent à l'acte et d'autres non ?

Chaque personne réagit différemment aux mêmes événements. Certaines sont plus fortes que d’autres pour certaines choses, et vice versa. Personne n’est pareil.

La série de traumatismes subie pendant l'enfance ou l'adolescence par les tueurs en série sont des traumatismes qui leur enlève toute confiance en soi. Et donc,si l’enfant victime n'est pas pris en charge psychologiquement à temps et n'arrive pas à gérer ses traumatismes, alors il a de très fortes chances d’avoir des problèmes psychologiques : il peut devenir renfermé et s’isoler, être agressif envers les gens en général, devenir un conjoint violent, et, dans ce cas-ci, devenir un tueur en série. Pour ces individus, tuer quelqu'un leur redonne une confiance en soi temporaire et extrême; ce sont eux qui décident si la victime souffre ou ne souffre pas, si elle meurt ou si elle survit. 

Et ce sentiment éprouvé pendant le meurtre est tellement puissant et tellement régénérant que, comme pour une drogue dure par exemple, le tueur ne peut plus s'en passer. Tuer devient alors une véritable addiction.

Que se passe-t-il dans la tête d'un tueur en série lorsqu'il passe à l'acte ?

À moins de faire partie de rares tueurs en série psychotiques - avec des problèmes de schizophrénie, par exemple -   ils savent très bien qu’il ne doivent pas agresser et tuer, mais ils le font quand même.

Comme dans le cas de dépendance aux narcotiques, ils ne peuvent pas s’arrêter.

Y a-t-il des traits communs à tous les tueurs en séries ? Finalement, comme décrire précisément ce qu'ils sont ?

On définit un meurtrier comme un tueur en série lorsqu'il a tué plus de trois personnes, avec un lapse de temps entre les meurtres. Mais la définition change : de plus en plus, on considère qu’un tueur devient un tueur en série après avoir mis à mort deux personnes (ou plus), avec un laps de temps entre les meurtres, puisqu’après ce nombre, les chances qu’il arrête soudainement sont très minces.

Le point commun entre tous les tueurs en série que j'ai rencontrés sont leurs traumatismes graves et  et multiples, ainsi qu'un rejet subi pendant l'enfance et l'adolescence et une faible estime de soi.

Ce sont aussi des sujets qui n'ont pas du tout été pris en charge, ou alors d’une façon qui n’était pas adéquate pour eux. Si on soigne psychologiquement une personne pour des traumatismes aussi graves que des abus sexuels assez tôt, elle gardera des séquelles à l'âge adulte bien sûr, mais ne deviendra pas un tueur en série. Ce genre de traumatismes, même traités, vont quand même affecter les victimes.

De plus en plus de recherches mettent en évidence l'origine génétique et des malformations cérébrales des tueurs en série. Dans ce cas, doit-on, selon vos recherches, les juger et les condamner comme de vrais êtres humains responsables de leurs actes ou comme des êtres irresponsables qu'il faut soigner ?

Je crois que la place des tueurs en série est malheureusement en prison, car ce sont des personnes tout à fait conscientes de leur acte. Dans mon livre, je cite l'exemple d'un tueur en série qui donnait des indices à la police en écrivant au rouge à lèvre sur les miroirs de ses victimes "s'il vous plait, arrêtez-moi avant que je tue encore. Je n’arrive pas à me contrôler". 

Seul 2 à 4% des tueurs en série sont déclarés irresponsables de leurs actes et son internés en hôpital psychiatrique. C'est par exemple le cas des psychotiques, qui entendent des voix qui leur disent de tuer.

De plus, une fois arrivé à l'âge adulte, les tueurs en série ne changeront pas; ils ont leur cerveau formé d’une façon (psychopathie) qui ne se modifiera plus . Certains sont mêmes très honnêtes et reconnaissent tout à fait que si ils sortent de prison, ils recommenceront. C'est d'ailleurs ce que m'a confié dans une lettre le tueur en série Gary Grant, après plusieurs mois de déni.

Notons cependant que les psychopathes ne sont habituellement pas des individus violents, mais plutôt des gens très "contrôlants", comme des patrons de compagnies.

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