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Après PSA, c'est Renault qui redémarre : simple répit ou véritable sortie de crise pour l’automobile française ?
©Reuters

Vitesse supérieure

Quelques jours après PSA, c'est Renault qui a annoncé ce mardi des mesures d'augmentation de pouvoir d'achat pour ses salariés. Alors que les ventes de voitures neuves ont augmenté de 13% en février, le secteur automobile français est peu à peu en train de relever la tête. La consommation des ménages et l'implantation sur de nouveaux marchés y sont pour beaucoup.

Christopher Dembik

Christopher Dembik

Avec une double formation française et polonaise, Christopher Dembik est diplômé de Sciences-Po Paris et de l’Institut d’Economie de l’Académie des Sciences polonaise. Il a vécu cinq ans à l’étranger, en Pologne et en Israël, où il a travaillé pour la Mission Economique de l’Ambassade de France et pour une start-up financière. Il est responsable de la recherche économique pour le Groupe Saxo Bank. 

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Atlantico : Le marché automobile français a enregistré en février une hausse de 13% des immatriculations. Après avoir été durement touché par la crise, ce secteur connaît aujourd'hui une embellie. Cette embellie est-elle réelle ou est-il encore un peu tôt pour crier victoire ?

Christopher Dembik : Il convient de regarder la tendance à long terme. Sur l’année 2015, la hausse fut de l’ordre de 6,8%, ce qui confirme une reprise indéniable. Le mouvement s’est beaucoup accéléré en février après un mois de janvier plus qu’honorable (+3,5%). Il est toutefois peu probable que le secteur automobile continue sur une telle lancée, avec une progression à deux chiffres des immatriculations dans les mois à venir. Le marché reste sur une tendance favorable mais les prochaines progressions mensuelles devraient être d’ampleur plus faible. Le chapitre de la crise financière mondiale n’est donc pas encore complètement tourné pour le secteur.

Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer un tel rebond du secteur automobile français, notamment chez PSA et Renault ? Quelle part attribuer aux "efforts" réalisés par les constructeurs, et quelle part attribuer à la demande des consommateurs, aussi bien au niveau national qu'à l'étranger ?

Le rebond s’explique en grande partie par la consommation des ménages. Il s’agit de la soupape de sécurité de l’économie française qui prouve, une nouvelle fois, son efficacité avec le secteur automobile. Les dernières données concernant la consommation des ménages en France sont rassurantes. A noter aussi que les dépenses en biens durables, qui comprennent les achats automobiles, et qui sont plus représentatives de la tendance à long terme, sont positives. En parallèle, les constructeurs ont en grande partie réussi leur mue, maintenant leur positionnement en Europe, tout en parvenant à s’implanter sur les marchés en développement. Contrairement à d’autres secteurs d’activité, comme le luxe par exemple, ils n’ont pas fait l’erreur de croire que l’avenir se jouera uniquement dans les pays émergents, conduisant ainsi à délaisser les consommateurs des pays développés. On peut saluer leur sagesse stratégique. Ils ont également noué des partenariats avec des acteurs susceptibles de leur permettre de se développer, comme PSA avec le chinois Dongfeng. Ils se sont ouverts à la mondialisation même si l’Etat, actionnaire de Renault et de PSA, s’assure que les intérêts français sont bien préservés.

Après une crise qui dure depuis près de 10 ans, le secteur automobile français a-t-il les moyens de retrouver ses niveaux de production d'avant-crise ? Alors que les ventes de véhicules électriques sont actuellement en progression, les marques françaises ont-elles les cartes en main pour profiter d'un avenir "meilleur" ?

Le secteur automobile français est compétitif et a les moyens de se battre face aux concurrents. Il est très bien implanté en Europe, qui reste un marché mature mais dynamique avec de solides perspectives de progression pour les années à venir et, surtout, il a réussi à s’implanter hors d’Europe, en particulier dans les pays émergents. La décélération du marché chinois qui a été observée en 2015 (hausse de seulement 4,7% des ventes de véhicules par rapport à 2014) devrait  continuer et peser sur les ventes en Asie mais le secteur peut également compter sur d’autres marchés porteurs, comme l’Inde ou encore l’Iran. Les espoirs liés à la levée des sanctions internationales contre l’Iran sont importants. Le marché iranien pourrait permettre aux constructeurs français de contrebalancer le ralentissement chinois. Il s’agit du 11ème marché mondial pour le secteur avec une progression des ventes qui pourrait être rapide puisque le taux de motorisation est inférieur à celui de la Chine mais, dans le même temps, le PIB par habitant est élevé, à environ 12 800 dollars. Comme les marques françaises, en particulier Renault, sont bien identifiées par le consommateur iranien, on peut anticiper que le pays va constituer un marché clé dans les prochaines années. Enfin, on peut prévoir que les constructeurs hexagonaux profitent à la marge des déboires de Volkswagen mais cet effet d’aubaine devrait être de courte durée.

L’électrique constitue indéniablement un créneau d’avenir mais il est peu probable qu’il s’agisse d’un relais de croissance pour le secteur à moyen terme. Les voitures électriques ne représentent qu’à peine 1% du marché français. Il y a encore un vrai problème d’adhésion du consommateur à ce mode de transport spécifique. Il s’explique par le coût encore élevé des véhicules électriques mais aussi par les limites technologiques actuelles. Les batteries ne sont pas pleinement performantes mais celles qui sont aujourd’hui en circulation devraient être bientôt remplacées par des modèles de plus grande densité et ayant un temps de charge nettement plus réduit, ce qui pourrait mieux correspondre aux attentes des usagers. Faire de l’électrique fait sens car les constructeurs doivent accompagner et anticiper les innovations futures, mais sans incitation de la part des pouvoirs publics à se diriger vers cette niche, il y aura certainement moins d’entrain de la part des constructeurs. Tout le monde est d’accord pour dire que le moteur électrique est l’avenir de l’automobile, mais force est de constater que, pour l’instant, ce n’est pas suffisamment rentable.

Que manque-t-il encore aux constructeurs français pour parvenir au niveau de la concurrence allemande ? S'agit-il seulement d'une question de coûts, et de flexibilité du travail, ou d'autres facteurs mériteraient d'être pris en compte ?

Le problème principal des constructeurs français est qu’ils sont pénalisés par un positionnement en milieu de gamme ce qui a pour effet de les rendre très dépendants de l’évolution des coûts. Le prix final est un critère décisif pour les consommateurs lorsqu’ils achètent un véhicule français, ce qui est moins le cas pour les constructeurs allemands où l’effet de marque joue davantage. Par ailleurs, les marques généralistes sont beaucoup plus soumises aux aléas de la conjoncture que le haut de gamme. Ces deux points expliquent les difficultés rencontrées par les constructeurs français. La solution n’est probablement pas de monter en gamme. Les constructeurs allemands sont indétrônables, ce serait un pari risqué et coûteux, insensé même. En revanche, les constructeurs français doivent davantage innover sur le créneau des voitures moyennes et petites. D’une certaine manière, Renault a répondu magistralement à cette problématique avec Dacia. Il y a beaucoup à apprendre de cette success story qui, initialement, ne devait concerner que les marchés émergents.

Enfin, il est indéniable que le coût du travail entre en compte puisque la main d’œuvre représente environ 7% du coût d’une voiture. Toutefois, il s’agit d’un point de moins en moins crucial au fur à mesure de la robotisation du processus de production. Les constructeurs ont appris de leurs erreurs : ils misent sur des usines plus innovantes et plus flexibles, ce qui permet une adaptation rapide de la production à la demande. L’assouplissement supplémentaire des 35 heures attendu dans le cadre de la loi El Khomri devrait aussi favoriser un meilleur ajustement de l’appareil productif à l’activité économique. C’est un processus qui n’est pas encore pleinement terminé mais son enclenchement permet d’être optimiste pour l’avenir du secteur.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean

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